Après Proust et Lyautey (2009, Non Lieu), le prolifique Christian Gury publie un Gide et Lyautey. Précédé de Gide et certains faits-divers, toujours aux éditions Non Lieu. Sur la rencontre entre Gide et Lyautey, lors d'un voyage de Gide en mars-avril 1923 au Maroc en compagnie de Paul Desjardins, Pierre Hamp et Henri Bidou, on sait surtout que Gide a passé son temps à fuir Lyautey.
Deux raisons à cela : Gide détestait le côté officiel, protocolaire, et les manières de Lyautey. Lors de sa rencontre avec de Gaulle en 1943, Gide comparera d'ailleurs drôlement la séduction des deux hommes : « on ne sentait point chez lui [de Gaulle], comme à l'excès chez Lyautey, ce désir ou souci de plaire qui entraînait ce dernier à ce que ses familiers appelaient en riant : "la danse de la séduction". »
Présentation de l'éditeur :
André Gide collectionnait les « découpures » de presse, notamment relatives aux faits divers et affaires de mœurs de la Belle Epoque, en liaison avec l'écriture de Corydon, son essai sur l'homosexualité. Les thèmes de l'erreur judiciaire et du scandale l'interpellaient, sa propre vie flirtant avec les risques, tant en Europe qu'en Afrique. En Afrique justement, début 1923, il part avec l'intention de faire « des rencontres ». Il a accepté l'invitation d'Hubert Lyautey à lui rendre visite au Maroc. Gide a d'autant plus de raisons d'admirer Lyautey qu'il peut le considérer comme un disciple, sinon, mieux, comme son meilleur disciple, les théories de l'écrivain se trouvant par lui mises en pratique, à grande échelle. En effet, le maréchal-résident a démontré, sur le sol du Maroc, que « l'uranisme n'est en lui-même nullement néfaste au bon ordre de la société, de l'État ; tout au contraire », illustrant cette affirmation, d'allure certes un peu téméraire, martelée aux dernières pages de Corydon. Aujourd'hui, la justice sanctionnerait les mœurs licencieuses du militaire comme celles de l'écrivain
Après les Souvenirs d'un buveur d'éther de Jean Lorrain et avant Sixtine, de Remy de Gourmont, le Mercure de France réédite une autre petite pépite : Olivia, de Dorothy Bussy, traduit avec l'aide de Roger Martin du Gard (coll. Bibliothèque étrangère). L'amoureuse de Gide lui avait fait lire cette longue nouvelle dès 1933, mais Gide n'y avait pas apporté une grande attention. La Petite Dame nous raconte la suite de l'histoire, et le formidable succès d'Olivia, qui paraîtra finalement en 1949 :
« Il a mis beaucoup d'insistance (une insistance dans laquelle il y a sans doute un peu de remords) à me faire lire le manuscrit d'Olivia, une nouvelle écrite par Dorothée, qu'elle lui avait montrée il y a quinze ans et à laquelle il n'avait attaché aucune importance. Malgré le découragement qu'elle en avait éprouvé, elle a fini par la faire lire à ses amis anglais du monde littéraire, où elle a eu un tel succès qu'elle se décide à la publier. Martin, qui l'a lue dans une sommaire et très mauvaise traduction de Dorothée, s'est proposé pour la refaire en français, ce qui ne laisse pas de l'embarrasser un peu, vu son ignorance de l'anglais, mais à en juger d'après le premier chapitre qu'il a soumis à Gide, il nous paraît qu'il va s'en tirer admirablement bien, sinon sans beaucoup de peine. »Olivia connaîtra un beau succès, le cinéma et le théâtre s'y intéresseront. Un film sera tiré en 1950, réalisé par Jacqueline Audry, avec Edwige Feuillère et Simone Simon dans les rôles principaux. Une façon de boucler la boucle puisque c'est le film Jeunes filles en uniforme (Mädchen in Uniform, 1931), d'après la pièce de Christa Winsloe, dont Gide et Dorothy Bussy avaient parlé dans leur Correspondance, qui incitera Dortothy à lui envoyer sa nouvelle...
Présentation de l'éditeur :
En relevant la tête, j’ai rencontré son regard fixé sur moi. Sans réfléchir, sans avoir prémédité mon geste, j’ai cédé à une impulsion inconnue d’une violence irrésistible et je me suis tout à coup trouvée à ses genoux, couvrant ses mains de baisers et répétant à travers mes sanglots : « Je vous aime ! Je vous aime ! Je vous aime !… » Je sentais sous mes lèvres la douce chaleur de sa peau, la dureté de ses bagues…
Venue parachever son éducation en France, Olivia, une jeune Anglaise de seize ans à peine, va être subjuguée par la directrice de son école, la très belle MlleJulie qui lui fait découvrir la poésie, le théâtre, la peinture… Rien de plus vrai, de plus frais que ce premier amour d’une adolescente entraînée sans défense dans une aventure qui la dépasse. Mais si elle sait très bien jouer avec les sentiments exaltés de sa jeune élève, Mlle Julie vit en même temps une autre passion. Avec pour seules armes sa candeur et sa pureté, Olivia va se retrouver au cœur d’un drame. « Lyrisme passionné, spontanéité qui jamais n’échappe au contrôle, goût parfait, tels sont les caractères distinctifs de l’art de l’auteur », a écrit Rosamond Lehmann, qui ajoutait : « c’est pourquoi Olivia est une des rares œuvres que je relirai avec la certitude de n’en avoir jamais épuisé le suc. »
Quand Olivia parut en Angleterre en 1949, simplement signé « par Olivia », ce fut un succès immédiat. On sait aujourd’hui que l’auteur se nommait Dorothy Bussy, qu’elle était la sœur de Lytton Strachey, et une grande amie de Virginia Woolf et d’André Gide qu’elle traduisait en anglais. Née en 1865 et décédée en 1960, elle n’a écrit que ce mince roman devenu un classique.
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