lundi 28 décembre 2015

L'auteur qui n'ose pas dire son nom ?

Fin 1927* paraît L'amour qui n'ose pas dire son nom, dont la couverture était barrée par l'éditeur d'un bandeau portant le sous-titre suivant : « La première offensive contre la sodomie littéraire ». L'auteur, François Porché, explique dans sa préface : « J'ai conçu le dessein de parler des amours singulières, des formes inverties du désir, dans leurs rapports avec la littérature de mon temps (Marcel Proust, Oscar Wilde, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, Walt Whitman, André Gide...) »

André Gide note le 2 janvier 1928 dans son Journal : « Ecrit une réponse au livre de François Porché ; où je ne dis pas le dixième de ce que j'aurais à dire. C'est une flèche que je crains d'alourdir. Il est bon de laisser entendre qu'on en a d'autres dans son carquois. Au demeurant, ce n'est pas contre Porché que je tire, et j'espère qu'on le comprendra. »

Soucieux de faire paraître rapidement cette réponse et de lui donner une audience large, plus large que celle de la NRF, Gide va la porter tout aussitôt à Maurice Martin du Gard, alors directeur des Nouvelles Littéraires. Martin du Gard consigne cette rencontre dans le second tome de ses Mémorables. Je l'ai donnée ici même il y a quasiment un an tout juste, et j'ajoutais en note cet épilogue :

« Il renonce décidément à répondre à Porché », note la Petite Dame le 10 février 1928. « Les choses intéressantes que tout de même je disais dans cette lettre que j'ai bien fait de retirer, je les mettrai peut-être en appendice à Corydon » explique Gide à la Petite Dame. Sa réponse sera publiée un an plus tard dans La N.R.F. de janvier 1929, puis dans l'appendice de Corydon à partir de la réédition de 1929 (avec la réponse de François Porché, datée du 2 janvier 1929). 

Je m'appuyais pour cela sur la notice de Corydon dans l'édition de la Pléiade de 2009 (information reprise également par F. Lestringant dans sa biographie de Gide). Or, ouvrant récemment l'édition « augmentée » de 1929 de Corydon (NRF, achevé d'imprimer du 27 avril 1929 par Emmanuel Grévin à Lagny-sur-Marne), je m'aperçois que la lettre de Gide ne figure pas encore dans les Appendices, mais seulement celle de François Porché, suivie par celle de Léon Kochnitzky.

Profitons de cette petite correction bibliographique pour en apporter une autre : contrairement à ce qu'on peut lire dans la même notice de Corydon dans l'édition de la Pléiade (p.1181), dans la biographie de Gide par F. Lestringant (t.2, p.401) ou sous la plume de Mirande Lucien et Patrick Cardon (Eekhoud, un illustre uraniste, p.91) François Porché est bien son véritable nom, et non un pseudonyme de François Chagrin. C'est en fait l'inverse : François Chagrin est le pseudonyme pris par François Porché pour ses premiers poèmes.


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* achevé d'imprimer le 10 novembre 1927 pour Bernard Grasset

1 commentaire:

Laconique a dit…

Si l’on ne peut même plus se fier à la Pléiade ! Et en plus il y a des coquilles (par exemple : « Romans et récits », t. 1, « Les Caves du Vatican », p. 1134 : « posé » au lieu de « posée » ; p. 1144 : « il ; ne me quittait pas », etc.).