(Cette visite a eu lieu dimanche 19 avril 2015 dans le cadre des Journées Catherine Gide, en prolongement d'une exposition et de conférences autour de la toile Une lecture de Théo Van Rysselberghe.)
La villa de Théo Van Rysselberghe a été construite en 1910, sur une
maison existante et des plans de son frère Octave Van Rysselberghe, dans le quartier Saint-Clair au Lavandou. C'est là, entre les collines et les vignes, avec vue sur la mer, que les peintres viennent chercher en ce début de XXème siècle la lumière et les paysages promis par Elisée Reclus, dans le guide Hachette Les villes d'hiver de la Méditerranée et les Alpes Maritimes
(1864) :
« Les montagnes des environs de Bormes sont garnies de bois de pins; mais les pentes bien exposées qui environnent cette petite ville sont très-fertiles. Son territoire est couvert de vignes, d'oliviers et d'arbres fruitiers; ses jardins sont plantés d'orangers en pleine terre. On y remarque, au quartier Saint-Clair, des poncires ou cédrats, qui acquièrent un volume extraordinaire. On y voit aussi de beaux palmiers.
« Des coteaux sur les pentes desquels est assise la ville de Bormes, l’œil s'égare avec délices sur les eaux bleues de la Méditerranée, et, revenant en arrière, il se promène et se repose sur cette vaste et belle rade d'Hyères, qui, entourée de ses îles comme d'un rang de cyclades, rappelle à l'imagination les golfes riants de la mer Égée, d'où quelques colonies grecques apportèrent autrefois en Provence les premiers germes de la civilisation.
La rade de Bormes, beaucoup plus ouverte que celle d'Hyères, n'est en réalité qu'une grande baie de forme arrondie, offrant à l'entrée une centaine de mètres de profondeur. Les navires mouillent devant le petit village du Lavandou, dans un endroit bien abrité du mistral. »
Le voisin actuel de la villa continue de faire pousser les citronniers et orangers, peut-être même encore les poncires et les cédrats. Mais plus de vignes devant la maison...
Des projets de transformation de la maison en musée des peintres du Lavandou devraient avoir raison des vilaines verrues que constituent ces panneaux posés, certes pour la bonne cause, mais aux plus mauvais endroits.
La vue sur la baie a elle aussi disparu, même depuis le balcon du deuxième étage. Mais pour le reste, il semble encore flotter à l'intérieur de la villa et dans son jardin un peu de l'esprit des lieux.
Aux murs, les batiks nous rappellent combien ces tissus étaient alors à la mode au début du siècle dernier. On se souvient que Gide les aimait beaucoup. Il en achète chez les Van Rysselberghe (« pour cent-trente-deux francs », précise-t-il dans son Journal), en offre à Clara Malraux...
L'ami de Van Rysselberghe, Henry Van De Velde, appréciait tout particulièrement cette technique alors nouvellement importée. On sait aussi que Théo et Maria hébergèrent chez eux à Paris, au Laugier, Erica von Scheele, élève préférée de Van de Velde qui a réalisé de nombreux batiks décoratifs.
Le motif de ces batiks, des paons, ne pouvait que séduire Théo Van Rysselberghe, proche du groupe des Peacocks (les Paons, en anglais). Il sous-titre d'ailleurs sa toile La Promenade (1901) La Peacock March en référence à ces femmes du groupe des Peacocks : Marie Closset, en littérature Jean Dominique, Blanche Rousseau et Marie Gaspar.
Dans l'atelier de Théo, le grand bow-window laisse entrer la lumière du nord, dont profite aujourd'hui encore les artistes de l'école d'arts plastiques du Lavandou
Au moment de sortir, le XXIème siècle nous rattrape...
Mais trêve de nostalgie : la villa de Théo a de l'avenir, puisque la ville du Lavandou l'a rachetée en 2007 et a pour elle de beaux projets. Raphaël Dupouy, attaché culturel de la ville, nous présente la restitution de la façade dans sa composition un peu vénitienne, l'accès par le jardin et la destination du futur espace muséographique consacré aux peintres du Lavandou. Et plus généralement au néo-impressionnisme.
En plus d'expositions temporaires, un fonds consacré à ce mouvement pourrait y trouver abri. L'une des chambres de l'étage pourrait également accueillir des artistes en résidence, tandis que le rez-de-chaussée continuera d'héberger l'école d'arts plastiques. Pour ce faire, une convention avec la Fondation du Patrimoine a été signée et la commune recherche des mécènes.
Il faut enfin rappeler que la commune du Lavandou, et Raphaël Dupouy en particulier (voir cet ancien billet), œuvrent depuis longtemps pour la connaissance des peintres qui, comme Van Rysselberghe et Cross, ont posé là leur chevalet. Les panneaux du chemin des peintres ponctuent une belle balade à travers la ville, balade qui passe bien évidemment par la villa de Théo.
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