L’exposition se poursuit jusqu'au 30 mai à la mairie du Lavandou
La toile de Théo Van Rysselberghe
intitulée Une lecture regroupe
autour d'Emile Verhaeren, veste rouge et geste lyrique, ses amis
André Gide, Francis Viélé-Griffin, Félix Fénéon, Henri-Edmond
Cross, Maurice Maeterlinck, Henri Ghéon et Félix Le Dantec.
Point
de départ d'une exposition, de conférences et d'une
visite à la villa de Théo, ce tableau fut au centre de la deuxième
édition des Journées Catherine Gide, organisées du 17 au 19 avril
derniers au Lavandou. Et avec lui la peinture, la poésie, la
critique et les revues littéraires, les mouvements sociaux ou encore
l'amitié...
Jean-Pierre Prévost a conçu l'exposition et en a tiré un livre
L'exposition conçue par Jean-Pierre
Prévost s'organise autour d'une copie de la toile peinte en 1903.
Portrait de groupe, « portrait d'amis » selon Théo Van
Rysselberghe qui ne veut blesser aucun des poseurs, Une lecture
est avant tout un portrait en mouvement de Verhaeren ; mouvement
intellectuel, corporel mais aussi social.
La veste rouge du poète, le
prolongement de sa main font le foyer irradiant vers les auditeurs
attentifs. Aux juxtapositions de couleurs pointillistes répond cette
grande opposition qui établit la grandeur de Verhaeren, mais raconte
aussi l'homme chaleureux, énergique. Tout autour de la reproduction de
l'œuvre originale, les personnages qui la composent sont racontés à
l'aide de nombreux documents, de ces images et photographies souvent
rares dont Jean-Pierre Prévost a le secret.
Une photo de Théo et Maria Van Rysselberghe à Paestum en 1908
(où André Gide et Catherine poseront également en 1947),
la recette de la crème au citron par Félix Fénéon sur un papier à en-tête
de La revue blanche ou un dessin préparatoire de Théo représentant Gide...
Jean-Pierre Prévost ouvre la journée
de conférences en retraçant la genèse de la toile, de la
constitution de la liste pressentie des poseurs à sa lente
exécution, en passant par les croquis préparatoires. Portrait de
groupe, « portrait d'amis » selon Théo Van Rysselberghe
qui ne veut blesser aucun des poseurs, Une lecture est avant
tout un portrait en mouvement de Verhaeren ; mouvement intellectuel,
corporel mais aussi social. La toile a été montrée pour la
première fois au Salon de La libre esthétique de Bruxelles du 25
février au 9 mars 1904.
Peter Schnyder
Cet « autoportrait relationnel »
de Van Rysselberghe illustre d'ailleurs les échanges entre la France
et la Belgique. Chez Gide notamment souligne Peter Schnyder. Gide a
en commun avec Verhaeren et Van Rysselberghe un « art de bien
faire », une morale de l'effort qui surmonte les difficultés
du travail. « La Vie est à monter, et non pas à
descendre », affirme Verhaeren dans son poème Les
Rêves. « Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce
soit en montant », confirme Gide dans Les
Faux-Monnayeurs. Quant à Théo Van Rysselberghe, sa femme Maria
nous dit de lui qu'il « aurait cru tricher en s'abandonnant
à sa pente. »
Raphaël Dupouy
Comme le rappelle Raphaël Dupouy, Van
Rysselberghe partage avec son confrère Cross l'amour du Lavandou, de
ses lumières et de ses paysages. C'est Elisée Reclus qui fait les
premières « peintures » de la région dans le guide
Hachette Les villes d'hiver de la Méditerranée et les Alpes
Maritimes (1864). L'arrivée du chemin de fer à Hyères, en
1875, amplifie ce mouvement balnéaire et pictural. « Il
reste à redécouvrir Cross, au travers de ses liens et de son
influence sur Matisse par exemple », assure encore Raphaël
Dupouy. Avis aux éditeurs qui voudraient publier ses carnets !
Pierre Masson
Pierre Masson nous remet en mémoire un
certain programme du jeune Gide annoncé en 1891 à Valéry :
« Mallarmé pour la poésie,
Maeterlinck pour le drame – et,
quoiqu'auprès d'eux je me sente bien un peu gringalet, j'ajoute Moi
pour le roman. »
Maeterlinck sort déjà du tableau, Mallarmé est mort, remplacé par
Viélé-Griffin (qui remplace aussi Henri de Régnier, d'abord
pressenti pour le tableau). Le remplaçant sera très remplaçable
pour la postérité...
Claire Paulhan
A
Claire Paulhan revient la tâche d'éclairer la belle figure de Félix
Fénéon, découvreur du post-impressionnisme et soutien de la
première heure de tous les génies du siècle finissant. Présent
dans toutes les petites revues de l'époque (Claire Paulhan en citera
une bonne trentaine en cinq minutes de biographie), Fénéon n'y est
pourtant nulle part : il ne signe jamais ses articles de critique.
Son nom n'apparaîtra que sur un rapport de police de 1892 le
qualifiant « d'anarchiste très convaincu », et sur la
couverture du recueil que Jean Paulhan lui consacrera dans les années
40. Ce n'est pas un hasard s'il figure debout et fier sur la toile.
Pierre
Masson évoque enfin « Gide et Ghéon, deux auteurs en quête
d'une doctrine ». « Ou d'une stratégie
pour dire et se dire »,
poursuit le président des Amis d'André Gide. Ghéon est le
« camarade de Gide », celui avec qui il partage les
frasques sexuelles mais ne peut partager de secret vraiment scellé...
La conversion de Ghéon en 1915 marquera la rupture.
Deux mouvements du Trio Op.
29
de Vincent d'Indy pour clore la journée
Ces
figures qui nous paraissent aujourd'hui lointaines, cendres très
refroidies, ont œuvré pour faire émerger de nouvelles idées dans
les arts, dans la société. Et Pierre Masson de donner une autre
explication possible pour ce tableau : « La
toile montre une communauté d'hommes et d'idées. Des hommes qui
veulent réinventer les idées à neuf et que l'on voit ici avant
leurs divergences – divergences qui n'auront d'ailleurs le plus
souvent rien à voir avec l'art. »
Pour clore la journée en musique, le
choix de Vincent d'Indy s'imposait : son influence fut grande en
Belgique où il participa au Cercle des XX, qui allait devenir La
libre esthétique. Tandis que Fénéon choisissait les toiles
exposées, Vincent d'Indy était chargé de la programmation
musicale. Van Rysselberghe fera son portrait en 1908. Thierry Maison,
clarinette, Michel Hennequin, violoncelle, et Emilie Auger, piano,
ont interprété deux mouvements du Trio en si bémol majeur Op.
29, composé en 1887.
Un livre reprend les documents de
l'exposition
et retrace la genèse de la toile :
Une lecture, Théo
Van Rysselberghe 1903,
de Jean-Pierre Prévost,
aux Editions
Orizons,
avril 2015, 230 pages, 20€.
à suivre :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire