lundi 26 septembre 2011

Visite à Pontigny (1/2)


Tout cet été, les Amis de Pontigny faisaient revivre l'esprit des Décades au travers d'une exposition consacrée à Paul Desjardins et de nombreuses conférences et présentations. Le 27 août dernier, Pierre Masson, président des Amis d'André Gide, éditeur des œuvres dans la Pléiade et de nombre de ses correspondances dont celle avec Paul Desjardins, évoquait justement les liens entre les deux hommes.

L'occasion pour moi d'une visite à l'abbaye avec pour guides Marie-Odile Bougaud, des Amis de Pontigny, et Claire Paulhan, qui prépare notamment l'édition des agendas de Paul Desjardins. Encore merci à elles pour leur accueil chaleureux et sur lequel je reviendrai dans une seconde partie de ce petit compte-rendu de la visite. Mais avant d'en venir aux Décades et à Gide, plantons le décor...




Pont-au-nid... Pontigny


Le blason de Pontigny repose sur un à-peu-près. On y voit une poule en train de couver au sommet d'un arbre, le tout au milieu d'un pont : pont-au-nid... Pontigny... C'est non seulement prendre des libertés avec la toponymie mais surtout se placer sous de bien curieux auspices. La vénérable abbaye fondée en 1114 par Hugues de Mâcon, compagnon de saint Bernard, semble avoir toujours quelque surprise à révéler sous sa gravité cistercienne.

Hugues devient évêque d'Auxerre. L'abbaye donne aussi un archevêque de Bourges qui est canonisé : saint Guillaume. A ce rayonnement spirituel s'ajoute la puissance économique. Sur les bords du Serein, les frères convers s'activent. Voilà qui explique les 120 mètres de longueur de l'église bâtie entre le milieu et la fin du XIIe siècle et capable d'accueillir plusieurs centaines de moines.


L'église vue depuis l'emplacement du cloître


En 1206, Alix de Champagne, reine de France, épouse de Louis VII et mère de Philippe Auguste, est inhumée dans le chœur de l'abbatiale. Un retour puisque l'abbé de Pontigny, enfreignant la Règle qui interdisait l'entrée d'une femme à l'intérieur d'un monastère cistercien, avait autrefois accueilli Alix lors d'un séjour de deux jours dans la clôture. Accueillante Pontigny qui va abriter aussi trois archevêques de Cantorbéry en exil : Thomas Becket (saint Thomas de Cantorbéry), Thomas Langton et Edmond d'Abingdon (saint Edme) dont le corps repose toujours dans une châsse du chœur de l'église.
Comme la plupart des abbayes françaises au XVIe siècle, l'abbaye est mise en commende : les abbés partent dans les villes pour une vie plus prospère et souvent dissolue, et des seigneurs lointains en deviennent les « abbés commendataires », sorte de pdg avant l'heure qui touchent les bénéfices mais n'investissent plus dans l'entretien des bâtiments (nombre d'abbayes vont disparaître à cette époque). Jean du Bellay sera l'un d'eux. Puis les guerres de religion vont accentuer les dégâts. Pontigny est saccagée, les tombeaux profanés, mais le corps de saint Edme est mis en lieu sûr par les moines. 


 Châsse où repose le corps de saint Edme


Au siècle suivant, les abbés sont de nouveau choisis parmi les moines. Ils remettent en état et « embellissent » au goût du jour. La musique fait son entrée dans l'église avec un orgue de facture allemande acheté d'occasion. Une clôture du chœur et des grilles en fer forgé sont aussi installées. Puis la Révolution chasse les moines. Le palais abbatial est mis à terre, comme de nombreux bâtiments qui servent de « carrière » pour les maisons du village. Mais encore une fois, saint Edme est protégé et son culte très populaire sauve même l'église qui devient paroissiale avec le Concordat de 1801.

Il faut dire que saint Edme a la réputation de ressusciter les enfants morts-nés. Dans la région, le prénom Edme ou Edmond fait florès et l'on créé même le féminin Edmée pour placer aussi les fillettes sous la protection du bon saint anglais. En 1873, le pèlerinage à saint Edme accueillait dix milles personnes à Pontigny. Sa dépouille miraculeusement conservée devrait faire l'objet d'études approfondies, mais on attend encore les subventions pour financer la dépose de la châsse précieuse et le convoi en ambulance du saint préposé au limbus puerorum jusqu'à l'hôpital de Lille habilité à l'étudier.


Bâtiment des frères convers et façade de l'église


Deux curés de Pontigny allaient encore marquer l'histoire religieuse du lieu : l'abbé Muard, qui fondera justement en 1852 la communauté des Pères de Saint Edme, et l'abbé Tauleigne, curé de Pontigny de 1903 jusqu'à sa mort en 1926. Bricoleur et inventeur de génie, on doit à Tauleigne l'invention ou le perfectionnement de nombreux appareils d'optique, d'acoustique, de télégraphie sans fil et surtout de radiographie. Mais en mettant au point son « stéréomètre », radiographie stéréoscopique qui révolutionna la chirurgie, il s'exposa aux rayons X et en mourut.

En 1906, Paul Desjardins achète donc les bâtiments de l'abbaye, for l'église, et de 1910 à 1939 s'y tiendront les entretiens ou décades de Pontigny. En 1947, les Pères de Saint Edme reviennent à Pontigny pour y créer un collège franco-américain jusqu'en 1954. Puis le pape Pie XII donne le territoire paroissial de Pontigny à la Mission de France. En 1968 les bâtiments sont achetés par un centre de formation professionnelle pour handicapés. Dès 1985 l'association des Amis de Pontigny est créée et en 2003 la région Bourgogne rachète enfin le domaine. 


Vivier des moines et mur de la clôture 




(Pour continuer la visite : suivez le guide !)

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