dimanche 22 mai 2016

Journées Catherine Gide : Maria Van Rysselberghe (4/6)

(Bref et subjectif résumé des interventions des 3èmes Journées Catherine Gide qui se sont tenues les 23 et 24 avril 2016 au Lavandou. Les communications intégrales des intervenants seront publiées dans le prochain Bulletin des Amis d'André Gide.)


Le nom, ou plutôt les noms et les surnoms jouent un rôle important chez Maria Van Rysselberghe. Née Marie, elle choisit de se faire appeler Maria. Gide lui donnera celui de Petite Dame. Schlumberger l'appellera toujours par son second prénom, Philomène. Martine Sagaert détaillait aussi pour nous l'évolution de ce nom dans les lettres adressées à Gide, au fur et à mesure que l'amitié s'accentuait entre eux, laissant enfin place à un lien familial après la naissance de Catherine :

Maria Van Rysselberghe (1900-1903)
Mme Théo
Maria VR (1902-1914)
MVR (1904)
M.VR. (1905)
M.VR (1917)
M (1905)
Maria (1904-1916)
Maria VR. (1916)
Votre Maria VR (1904 - 1905)
Votre Maria0 (1908 - 1916) Votre douloureuse Maria (1913)
Votre amie Maria0 (1914-1916)
Votre amie Maria VR (1916)
Votre amie Maria V. (1916)
La petite Dame
La P.D.
L.P.D.
Your little lady for ever
Maria
La Tit Dame
Mamy Tit

Raphaël Dupouy, organisateur des Journées Catherine Gide, s'intéressait quant à lui au nom de la Petite Dame en littérature : M. Saint-Clair. « Un nom signant son attachement au Lavandou et à ce quartier en particulier, dont elle emprunte le nom. » C'est en 1898 que, suivant leur ami Henri-Edmond Cross, Théo Van Rysselberghe et Signac vont louer leur première maison au Lavandou. Théo y fera construire sa villa, sur les plans de son frère Octave, en 1910.

 


Raphaël Dupouy, organisateur des Journées Catherine Gide

Ainsi, même quand les relations entre Théo et Maria se feront plus distantes, le nom revendiqué par Maria pour ses textes continuera à affirmer son double attachement : à son mari et au lieu qu'il a choisi pour vivre et peindre. « A moins que Maria la féministe ne rejette le nom de son mari, pour dire qu'elle a épousé ce pays ? » s'interroge Raphaël Dupouy. Plusieurs combinaisons et donc solutions sont en effet possible : « M. Saint-Clair » comme « aime Saint-Clair » ?

« Le nom de Saint Clair, ce saint qui guérit de la cécité et ouvre les yeux au monde et au beau lui convient aussi très bien », suggère Raphaël Dupouy. « Comme le peintre qui a besoin de lumière, Maria a un besoin de clarté dans les rapports humains. Par ses Cahiers, ne prétend-elle pas « éclairer la figure de Gide » ? »

Raphaël Dupouy nous révélait enfin que c'est cette clarté que Maria appréciait tant, déjà, chez Verhaeren :

« Certains mots, nous dit Valéry, sonnent en nous, entre tous les autres, comme des harmoniques de notre nature la plus profonde. Pour Verhaeren, je les trouve, ces harmoniques, dans deux petits mots auxquels on n'a guère, je crois, prêté attention et qui sortent du tréfonds de son être; ce sont les mots fou et clair : l'un dit toute sa démesure, son goût pour le téméraire, l'impossible, l'absurde; l'autre éclaire sa foi dans l'infinie ressource de la nature humaine. »

Et c'est sur ce mot clair qu'elle conclut dans Galerie privée son portrait de Verhaeren :

« Verhaeren a confié à ce petit mot la nuance exacte de son idéal; il est fait de pureté, de transparence, il est une sorte d'évidence du meilleur, il dit plus exactement qu'un autre le vœu de tout son être moral, l'aspect de ses prédilections. Il l'a employé jusqu'à l'extravagance, jusqu'à la satiété. Toutes choses dans ses décors deviennent claires : les routes, les rameaux, les nues, les jardins, les maisons, les vaisseaux, il n'est pas jus­qu'au tigre qui ne soit tel dans son bondissement. Cette syllabe avait dans sa voix prenante et tim­brée une sonorité cristalline et soudaine, il la disait avec un tel plaisir que jamais elle ne s'est ternie. C'est elle qui donne à ses trois livres d'amour leur accent le plus particulier. Être clair, être de volonté claire, loin des chemins tortueux, à jour avec soi-même, avec ses propres exigences, ainsi s'expri­maient ses plus tendres conseils. On pourrait dire qu'à côté du fameux :

Admirez-vous les uns les autres

un peu monté le ton, le message le plus pressant de Verhaeren c'est : Préservez en vous la précieuse folie et surtout : Efforcez-vous d'être clairs. »

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