dimanche 12 février 2012

... foyers clos...

Lu dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du 12 février 2012 :


"STRASBOURG - Discorde autour d'une plaque funéraire sur une sépulture
Un conflit familial s'étale sur une tombe


Une famille a décidé de contester une décision de la mairie de Strasbourg qui a autorisé un nonagénaire à poser une plaque funéraire sur la stèle de son épouse défunte, avec la mention « Familles !..., je vous hais ! ».

«Une inscription particulière qui rend public un conflit d'ordre privé», selon Me Bleykasten. 
(PHOTO DNA — CÉDRIC JOUBERT) source

Les enfants étaient allés se recueillir sur la tombe de leur maman - décédée six ans plus tôt - dans un cimetière strasbourgeois. Un moment d'introspection qui a été bouleversé par la découverte d'une nouvelle plaque funéraire apposée sur la sépulture : « Familles !... je vous hais ! »

« II y a un côté malsain »

« Mon père a décidé l'an passé à la suite d'un conflit avec ma sœur de faire mettre cette plaque, s'étonne le fils de la défunte. Il a demandé l'autorisation à la maison des cimetières qui lui a formulé un refus. » Mécontent, le nonagénaire adresse un recours auprès du maire de Strasbourg. Cette fois, après une nouvelle concertation, il obtient l'autorisation de faire figurer la mention « Familles !... je vous hais ! » à la condition d'y joindre le nom de l'auteur, André Gide, et-celui de l'ouvrage dont la phrase est tirée, à savoir « Les Nourritures Terrestres ».
« La mairie de Strasbourg estime que cette mention n'est ni raciste, ni injurieuse, ni de nature à troubler l'ordre public, explique Me François Bleykasten, avocat des enfants de la défunte. Or il me semble que dans un lieu destiné au recueillement, cette inscription particulière rend public un conflit d'ordre privé. Il y a un côté malsain ».
« Même le graveur chargé de confectionner la plaque nous a assuré avoir été très surpris par l'inscription, note le fils de la défunte. Il n'avait jamais vu ça de sa carrière et avait du mal à comprendre qu'on puisse permettre de poser un tel message sur une tombe ».
« Du côté de la mairie, on se borne à nous dire que mon père est propriétaire de la concession et que ce n'est pas à eux de rentrer dans les conflits familiaux », reproche le fils A. 
La famille de la défunte a décidé de se retourner contre la mairie de Strasbourg au motif du respect dû aux morts. « Ma belle-mère adorait ses enfants et ses petits-enfants, confie Mme A. Régler ses comptes sur la tombe de sa femme, je trouve ça atroce. Indirectement, mon beau-père implique ma belle-mère dans ses querelles. » Malgré plusieurs tentatives pour joindre l'adjointe en charge de l'état civil, aucune réponse n'a été donnée par la mairie de Strasbourg. CÉL. L."

3 commentaires:

Quanmeme a dit…

...Portes refermées...

Tuant ! Ce n'est pas une banale plaque mais une inscription en lettres d'or à même la tombe..
On parle du recours au maire de Strasbourg mais qu'en est-il des héritiers de l'écrivain ? N'ont-ils pas un droit moral à exercer et, à ce titre, être consultés ?
Gide s'est assez plaint que sa citation -sans doute la plus fameuse de toute son oeuvre- fût toujours dénaturée par l'amputation de son contexte...la voilà gravée aujourd'hui dans le marbre (ou le granit) !
Soyez remercié, Fabrice, d'avoir pris pour titre de votre article la suite de la citation.

Cependant on ne peut s'empêcher de penser que, pour une fois, Gide ce fut secrètement réjoui -non sans avoir fait mine de protester- de la fortune de sa citation tronquée.
Une affaire si burlesque, avec son remous édilitaire et judiciaire, ne pouvait que plaire à son côté Lafcadio. Quelle sotie !
L'amateur de tours et de jeux, de blagues et de niches (cf. celles qu'il servait à Léautaud qui les consignait naïvement dans son jounal, sans jamais se douter qu'il était joué), le "pasteur qui s'amuse" aurait sûrement compté l'espiègle nonagénaire au nombre de ses ouailles.

...possession jalouse du bonheur...

Fabrice a dit…

Il me semble que la formule a fait florès avec mai 68, mais déjà Gide se plaignait à Amrouche de la voir détachée de son contexte. Cela pourrait donner lieu à une pièce dans le style du Grincheux ou du Treizième arbre...

Gide revenant expliquer au veuf qu'au contraire, n'est-ce pas, il avait voulu si-gni-fier tout le con-traire... Il tenterait alors de réconcilier la famille... Etc.

Pour vous, un petit "scoop" et qui devra être vérifié, mais j'ai trouvé une archive signalant Gide, président du syndic du Vaneau, tentant de réconcilier un conflit de voisinage tout aussi amusant : une cantatrice qui se plaignait que son voisin, le marquis de Lur-Saluces, fît tourner dix phonographes en même temps chaque fois qu'elle faisait ses exercices !

Quanmeme a dit…

Pâr-fai-tement vu, cher Fabrice, l'argument de votre pochade est des mieux ve-nus. On l'intitulera Le Reclus et Le Retors. Déjà pris ? Votre imagination, fertilisée par tant de cocasserie saura trouver mieux.

Mais voilà qu'en ce registre votre scoop, désopilant à souhait, le dépasse. Merci.
Nous ne sommes plus dans l'a-propos litteraire mais en plein opéra-bouffe : un marquis excentrique -peut-être imbibé d'Yquem- faisant jouer dix phonos (quelle collection !) pour faire taire une cantatrice (qui?), le pape des lettres appelé en conciliateur...de quoi trousser le libretto d'une burleta !
On a beau savoir que Bypeed fut maire, la simple idée de le voir président du syndic de son immeuble fait sourire et attise la curiosité : comme on aurait aimé voir ça ! Peut-être reste-t-il des traces des délibérations, des témoins (ne rêvons quand même pas)...
Quoiqu'il en soit, oui Fabrice, vérifiez et sortez TOUT, toutes les pièces que vous aurez ; n'en laissez échapper aucune et étalez-les dans votre incomparable magasin : un pareil personnage est une source inépuisable de surprises et de gaieté.

Jeff Last. Bien apprécié votre appréciation sur Claude Mauriac : entre les innombrables interlocuteurs de Gide, il mérite, en effet, une place particulière.

Bien a-tten-ti-vement à vous, Marc.