Pour l'histoire du Thésée d'André Gide, C. Dhérin et C. Martin,
Publications de l'AAAG, 2012
Céline Dhérin et Claude Martin ont
œuvré Pour l'histoire du Thésée d'André Gide en compilant
dans le dernier cahier de l'Association des Amis André Gide la
genèse, les différents états de ce texte et sa réception*. Un
projet de longue haleine et qui aurait dû paraître avant les Romans
et récits dans la Pléiade en 2009 comme le laisse entendre la
préface. Mais tout de même pas en 1912 comme l'annonce drôlement la
justification du tirage !
L'édition Schiffrin du Thésée |
1912 est l'année des premiers
fragments de la rédaction d'un Thésée par Gide. Mais il y
songe au moins depuis l'année précédente selon le Journal.
Une lente maturation dont il a le secret suivie d'une rédaction
rapide en 1944, alors que Gide est exilé à Alger : « J'ai
travaillé et écrit, en mai-juin dernier, dans un état de joie
indicible et que je croyais ne plus jamais connaître, un Thésée
qui me tenait à cœur depuis longtemps et que j'avais à peu près
désespéré de mener à bien. » écrit-il le 22 octobre 1944 à
Dorothy Bussy.
Un texte muri plus de trente ans, écrit
en six semaines, et qui va connaître des états successifs et
plusieurs publications : chez Schiffrin en janvier 46 à New York,
dans les Cahiers de la Pléiade en avril 46, et enfin chez
Gallimard la même année. Pendant cette période de retouches fin
1945-début 1946, Gide voyage avec Robert Levesque en Egypte. Ils
sont rejoints le 27 janvier 1946 par Etiemble, alors professeur à
l'Université d'Alexandrie.
Cahiers de la Pléiade, avril 46 |
Bien des années plus tard, Etiemble se
souviendra de ce séjour et comment il a « entièrement
récrit » le Thésée que Gide lui avait alors fait
lire. Céline Dhérin et Claude Martin démontent assez facilement
ces propos tenus sur France Culture en 1993 : Etiemble, qui se
proposait d'écrire un article sur Thésée, avait pris en
note sur une édition Schiffrin les corrections de Gide pour l'édition
Gallimard. Retrouvant dans un dossier, bien des années plus tard, le
livre et les annotations de sa main, il « se prend à croire »,
pour reprendre l'expression bien diplomatique des auteurs, qu'il en
est à l'origine...
La présentation sur quatre colonnes du
texte du manuscrit Doucet, de l'édition Schiffrin, de celle des
Cahiers de la Pléiade, et enfin l'édition définitive de
Gallimard, achève de lever le moindre doute : Gide est bien
l'auteur de Thésée, et d'ailleurs comment en douter tant il y a là
son « drôle », celui de Paludes notamment. Aux
aristoloches de l'accouchement impossible qui bordent le chemin du
narrateur de Paludes et d'Angèle répondent ici les très
viriles asperges de la rencontre entre Thésée et Périgone...
« Vers tout ce que Pan, Zeus ou Thétis me présentait de
charmant, je bandais » affirme Gide autant que Thésée, qui
tenait beaucoup à ce qu'on prit le verbe dans son sens le plus cru.
Alors Thésée, « classique
? baroque ? ou d'une modernité qui suspend le récit entre la
transmission orale propre au mythe et la composition poétique ? »
s'interrogent Céline Dhérin et Claude Martin. Festival de
trouvailles, de formules, les mélanges entre une langue tantôt des plus populaires tantôt des plus classiques et même précieuses donnent tout son sel au récit. Le saugrenu, au sens là encore le plus strict, est le ton
qui convenait le mieux au testament gidien.
L'édition de Thésée sur Hollande chez Gallimard (1947) :
le 27e et dernier titre paru dans la "petite collection bleue"
à la couverture inspirée de celle du Faust traduit par Nerval
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* En plus de la genèse du texte, de la présentation en quatre colonnes des quatre versions du texte, les auteurs donnent aussi des fragments, les Considérations sur la mythologie grecque, un Monologue de Thésée, un fragment d'Œdipe à Colone, des extraits des entretiens avec Jean Amrouche, et le dossier de presse de Thésée. Pour prolonger cette étude, nous ne saurions trop, comme Céline Dhérin et Claude Martin dans leur conclusion, conseiller aussi la lecture de celle de Daniel Durosay : Thésée roi. Essai sur le discours politique dans le Thésée de Gide (BAAG, n°106, avril 1995).
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