vendredi 15 mars 2013

Un portrait de Gide refait surface





Martine Benjamin nous signale la vente imminente, prévue pour le mercredi 20 mars 2013 à 13h30 à Drouot du premier portrait d’André Gide réalisé en 1892 par Jacques-Emile Blanche et disparu depuis la vente des biens de Cuverville le 12 octobre 1963. Elle s'était déjà intéressée à ce mystérieux portrait dans un article intitulé « Jacques-Emile Blanche et ses modèles : Proust et Gide » paru dans le Bulletin des Amis d'André Gide (n° 151, juillet 2006, pp. 393-408). 

Voici ce que Martine Benjamin disait de ce portrait de Gide en « prince de l’alibi au manteau couleur de muraille » dans une note de son article : « Ce tableau de Gide à vingt ans intéresserait tant, mais après de nombreuses recherches demeurées infructueuses, il faut se contenter de la description qu’en donne Blanche et de sa reproduction en noir et blanc dans l’album Gide, Gallimard, 1985. p. 62. Cette reproduction est identique à celle que l’on trouve sur le document du Musée d’Orsay signalant la vente aux enchères du tableau, lors de la liquidation “du mobilier et des souvenirs d’André Gide, au château de Cuverville (12 octobre 1963.)“ » 

Lors de la récente exposition d’œuvres de Jacques-Emile Blanche à la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, seul le portrait de Gide réalisé en 1912 avait été présenté. Non seulement ce premier portrait refait surface mais il fait aussi la couverture du catalogue de cette belle vente par Thierry de Maigret. « Il serait fort intéressant de savoir quelle sera la nouvelle destination de ce curieux portrait », commente Martine Benjamin qui précise que « Certains amis ont promis d’essayer d'assister à la vente, mais rien n'est vraiment sûr. » Peut-être que des lecteurs fidèles de ce blog auront la chance d'être nos yeux et nos oreilles le 20 mars à Drouot...




Description du catalogue :

"Lot 121
Jacques Emile BLANCHE (1861 - 1942)
Estimation : 40 000 / 50 000 €
Portrait d'André Gide ou André Gide à 21 ans, vers 1890. Huile sur toile, signée en bas à droite, 107 x 73cm.

Provenance : 
- Ancienne collection André Gide - Vente André Gide, Me Lieury, Cuverville en Caux, 12 octobre 1963
- Ancienne collection André Bercowitz (achetée à la vente précitée) 

Bibliographie : 
- Mes modèles. Souvenirs Littéraires par Jacques-Emile Blanche, Paris, Stock, 1928, reproduit page 184
- Figurera dans le catalogue raisonné de l'oeuvre de Jacques-Émile Blanche actuellement en préparation par Jane Roberts sous le n° 1219 
Blanche rencontra vers 1890 l'écrivain André Gide (1869 - 1951), le plus romantique des mystérieux, peut-être chez Robert de Bonnières mais plus probablement à un dîner chez la princesse Ouroussof, boulevard Haussmann. Blanche décrivit dans son livre Mes Modèles, publié en 1928, son premier portrait de Gide: «mon modèle maigre mais de construction robuste... sur un fauteuil de paille anglais, le visage un peu chinois du jeune évangéliste, un grain de beauté volumineux le marque; ses yeux d'hématite, bridés étincelants, vous fixent avec le regard d'un prédicateur». Blanche fut tout de suite subjugué par son raffinement et surtout son sens aigu de l'observation, avec André Gide, du moins, vous aurez une vérité: la plus brutale écrivit-il. Leur amitié fut toujours fort houleuse mais de très longue durée puisque leur correspondance débutée en 1891, ne s'achèvera qu'en 1939. Gide, reçu fréquemment à Offranville, livrait tous ses manuscrits à Blanche avant de les envoyer à son éditeur. Blanche peignit son ami une deuxième fois en 1901, cinq ans après la publication des Nourritures Terrestres qui lui avait déjà valu une certaine consécration littéraire, entouré de ses amis Eugène Rouart, Henri Ghéon, Charles Chanvin et le jeune poète tunisien Athman ben Salah, au café Maure de l'Exposition Universelle (Musée de Rouen, inv. 925.1.8), et une troisième et dernière fois en 1912 quand Gide élaborait Les caves du Vatican son roman publié en 1914 (Musée de Rouen. Inv. 923.1.1). Jeune homme imberbe dans le complet de cheviote, Gaulois à la moustache de Vercingétorix, voyageur sous le chapeau de velours noir, vos yeux sont les mêmes; je me suis accoutumé à ce qu'ils me scrutent, comme je persisterai à les interroger résuma Blanche. (Voir Jacques-Emile Blanche par Jane Roberts, Éditions Gourcuff-Gradenigo 2012, pages 124-125).

Dans l'ouvrage : André Gide - Jacques Émile Blanche Correspondance 1892 - 1932 établie par Georges-Paul Collet, NRF, Gallimard 2010, nous retrouvons dans certaines lettres des passages qui doivent concerner notre tableau : 
Pages 220 & 221, dans une lettre de Blanche à Gide en date du 18 octobre 1917: je viens de relire les Nourritures terrestres que j'avais complètement vague dans ma mémoire.... Combien il existe de liens entre nos deux esprits, cher André ! Et qu'il est donc amusant d'avoir si longtemps marché parallèlement sur deux routes pareilles ! le jeune homme vêtu de gris, dans le portrait aux hortensias roses et le peintre qui le regardait... Une note nous fait nous reporter à la page 338 ou il est indiqué: Allusion au premier portrait de son ami que Blanche intitula André Gide à 21 ans. Ou bien encore, page 358 nous trouvons dans un texte inédit de Jacques Émile Blanche sur André Gide (que l'on peut dater de 1922): Je revois André, vêtu de gris, posant pour son premier portrait, comme aplati contre la muraille de nattes japonaises. L'armoire à glace en pitchpin, de Maple, assis dans fauteuil de bois noir anglais; derrière lui, la reproduction en photographie de Saraste de Whistler*, pauvre image que nous admirions alors. Des hortensias roses à côté de ce garçon presque imberbe, une verrue sur la joue, le nez large et long, des yeux terrifiants, sous un vaste front déjà dégarni. Il appui de sa lourde main de pianiste sa tête aux traits taillés brutalement, et je ne sais pourquoi, malgré ce nez si européen, d'aspect japonais; un masque d'acteur tragique que j'avais chez moi lui ressemblait, comme Sada Yakko ressemblait à Sarah Bernhardt. 

*Pablo de Sarasate, de son nom complet Pablo Martín Melitón de Sarasate y Navascués était un violoniste et compositeur espagnol peint par Whistler en 1884 (Carnegie Institute, USA) 

Nous remercions Jane Roberts pour les informations qu'elle nous a aimablement communiquées."


Signalons également au lot 122 une autre toile de Jacques-Emile Blanche provenant elle aussi de la collection d'André Gide à Cuverville : Portrait de Georges Porto-Riche, huile sur toile, signée, datée, située Dieppe et dédicacée à mon ami Rodin en bas à droite.
 
 
 
TABLEAUX MODERNES - ART DECO
Vente mercredi 20 mars 2013 à 13h30
Exposition mardi 19 mars de 11h à 18h
et mercredi 20 mars de 11h à 12h
HOTEL DROUOT - Salle 1 



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