Visite au musée d'Uzès
Depuis le 27 juin et jusqu'au
11 octobre, le musée d'Uzès présente une exposition intitulée
« André Gide et Uzès. Aux origines de la famille Gide ».
Un choix d'objets, de documents et de photographies en noir et blanc
signées Jean-Pierre Loubat remplace donc l'exposition permanente
dans les vitrines de la salle Gide du musée.
Mais avant d'arriver à cette salle, la
dernière du musée qui fait donc un peu figure de cerise sur le
gâteau de la visite, un mot des autres parties du musée. Ce n'est
pas la chaleur – 29 degrés le jour de notre visite, à en croire
un thermomètre posé dans un coin – qui étouffe la scénographie,
mais bien le flagrant manque de moyens qui sont donnés au musée.
Des panneaux anciens flanqués contre les murs : le musée d'Uzès
est moins bien signalé que le musée du bonbon Haribo...
Sans doute est-ce là encore un signe
du peu de cas qui est fait de la culture dans cette ville, toute
tournée vers le tourisme de masse, avec la saleté et les arnaques
qui en découlent. Au milieu des hordes de touristes qui promènent
leur ennui dans les boutiques vendant de l'huile d'olive espagnole,
des vêtements fabriqués au Bengladesh ou des céramiques
provençalo-chinoises, les parcelles d'humanisme encore émergées
comme celle-ci se font rares. Ainsi le so-called « musée » de l'industriel Haribo (en réalité une boutique d'usine avec trois attractions dignes d'un Disneyland pakistanais) est mieux signalé que le musée municipal !
On voit bien que les collections ont
grandi, ont pris au fil des ans de nouvelles directions, signe d'un
musée vivant et dynamique, mais qui serait comme un Bernard
l'hermite à qui l'on refuserait une coquille à sa taille. Le
mobilier de présentation a certes un charme vieillot, mais on a
presque envie de pleurer devant la nappe en papier utilisée pour le
fond de certaine vitrine. Quel admirable courage il faut pour porter
tous ces trésors à bout de bras, à bout de cœur et d'intelligence
!
Le monument a la mémoire de Jacques d'Uzès, mort au Congo
Les armoires peintes, les céramiques...
La chaleur de bête ne permet pas de s'attarder sur tout, hélas,
comme sur cette mesure de drapier semblable à celles que les
ancêtres de Gide ont pu manier. Devant le grand portrait de la
duchesse d'Uzès, l'histoire de l'expédition au Congo de son fils,
Jacques de Crussol, en 1892 : le jeune duc mourra là-bas à l'âge
de 24 ans. Sa mère fera publier sa correspondance du Congo et
érigera un monument à sa mémoire sur le parvis de la cathédrale.
Le groupe représente le duc à la
proue d'une pirogue propulsée par quatre pagayeurs. Il est du
sculpteur René de Saint-Marceaux (dont l'épouse Marguerite, dite
« Meg » tenait le salon qui servit de modèle à celui
des Verdurin). Il n'en reste que des photographies : le bronze a été
fondu lors de la seconde guerre mondiale. Gide, qui a dû passer
souvent près du monument, retrouvera le souvenir du jeune duc au
Congo en embarquant à bord du Jacques d'Uzès pour
rejoindre le lac Tchad.
La salle Charles et André Gide
L'une
des malles de Gide au Congo se trouve d'ailleurs dans la « Salle
Charles et André Gide » du musée d'Uzès. Elle a été
retrouvée par l'écrivain Jean-Pierre Faye, qui occupe désormais
l'appartement de Gide au Vaneau, dans les caves de l'immeuble, avec
tout son contenu bien plié et rangé depuis 1926 ! Dans une autre
vitrine, une redingote de Gide a désormais son double de papier
réalisé par l'artiste Mireille Laborie.
Les foulards offerts à Gide par la Petite Dame,
puis par Elisabeth Van Rysselberghe au musée
Juste
au dessous, deux foulards offerts par Elisabeth Van Rysselberghe au
musée en 1973. Celle-ci explique dans un petit mot que ces carrés
d'étoffe lui furent offerts par Maria Van Rysselberghe, « dont
l'un chinois, le bleu et blanc, date de l'exposition de 1900 ».
La canne de Jammes n'est pas là : elle a fait place à l'exposition
qui se concentre sur les passages de Gide à Uzès, et le travail du
photographe Jean-Pierre Loubat qui est retourné sur les lieux
gidiens de la cité mais aussi à la Villa des Sources, propriété
de Charles Gide à Bellegarde, où le temps semble s'être arrêté...
Le cahier de dessins du jeune André Gide
On y
trouvera les portraits des Gide magistrats, l'évocation de
l'appartement de la grand-mère Clémence, un acte juridique signé
par Tancrède Gide, dont les états de service n'étaient pas fameux
à en croire les témoignages recopiés par son fils Charles... Cela
ne surprend pas : le discret Paul, le père d'André, est absent.
Mais on aperçoit le visage de Marguerite de Charnisay, née Verdier
de Flaux : la cousine mordue à l'épaule par le tout jeune André.
Le petit André qui aimait à attraper les papillons (son filet en
témoigne) mais aussi à en inventer de flamboyants dans son cahier
de dessins.
Plus
que quelques jours, donc, pour voir cette exposition « André
Gide et Uzès. Aux racines de la famille Gide ». Mais un
ouvrage du même nom, publié avec l'aide la Fondation Catherine
Gide, permettra de la prolonger. On y retrouvera par exemple le texte
d'une conférence prononcée en 77 à Uzès par Daniel Moutote,
d'utiles tableaux généalogiques, un article de la baronne de
Charnisay écrit à la mort de Charles Gide... Ce livret accompagnera
la nouvelle édition du catalogue de la collection Gide du musée,
pour les acquisitions 1994-2014.
André
Gide et Uzès. Aux racines de la famille Gide
Exposition jusqu'au 11 octobre au Musée Georges Borias
Les catalogues André Gide et Uzès. Aux racines de la famille Gide (2015)
et Collection André Gide, acquisitions 1994-2014 (2015),
sont disponibles au musée et par correspondance
2 commentaires:
Un article engagé contre le « tourisme de masse » ! Gide se mérite, comme toutes les choses précieuses…
Pour ma part, il est des lieux ou de nos jours il est préférable de se promener hors saison, Firenze en Janvier, Uzes en février et Taormina en mars, au delà de avril et jusque octobre, terra incognita. Nous remercions Fabrice PICANDET d'avoir fait cette escapade et bravé tout ce dont il nous fait part.
Enregistrer un commentaire