Que ce soit par tempérament ou malgré eux, les romanciers français que nous présentons ici ont en commun de se situer en marge, à la lisière de la métropole littéraire, dans les banlieues souvent grises du texte, tristes dortoirs de second rayon. Bien que plusieurs de ces romanciers aient bénéficié d'un succès d'estime auprès de leurs pairs, la hauteur symbolique des grandes avenues urbaines de l'institution littéraire les confine dans l'ombre ; ils habitent donc aujourd'hui les marges des grands auteurs : Pierre Herbart celles de Gide, Raymond Guérin celles de Céline ou Alexandre Vialatte celles de Kafka; les marges des ouvrages d'histoire littéraire, où dans le meilleur des cas ils sont seulement mentionnés au passage; les marges éditoriales, car lorsqu'ils sont réédités, c'est habituellement dans la collection «L'Imaginaire» plutôt que dans «Folio» et chez de «petits éditeurs» comme Le Dilettante, Le Temps qu'il fait, Le Passeur à Nantes ou Finitude à Bordeaux.La littérature ne désigne pas seulement les textes que nous lisons, mais aussi le système qui la fait vivre, système régulé par les modes et les idéologies, les opinions et les passions. Elle est donc aussi affairede classe — mais elle le serait de moins en moins —, dont les catégories sont au moins tripartites : la haute, occupée disons par les « classiques »; la mitoyenne, habitée par les écrivains méconnus, dont les œuvres ne sont pas reconnues à leur juste valeur; la basse, sans doute la plus populeuse, que nourrissent les écrivains oubliés et qui, pour la plupart, ne peuvent guère espérer de promotion. Comme dans toute société, les changements de classe sont possibles : il arrive en effet qu'un parfait oublié devienne un grand méconnu (Emmanuel Bove), qu'un méconnu — mais cela est plus rare — parvienne patiemment à se hisser parmi les classiques (Stendhal) ou encore qu'un classique soit retrogradé (disons Romain Rolland). Du reste, les frontières sont rarement étanches, des flottements existent et certains écrivains ne trouvent jamais tout à fait leur place — et c'est tant mieux, cela prouve que la littérature est vivante.
Avant l’établissement de la « maison Gallimard » en juillet 1919, les Éditions de la Nouvelle Revue française, issues de la célèbre revue éponyme, ont publié une centaine d’ouvrages à partir de mai 1911, à l’initiative d’André Gide, Jean Schlumberger, Jacques Rivière et Jacques Copeau, et avec l’appui financier de Gaston Gallimard : Proust, Claudel, Valéry figurent à leur catalogue, ainsi que Suarès, Fargue, Larbaud, Saint-John Perse et Drieu la Rochelle.Avec le renfort des correspondances échangées par ses différents protagonistes, la présente bibliographie retrace cette aventure intellectuelle et humaine, à l’origine d’une extraordinaire réussite culturelle et commerciale. Ces années d’apprentissage témoignent de la rationalisation de pratiques éditoriales qui resteront en usage pendant une grande partie du siècle, tandis que s’élaborent les codes de la bibliophilie moderne, appelée à un formidable essor dans l’entre deux-guerres.Après une introduction historique, la bibliographie décrit de manière chronologique les 111 titres parus en précisant les variantes de leurs différents tirages. Suivent en annexe une bibliographie, le corpus des correspondances et journaux littéraires sur la période, et l’index des auteurs, préfaciers et traducteurs, des dédicataires, des titres, des imprimeurs et des genres.
Un dernier mot enfin pour vous signaler le nouveau livre de David H. Walker : Consumer Chronicles. Cultures of Consumption in Modern French Literature, ou comment dresser une histoire de la société de consommation française à travers les témoignages littéraires tirés de Huysmans, Balzac, Zola, Céline ou Gide.
Présentation de l'éditeur :
The consumer revolution, extending market forces into every area of social and private life, has been perceived as a challenge to core elements in French culture, such as traditional artisan crafts and small businesses. Historians and sociologists have charted the increasing commercialisation of everyday life over the twentieth century, but few have paid systematic attention to the crucial testimony provided by authors of fiction. Consumer Chronicles offers close readings of a series of novels, selected for their authentic portrayal of consumer behaviour, and analysed in relation to their social, cultural and historical contexts. Walker’s study, offering an imaginative interdisciplinary panorama covering the impact of affluence on French shoppers, shopkeepers and society, provides telling new insights into the history and characteristics of the consumer mentality.
"A work of impeccable scholarship, and possesses the virtues of ample illustration, detailed demonstration, and the relentless, exhaustive pursuit of a single broad topic." Professor David Bellos, Princeton University
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