dimanche 26 avril 2015

Exposition, conférences et concert «Autour d'Une lecture»


 L’exposition se poursuit jusqu'au 30 mai à la mairie du Lavandou

La toile de Théo Van Rysselberghe intitulée Une lecture regroupe autour d'Emile Verhaeren, veste rouge et geste lyrique, ses amis André Gide, Francis Viélé-Griffin, Félix Fénéon, Henri-Edmond Cross, Maurice Maeterlinck, Henri Ghéon et Félix Le Dantec.

Point de départ d'une exposition, de conférences et d'une visite à la villa de Théo, ce tableau fut au centre de la deuxième édition des Journées Catherine Gide, organisées du 17 au 19 avril derniers au Lavandou. Et avec lui la peinture, la poésie, la critique et les revues littéraires, les mouvements sociaux ou encore l'amitié...


Jean-Pierre Prévost a conçu l'exposition et en a tiré un livre

L'exposition conçue par Jean-Pierre Prévost s'organise autour d'une copie de la toile peinte en 1903. Portrait de groupe, « portrait d'amis » selon Théo Van Rysselberghe qui ne veut blesser aucun des poseurs, Une lecture est avant tout un portrait en mouvement de Verhaeren ; mouvement intellectuel, corporel mais aussi social.

La veste rouge du poète, le prolongement de sa main font le foyer irradiant vers les auditeurs attentifs. Aux juxtapositions de couleurs pointillistes répond cette grande opposition qui établit la grandeur de Verhaeren, mais raconte aussi l'homme chaleureux, énergique. Tout autour de la reproduction de l'œuvre originale, les personnages qui la composent sont racontés à l'aide de nombreux documents, de ces images et photographies souvent rares dont Jean-Pierre Prévost a le secret.


 Une photo de Théo et Maria Van Rysselberghe à Paestum en 1908 
(où André Gide et Catherine poseront également en 1947),
la recette de la crème au citron par Félix Fénéon sur un papier à en-tête 
de La revue blanche ou un dessin préparatoire de Théo représentant Gide...


Jean-Pierre Prévost ouvre la journée de conférences en retraçant la genèse de la toile, de la constitution de la liste pressentie des poseurs à sa lente exécution, en passant par les croquis préparatoires. Portrait de groupe, « portrait d'amis » selon Théo Van Rysselberghe qui ne veut blesser aucun des poseurs, Une lecture est avant tout un portrait en mouvement de Verhaeren ; mouvement intellectuel, corporel mais aussi social. La toile a été montrée pour la première fois au Salon de La libre esthétique de Bruxelles du 25 février au 9 mars 1904.

Peter Schnyder

Cet « autoportrait relationnel » de Van Rysselberghe illustre d'ailleurs les échanges entre la France et la Belgique. Chez Gide notamment souligne Peter Schnyder. Gide a en commun avec Verhaeren et Van Rysselberghe un « art de bien faire », une morale de l'effort qui surmonte les difficultés du travail. « La Vie est à monter, et non pas à descendre », affirme Verhaeren dans son poème Les Rêves. « Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant », confirme Gide dans Les Faux-Monnayeurs. Quant à Théo Van Rysselberghe, sa femme Maria nous dit de lui qu'il « aurait cru tricher en s'abandonnant à sa pente. »

Raphaël Dupouy

Comme le rappelle Raphaël Dupouy, Van Rysselberghe partage avec son confrère Cross l'amour du Lavandou, de ses lumières et de ses paysages. C'est Elisée Reclus qui fait les premières « peintures » de la région dans le guide Hachette Les villes d'hiver de la Méditerranée et les Alpes Maritimes (1864). L'arrivée du chemin de fer à Hyères, en 1875, amplifie ce mouvement balnéaire et pictural. « Il reste à redécouvrir Cross, au travers de ses liens et de son influence sur Matisse par exemple », assure encore Raphaël Dupouy. Avis aux éditeurs qui voudraient publier ses carnets !


Pierre Masson

Pierre Masson nous remet en mémoire un certain programme du jeune Gide annoncé en 1891 à Valéry : « Mallarmé pour la poésie, Maeterlinck pour le drame – et, quoiqu'auprès d'eux je me sente bien un peu gringalet, j'ajoute Moi pour le roman. » Maeterlinck sort déjà du tableau, Mallarmé est mort, remplacé par Viélé-Griffin (qui remplace aussi Henri de Régnier, d'abord pressenti pour le tableau). Le remplaçant sera très remplaçable pour la postérité...


Claire Paulhan

A Claire Paulhan revient la tâche d'éclairer la belle figure de Félix Fénéon, découvreur du post-impressionnisme et soutien de la première heure de tous les génies du siècle finissant. Présent dans toutes les petites revues de l'époque (Claire Paulhan en citera une bonne trentaine en cinq minutes de biographie), Fénéon n'y est pourtant nulle part : il ne signe jamais ses articles de critique. Son nom n'apparaîtra que sur un rapport de police de 1892 le qualifiant « d'anarchiste très convaincu », et sur la couverture du recueil que Jean Paulhan lui consacrera dans les années 40. Ce n'est pas un hasard s'il figure debout et fier sur la toile.

Pierre Masson évoque enfin « Gide et Ghéon, deux auteurs en quête d'une doctrine ». « Ou d'une stratégie pour dire et se dire », poursuit le président des Amis d'André Gide. Ghéon est le « camarade de Gide », celui avec qui il partage les frasques sexuelles mais ne peut partager de secret vraiment scellé... La conversion de Ghéon en 1915 marquera la rupture.


Deux mouvements du Trio Op. 29 
de Vincent d'Indy pour clore la journée

Ces figures qui nous paraissent aujourd'hui lointaines, cendres très refroidies, ont œuvré pour faire émerger de nouvelles idées dans les arts, dans la société. Et Pierre Masson de donner une autre explication possible pour ce tableau : « La toile montre une communauté d'hommes et d'idées. Des hommes qui veulent réinventer les idées à neuf et que l'on voit ici avant leurs divergences – divergences qui n'auront d'ailleurs le plus souvent rien à voir avec l'art. »

Pour clore la journée en musique, le choix de Vincent d'Indy s'imposait : son influence fut grande en Belgique où il participa au Cercle des XX, qui allait devenir La libre esthétique. Tandis que Fénéon choisissait les toiles exposées, Vincent d'Indy était chargé de la programmation musicale. Van Rysselberghe fera son portrait en 1908. Thierry Maison, clarinette, Michel Hennequin, violoncelle, et Emilie Auger, piano, ont interprété deux mouvements du Trio en si bémol majeur Op. 29, composé en 1887.




Un livre reprend les documents de l'exposition 
et retrace la genèse de la toile :  
Une lecture, Théo Van Rysselberghe 1903
de Jean-Pierre Prévost, 
aux Editions Orizons, 
avril 2015, 230 pages, 20€. 
 


à suivre : 

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