mercredi 30 janvier 2008

Sur Aline Mayrisch

Exposition au Centre national de littérature à la Maison Servais à Mersch (Luxembourg)

Ouvert en 1995, le Centre national de littérature a inauguré en novembre 1997 sa première exposition importante sous le titre : Hôtes de Colpach - Colpacher Gäste. A l'occasion du 70e anniversaire du décès accidentel de l'industriel sidérurgique Émile MAYRISCH et du 50e anniversaire de la mort de son épouse Aline, née DE SAINT-HUBERT, hommage est rendu à ce couple de mécènes grand-ducaux pour ses mérites dans les domaines socio-économique et culturel.

A Dudelange puis, à partir de 1920, dans leur château de Colpach sur la frontière belge, ils ont accueilli de nombreuses personnalités du monde des lettres et des arts, des philosophes, des économistes, des hommes politiques, des intellectuels, afin de discuter avec eux, dans un contexte convivial, de la réorganisation pacifique et fédéraliste de l'Europe après les horreurs de la Grande Guerre. Bien qu'elle fût une habituée de Pontigny, Aline Mayrisch n'a cependant jamais voulu donner à ces rencontres amicales l'allure de réunions de travail méthodiques avec exposés, discussions et publications.

A Colpach, on se voyait dans un cadre champêtre, on présentait ses textes, on échangeait des impressions et des manuscrits, on prenait date, on écrivait, on concevait ensemble des projets d'écriture, de traduction et d'édition. Le livre d'hôtes de cet état de grâce culturel unique dans l'histoire du Grand-Duché de Luxembourg a heureusement été conservé, tout comme une part importante de la bibliothèque, de la documentation et des collections artistiques des Mayrisch, provenant des fonds propres du CNL et de prêts. C'est à partir du livre d'hôtes, qui comporte des signatures, des inscriptions, des dates, des dédicaces et des pensées éparses, que les commissaires de l'exposition, les professeurs Germaine Goetzinger, chargée de direction, Gast Mannes et Frank Wilhelm, collaborateurs scientifiques externes, ont voulu montrer le fonctionnement de ce qu'on a pu appeler « petit noyau de la future Europe ».

Sont d'abord présentés, dans leur vie publique et dans leur intimité, les maîtres de maison, suivis d'un choix de dix invités de marque dont cinq appartiennent, sans être tous Français, au domaine de la francophonie, et cinq, sans être tous Allemands, à celui de la germanophonie. Aussi, le catalogue est-il bilingue, particularité qui s'imposait presque d'elle-même à Colpach. L'exposition rassemble de nombreux documents et objets inédits et insoupçonnés, notamment des lettres manuscrites, des ouvrages dédicacés, des éditions rares, des oeuvres d'art. Du côté des hôtes francophones, on découvrira : Marie DELCOURT, l'helléniste liégeoise qui avait des parents à Arlon ; André GIDE, l'habitué de Colpach, qui avait commencé ses Faux-Monnayeurs à Dudelange ; Bernard GROETHUYSEN, le philosophe marxiste qui fréquentait le plus grand capitaliste grand-ducal et qui est mort d'ailleurs et enterré à Luxembourg ; Jules PRUSSEN, seulement aspirant-professeur de philosophie et déjà apprécié pour son envergure, un des rares Grand-Ducaux dans le cercle des Mayrisch ; Maria VAN RYSSELBERGHE, la très bonne amie d'Aline, pour laquelle elle a rédigé ses Cahiers de la Petite Dame sur la vie quotidienne de Gide.

Du côté des hôtes germanophones on fera connaissance avec : l'architecte allemand Otto BARTNING, qui a conçu les plans de la Maternité de la Croix-Rouge luxembourgeoise présidée par Aline Mayrisch et de la villa La Messuguière (dans le Var), où celle-ci a accueilli, pendant la dernière guerre, certains ténors de la NRF ; le pionnier de l'unification pacifique de l'Europe, Richard N. COUDENHOVE-KALERGI, un cosmopolite abhorré par Hitler ; l'actrice allemande Gertrud EYSOLDT, que Gide et Aline Mayrisch ont pu admirer sur scène à Berlin, en 1903 ; le philosophe allemand Carl GEBHARDT, spécialiste de Spinoza et de Schopenhauer ; enfin l'écrivaine allemande Annette KOLB, dont la mère était française et qui, parfaitement bilingue et réduite à l'exil par le nazisme, fut décorée par le chancelier Adenauer et le président de Gaulle comme incarnation de l'Europe libérale. C'est cette Europe que les Mayrisch entendaient créer et que la présente exposition voulait promouvoir à l'occasion de la présidence luxembourgeoise dans la 2e moitié de 1997.

L'exposition Hôtes de Colpach - Colpacher Gäste était ouverte jusqu'au 20 février 1998. Catalogue illustré de 128 pages, disponible (500 FRL) auprès du CNL, 2, rue Émmanuel Servais, L-7565 MERSCH, et dans les bonnes librairies. Le catalogue a reçu le TROPHEE 1998 organisé par la Fédération des Professionnels de la Communication, catégorie : Meilleur travail d'édition.

[Paru dans Francophonie vivante, Bruxelles, n°1, mars 1998, pp. 26-27.]

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