« Les textes ici rassemblés,
malgré leur apparence hétéroclite, ont en commun d'être des
textes préparatoires, ou pour le moins annonciateurs. Ce ne sont pas
des brouillons, mais les premiers pas sur le chemin d'œuvres à
venir, qu'elles soient clairement envisagées ou simplement
pressenties », explique Pierre Masson tout au début de sa
présentation de De me ipse et autres textes préparatoires,
recueil de textes de Gide en grande partie inédits que viennent de publier les éditions Orizons.
Qu'est-ce
que le De me ipse déjà
évoqué dans les études de Jean Delay, de Claude Martin, dans la
correspondance ou l'an dernier par Peter Schnyder au colloque de Cerisy ? Le titre est assez clair – à propos de moi
– et ressuscite un genre ancien comme Gide le fera aussi pour la
sotie. De me ipse est
le titre d'un chapitre de l'autobiographie de Jérôme Cardan, et
potentiellement celui de plusieurs de ceux des Essais
de Montaigne... Une observation de soi en mouvement (« Je ne
peints pas l'estre, je peints le passage ») et en interaction
(« Qui ne vit aucunement à autruy, ne vit guère à soy »).
Commencé
vers la vingtième année dans le but d'écrire des mémoires, le
dossier De me ipse
deviendra d'ailleurs par la suite De me ipse et aliis.
Gide continuera à l'alimenter après la rédaction de Si
le grain ne meurt tout en
nourrissant un autre dossier appelé « Repentirs de Si
le grain ne meurt » qu'on
retrouve en fin de volume. L'ensemble de ces textes d'un « Gide
collectionneur de lui-même » est assorti de plusieurs
reproductions de pages manuscrites et de photographies de ceux
qu'elles évoquent : Juliette Gide, Madeleine Gide, Pierre Louÿs,
Elie Allégret, Paul Laurens...
D'autres Fragments, parus
en mars 1893 dans L'Ermitage,
et jamais réédités depuis, ouvrent le recueil dans cette volonté
de montrer l'auteur en mouvement, muant d'André Walter en narrateur
des Nourritures terrestres.
Certaines phrases ou parties se retrouveront dans le Journal,
ou dans la correspondance, sans qu'on sache toujours très bien dans
quel sens se fait la circulation. L'œuvre de Gide et Gide lui-même
ne faisant qu'un seul et même organisme en développement permanent.
L'artiste devant, selon Gide, « non pas raconter sa vie telle
qu'il l'a vécue, mais la vivre telle qu'il la racontera. »
La
découverte de la jouissance, les souvenirs sur François de Witt,
l'entente avec sa mère ou la ronde des garçons de Biskra montrent
aussi que les mémoires sont loin d'être ce récit au fil de la
plume annoncé : « L'examen des reliquats du De me
ipse, auxquels il conviendrait
d'ajouter tous les éléments biffés sur le manuscrit de Si
le grain ne meurt, prouve qu'il
n'en est rien et que Gide adopta la solution la moins malhonnête à
ses yeux : celle de sélectionner les anecdotes qui allaient dans le
sens global qu'il voulait donner après coup à son passé »,
commente Pierre Masson.
Le recueil donne plusieurs reproductions des pièces de ce
volumineux dossier comme cette "Découverte de la jouissance (1886)"
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