jeudi 23 février 2012

Dix parutions


Biographies

Après les biographies signées Annie Cohen-Solal en1980 et Pascal Ory en 2005, c'est au tour d'Yves Buin de se pencher sur le destin de l'auteur d'Aden Arabie et Les Chiens de garde, dans Paul Nizan. La Révolution éphémère (Denoël, 2011, 23€). Médecin pédopsychiatre, musicien et auteur de romans policiers, on doit déjà à Yves Buin une biographie de Kerouac et celle de Céline parue en Folio.

Lors de la présentation du livre à la librairie Tschann-Paris, Yves Buin revenait sur les rencontres de Nizan avec Sartre, Malraux et Gide






Autre biographie parue en fin d'année dernière : Malaquais Rebelle (Le Cherche Midi, 2011, 18€) qu'on doit à Geneviève Nakach. La présidente de la Société Jean Malaquais a soutenu une thèse sur l'auteur des Javanais en 2005 et a co-signé avec Pierre Masson l'édition de la Correspondance Gide-Malaquais (Phébus, 2000).

"Cette biographie, précise et fort bien documentée, rend justice à l'écrivain, mais aussi à l'homme, éternel insoumis, fidèle jusqu'au bout à ses idéaux de gauche, marxiste, mais farouchement antistalinien, ami de Gide et de Norman Mailer.", écrivait Michel Abescat dans Télérama le 14 décembre dernier.


Essais

Les études sur Pierre Klossowski sont assez rares pour être signalées. Dans Anamnèses. Essai sur l’œuvre de Pierre Klossowski (Hermann, coll. Fictions Pensantes, 2012), Thierry Tremblay, spécialiste des rapports entre littérature, philosophie et théologie, tente de remonter aux sources ésotériques des essais de Klossowski. Présentation de l'éditeur :

"Écrivain et philosophe, traducteur, peintre, théologien, secrétaire d’André Gide, ami de Georges Bataille, proche de Michel Foucault et de Gilles Deleuze, Pierre Klossowski a exercé une influence aussi considérable que souterraine sur son époque. Ses écrits littéraires et philosophiques constituent sans conteste l’une des œuvres les plus exigeantes de la littérature française. Pour en mesurer la portée, il faut interroger ses relations avec l’occultisme et sa définition paradoxale de la fiction. C’est ce que fait Thierry Tremblay dans cet essai, à partir d’une enquête originale sur les sources ésotériques de l’auteur des « Lois de l’hospitalité », et d’une analyse approfondie des dispositifs du « Bain de Diane » et du « Baphomet ». Il démontre, sans Marx ni Lacan, mais avec Thomas d’Aquin et Nietzsche, que pour Klossowski le rôle de l’art est de dire l’être en créant de nouveaux mythes."



Dans Littérature et Environnement. Pour une écocritique comparée (Ed. Honoré Champion, 2012, 25€), Alain Suberchicot analyse et met en parallèle les façons d’habiter le monde qu'ont de nombreux auteurs de tous les continents, parmi lesquels Gide. Présentation de l'éditeur :

"Pour comprendre de quelle manière la littérature se saisit des questions d’environnement, une écocritique comparée est à construire. Ce livre est un essai de mise en mitoyenneté de textes marqués par des voyages, des lieux, des pays, des continents qui ne sont pas superposables, tant est grande la variété des circonstances et des configurations sociales qui les caractérisent. Le champ d’étude est vaste, mais ont été retenus des auteurs estimés représentatifs écrivant en trois langues : l’anglais, le français et le chinois. Dans un contexte culturel mondialisé, les idées circulent, et se répondent d’un côté à l’autre des clôtures censées enfermer les mondes en eux-mêmes, et des limites qui sont autant d’appels à rendre visite à ses voisins, si distants soient-ils à interroger les manières d’habiter le monde. Parmi les écrivains évoqués : Edward Abbey, Rick Bass, Rachel Carson, Annie Dillard, Aldo Leopold, Barry Lopez, John Muir, Hélène Cixous, Marguerite Duras, Jean Henri Fabre, André Gide, Julien Gracq, J.M.G. Le Clézio, Claude Lévi-Strauss, Jean Rolin, Victor Segalen, Mahi Binebine, Ma Jian, Han Shaogong, Gao Xingjian, ou encore Lin Yutang"



En Espagne vient de paraître Gide-Barthes. Cuaderno de niebla (Montesinos, 2012, 22€), un essai dans lequel le journaliste J. Benito Fernández s'amuse à relever les points communs entre Gide et Barthes, comme il l'expliquait récemment à Periodistas en Español

"Ils sont nés tous les deux en novembre, tous les deux dans la bourgeoisie, orphelins de père très jeunes, avec deux mères au caractère puissant, ils sont élevés par des femmes, ils sont homosexuels, coquets, mélomanes – tous deux apprendront le piano dans leur jeune âge – tuberculeux, protestants, ils seront marxistes et s'engageront aux côtés de la gauche, ils collaboreront au journal mythique Combat, ils se désengageront à la suite d'un voyage vers les « paradis socialistes » de l'URSS et de la République Populaire de Chine, ils ont été approchés par le pouvoir – Gide a dîné avec de Gaulle, Barthes s'est assis à la table de Giscard d’Estaing et Mitterrand – ils ont été deux grands hédonistes, ils aimaient le cirque... J'ai donc décidé d'écrire ce livre audacieux. Je dis audacieux parce que nombreux furent ceux qui me demandèrent : « Mais qu'ont-ils à voir l'un avec l'autre ? »" 
Si le journaliste tombe dans les poncifs de l'homosexualité et de la relation à la mère, son essai tombe à point nommé en Espagne où, explique J. Benito Fernández, "Gide aussi bien que Barthes sont peu lus. Et pourtant leurs œuvres sont toujours vivantes, on réédite leurs livres. Et l'on en donne toujours de nouvelles traductions. Pour Gide la mise à l'Index a été très préjudiciable. Le Vatican avait décidé que ce n'était pas un auteur sain pour les âmes catholiques. Gide a été un auteur très suivi en Espagne par la génération d'après-guerre, malgré sa condamnation par la gauche en raison de ses critiques du « paradis socialiste soviétique ». Aujourd'hui, la plupart des jeunes ne sait même pas qu'il a été un prix Nobel. Et chez Barthes on continue à ne voir que le critique (le structuralisme est encore d'actualité) au détriment du créateur, qui est pour moi sa facette la plus intéressante."


Retours de Russie


Souvenez-vous. En mai 2010 nous signalions ici même le voyage de quinze écrivains à bord du transsibérien à l'occasion de l'année de la Russie. Deux d'entre eux ont rapporté un livre de ce voyage promis "dans les pas de Gide". Et effectivement, Danièle Sallenave place SIBIR Moscou-Vladivostok (mai-juin 2010) (Gallimard, 2012, 19,23€) sous la houlette de Gide, dès cette épigraphe : "Trop souvent la vérité [sur la Russie] est dite avec haine, et le mensonge avec amour."
"Daniel Sallenave dans les pas de Gide", c'est aussi ce que titrait l'Humanité pour évoquer ce livre.



Transsibérien (Grasset, 2012, 21,50€), c'est le nom du livre rapporté par Dominique Fernandez du même périple. Un récit qui suit très exactement celui de Danièle Sallenave, et va lui aussi jusqu'à évoquer le Retour de l'URSS puisque les écrivains sont là, comme Gide en son temps, dans l'espoir d'un "Retour sur investissement"... On pense à Cousu de fil rouge, l'étude sur les voyages en URSS paru le mois dernier et annoncée ici.


Nourritures inactuelles


"C’est une relecture des Nourritures terrestres qui m’a incité à risquer ces pages", confie Denis Tillinac, auteur d'un essai intitulé Considérations inactuelles (Plon, 2012, 16€). "Je n’ai pas l’outrecuidance de me comparer à Gide, et il y a loin de la prétendue Belle Epoque à la nôtre. Ce petit livre n’est pas un précis de morale mais une simple mise en garde, d’aîné à cadet, ou à cadette : un nihilisme habillé de fausses vertus abuse les consciences et je souhaite qu’une autre génération ne se laisse pas flouer comme la mienne. Ma vie aurait connu des embellies plus franches si à l’âge des commencements
une plume amie m’avait alerté sans me désenchanter. Tel n’aura pas été le cas ; j’ai caboté tout seul sur des esquifs d’infortune, à contre-courant de mon époque. Si je m’adresse à toi, c’est pour que tu te sentes moins seul que je ne le fus à l’heure des décollages. Ce vers quoi nous dérivons tous n’est ni rassurant ni exaltant, mais il ne tient qu’à toi de t’en évader. Toi avec d’autres : si vous êtes nombreux à déserter le champ clos et miné des idées convenues, une espérance poindra en place de vos désarrois.
"


Actes en ligne


Le site Fabula vient de mettre en ligne Jules Lemaitre: « un don d'ubiquité familière », les actes de la Journée d’études du 3 décembre 2010, organisée par D. Pernot à l'Université d’Orléans dans le cadre du Programme ANR HIDIL (Histoire des idées de littérature, 1860-1940). Parmi les six communications, citons celle de Jean-Michel Wittmann : Jules Lemaitre au miroir d’André Gide.



Curiosités

Il y a deux ans, citant très sérieusement Jean-Baptiste Botul, Bernard-Henri Lévy partageait un peu de ses paillettes avec le non moins sérieux canular de Frédéric Pagès et Jacques Gaillard... Ce dernier commente la correspondance de Botul avec lui-même, sous-titrée Du trou au tout (La Découverte, 2012, 12€). Un article du site Evène nous apprend que le glorieux philosophe auteur de La vie sexuelle d'Emmanuel Kant ou de Landru, précurseur du féminisme aime aussi à citer André Gide...



Gide continue enfin à sa faufiler ici et là dans les récits de souvenirs : un article récent de La Dépêche nous apprend que le metteur en scène Jean-Marie Besset "travaille à un Cid promis à Carcassonne, qui sera finalement créé en décembre à Montpellier. Et à l'écriture de "Odette et Gide à Ginoles", une évocation de l'écrivain, de sa grand-mère et de 1940 à Ginoles."

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