lundi 10 décembre 2012

Pour l'histoire du Thésée


 Pour l'histoire du Thésée d'André Gide, C. Dhérin et C. Martin,


Céline Dhérin et Claude Martin ont œuvré Pour l'histoire du Thésée d'André Gide en compilant dans le dernier cahier de l'Association des Amis André Gide la genèse, les différents états de ce texte et sa réception*. Un projet de longue haleine et qui aurait dû paraître avant les Romans et récits dans la Pléiade en 2009 comme le laisse entendre la préface. Mais tout de même pas en 1912 comme l'annonce drôlement la justification du tirage !

L'édition Schiffrin du Thésée
1912 est l'année des premiers fragments de la rédaction d'un Thésée par Gide. Mais il y songe au moins depuis l'année précédente selon le Journal. Une lente maturation dont il a le secret suivie d'une rédaction rapide en 1944, alors que Gide est exilé à Alger : « J'ai travaillé et écrit, en mai-juin dernier, dans un état de joie indicible et que je croyais ne plus jamais connaître, un Thésée qui me tenait à cœur depuis longtemps et que j'avais à peu près désespéré de mener à bien. » écrit-il le 22 octobre 1944 à Dorothy Bussy.

Un texte muri plus de trente ans, écrit en six semaines, et qui va connaître des états successifs et plusieurs publications : chez Schiffrin en janvier 46 à New York, dans les Cahiers de la Pléiade en avril 46, et enfin chez Gallimard la même année. Pendant cette période de retouches fin 1945-début 1946, Gide voyage avec Robert Levesque en Egypte. Ils sont rejoints le 27 janvier 1946 par Etiemble, alors professeur à l'Université d'Alexandrie.

Cahiers de la Pléiade, avril 46

Bien des années plus tard, Etiemble se souviendra de ce séjour et comment il a « entièrement récrit » le Thésée que Gide lui avait alors fait lire. Céline Dhérin et Claude Martin démontent assez facilement ces propos tenus sur France Culture en 1993 : Etiemble, qui se proposait d'écrire un article sur Thésée, avait pris en note sur une édition Schiffrin les corrections de Gide pour l'édition Gallimard. Retrouvant dans un dossier, bien des années plus tard, le livre et les annotations de sa main, il « se prend à croire », pour reprendre l'expression bien diplomatique des auteurs, qu'il en est à l'origine...

La présentation sur quatre colonnes du texte du manuscrit Doucet, de l'édition Schiffrin, de celle des Cahiers de la Pléiade, et enfin l'édition définitive de Gallimard, achève de lever le moindre doute : Gide est bien l'auteur de Thésée, et d'ailleurs comment en douter tant il y a là son « drôle », celui de Paludes notamment. Aux aristoloches de l'accouchement impossible qui bordent le chemin du narrateur de Paludes et d'Angèle répondent ici les très viriles asperges de la rencontre entre Thésée et Périgone... « Vers tout ce que Pan, Zeus ou Thétis me présentait de charmant, je bandais » affirme Gide autant que Thésée, qui tenait beaucoup à ce qu'on prit le verbe dans son sens le plus cru.

Alors Thésée, « classique ? baroque ? ou d'une modernité qui suspend le récit entre la transmission orale propre au mythe et la composition poétique ? » s'interrogent Céline Dhérin et Claude Martin. Festival de trouvailles, de formules, les mélanges entre une langue tantôt des plus populaires tantôt des plus classiques et même précieuses donnent tout son sel au récit. Le saugrenu, au sens là encore le plus strict, est le ton qui convenait le mieux au testament gidien.


L'édition de Thésée sur Hollande chez Gallimard (1947) :
 le 27e et dernier titre paru dans la "petite collection bleue"
à la couverture inspirée  de celle du Faust traduit par Nerval

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* En plus de la genèse du texte, de la présentation en quatre colonnes des quatre versions du texte, les auteurs donnent aussi des fragments, les Considérations sur la mythologie grecque, un Monologue de Thésée, un fragment d'Œdipe à Colone, des extraits des entretiens avec Jean Amrouche, et le dossier de presse de Thésée. Pour prolonger cette étude, nous ne saurions trop, comme Céline Dhérin et Claude Martin dans leur conclusion, conseiller aussi la lecture de celle de Daniel DurosayThésée roi. Essai sur le discours politique dans le Thésée de Gide (BAAG, n°106, avril 1995).

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