dimanche 10 septembre 2017

Quand Gide inspirait Norman Mailer

"Please do not understand me too quickly." Norman Mailer a placé cette citation de Gide en tête de son livre Le Parc aux cerfs (1955). Il l'utilisera encore dans le premier article qu'il écrit pour The Village Voice, la revue qu'il vient de fonder avec ses amis Daniel Wolf et Edwin Fancher. Comme James Baldwin ou Truman Capote, Norman Mailer est attentif aux écrits de Gide. Il est aussi un proche de Jean Malaquais, qui l'a influencé considérablement sur le plan intellectuel comme en témoigne leur correspondance établie par Geneviève Nakach (Le Cherche-Midi, 2008).

En 1961, dans The Paris Review, Norman Mailer présente un fragment de texte qu'il qualifie lui-même de début de roman avorté : The First Day’s Interview. Une forme d'interview qu'affectionnait Gide, comme le souligne Mailer, qui aurait aussi pu citer les Interviews imaginaires...

"Sometimes I think my work may be seen eventually as some literary equivalent (obviously much reduced in scale) to Picasso. My vice, my strength, is beginnings. Usually I begin well—it is just that I seem to have little interest in finishing. It seems adequate to start a piece, go far enough to glimpse what the possibilities and limitations might be, and then move on. Which for that matter is close to the discrete temper of our time.

This interview was an experiment. Unfinished one obviously. As an attempt to breach an opening into The Psychology of the Orgy, it has a few charms. It may even be possible to write a good book this way; such a book would be a novel. I can think of nothing very much like it, except perhaps for Gide’s Corydon, but the difference is most particular. In Corydon, Gide stepped aside from his Self, and appeared nominally as André Gide-the-Interviewer speaking to some young talented homosexual artist, a man not unlike the hero of The Immoralist. He thus divided his dialogue between two Gides: a young, conventional, severe, most well-mannered and rather agitated young prig, (the ''I'' of Corydon) and the subject, a saturnine, scientifically articulated, rather sinister (in the proper tone of the period) man of talent.Norman Mailer, a weary, cynical, now philosophically turned hipster of middle years; the interviewer is a young man of a sort the author was never very close to.

In this fragment—The First Day’s Interview—the encounter is less narcissistic. The subject is a Norman Mailer, a weary, cynical, now philosophically turned hipster of middle years; the interviewer is a young man of a sort the author was never very close to. The vector of the dialogue is therefore opposite to Corydon. In that book, Gide appears in a conventional suit and tries to take a trip across the room into himself. He is hoping to seduce his readers. On the contrary, in this piece printed here, the author in full panoply is pretending to travel back to society in order to seduce the brain of the young critic he never was. One might call it a Counter-Diabolism to Gide’s method, and be not at all presumptuous—if one managed, small matter, to finish the book."

(Paris Review 26, Summer-Fall 1961, p. 140-141)

Le texte complet de The First Day's Interview a été repris dans Conversations with Norman Mailer (University Press of Mississippi, 1988), à consulter en ligne ici.

samedi 9 septembre 2017

Écrire avec Chopin : appel à contributions

"Écrire avec Chopin. Frédéric Chopin dans la littérature" est le titre d'un colloque international organisé par l'Institut de Recherche en Langues et Littératures Européennes qui se tiendra les 21, 22 et 23 juin 2018 à l'Université de Haute-Alsace, Mulhouse. Un sujet qui inspirera forcément les gidiens.

Présentation :

En 1988, le Centre de civilisation française de l’Université de Varsovie organisait un colloque intitulé « Chopin et les Lettres », révélant ainsi aux chercheurs un filon qui demeure aujourd’hui en grande partie inexploité. Quelque trente ans plus tard, nous voudrions donc revenir sur cette question, et l’aborder selon des perspectives nouvelles.
Notre idée est d’étudier le dialogue qu’écrivains et artistes entretiennent avec Frédéric Chopin. Il y a ceux qui furent les intimes du compositeur – à commencer par George Sand – et ceux qui fréquentèrent assidument son œuvre – à commencer par André Gide ; ceux qui, à l’instar d’André Maurois, célèbrent « le plus lunaire et le plus tendre » des compositeurs, et ceux qui, comme Dominique Jameux, exaltent un « musicien du déchirement, porté à la violence » ; ceux, innombrables, qui admirent Chopin, et ceux – bien plus rares – qui osent écrire, avec Romain Rolland : « Je n’aime pas Chopin. »
Voici quelques-uns des axes (non exclusifs) qui structureront notre réflexion collective:
– En quoi la littérature a-t-elle contribué à la formation de la figure (pour ne pas dire du mythe) de Chopin ?
– Qu’apporte l’œuvre de Chopin à la littérature ? Peut-on écrire à la manière de Chopin ? L’œuvre de Chopin est-elle l’expression d’un ethos artistique qui serait praticable en littérature ?
– Ces mêmes questions peuvent tout aussi bien s’appliquer à la peinture : car le portrait du compositeur par Delacroix a, c’est une évidence, concouru à la création de ce qu’on peut appeler un imaginaire Chopin. En outre, l’œuvre de Chopin a directement inspiré les peintres – on peut penser notamment aux vingt-quatre Préludes du musicaliste Gustave Bourgogne.
– Le discours philosophique sur Chopin a-t-il influencé les écrivains et les artistes ? Chacun connaît les pages de Jankélévitch sur le musicien. On se souvient aussi que Nietzsche se réjouissait que le compositeur polonais ait « libéré la musique des influences allemandes, de la propension à la laideur, au morne, à l’esprit petit-bourgeois, à la lourdeur et à la pédanterie ». Mais dans quelle mesure ce parti-pris nietzschéen a-t-il présidé à l’organisation d’un discours contre Wagner et pour Chopin dans la littérature française de la Belle Époque, puis de l’entre-deux-guerres ? Et, par ailleurs, les réflexions d’Adorno sur Chopin ont-elles orienté les spéculations du compagnon d’exil du philosophe à Pacific Palisades, Thomas Mann, qui, précisément, commençait en 1943 à rédiger le Docteur Faustus ?
Bien entendu, toutes les propositions qui nous feront découvrir d’autres aspects de la question qui nous occupe seront les bienvenues. Il semble notamment indispensable, pour qui veut comprendre le rôle de la figure de Chopin dans la littérature, de connaître les lectures du compositeur, de savoir quelles furent ses admirations littéraires, etc.
Enfin, dans le cadre des liens privilégiés qui unissent l’Institut de recherche en Langues et Littératures Européennes et la Fondation Catherine Gide, nous voudrions consacrer tout spécialement une demi-journée à la présence de Chopin dans l’œuvre d’André Gide – question qui a déjà été abondamment traitée, mais qui mérite, nous semble-t-il, de l’être sous de nouveaux angles.
Les langues de travail du colloque seront le français, l’anglais et l’allemand.

Plus d'infos sur : https://www.fabula.org/actualites/ecrire-avec-chopin-frederic-chopin-dans-la-litterature_80773.php