Le Magazine Littéraire consacre un dossier de 20 pages à André Gide :
Extrait de l'éditorial de Joseph Macé-Scaron :
"Pourquoi Gide ? Pourquoi revenir à Gide, aujourd’hui ? L’actualité littéraire est comme la lumière du jour. Elle éclaire les surfaces mais ne pénètre pas très avant dans la mer des oeuvres. Or les profondeurs de cette dernière sont ténébreuses, ce sont des abîmes immenses qu’il faut, de temps en temps, draguer afin de ramener à la surface ces animaux étranges que nous nommons les classiques. Ils ont été baptisés ainsi parce que nous les imaginons aveugles à la modernité. Ils ne pouvaient pas, ils ne devaient pas voir. Pourtant, si on prend la peine d’examiner ces monstres des profondeurs, l’on constate, avec stupeur, que certains ont des yeux; qu’ils en ont presque tous, sans compter, parfois même en sus, des antennes, des capteurs d’une sensibilité prodigieuse. Et si nous étions précisément, nous-mêmes, aveugles ? Cette image des créatures des abysses est empruntée à Gide, qui écrit dans Les Faux-monnayeurs: «On veut douter encore ; on s’émerveille: pourquoi des yeux, pour ne rien voir? des yeux sensibles, mais sensibles à quoi?... Et voici qu’on découvre enfin que chacun de ces animaux, que d’abord on voulait obscurs, émet et projette devant soi, à l’entour de soi, sa lumière. Chacun d’eux éclaire, illumine [...].» Cette lumière qui émane de l’oeuvre de Gide ne cesse d’émettre. Elle nous incite en permanence à chercher la vérité et non à la trouver. C’est aussi en cela que l’auteur de Paludes demeure le plus moderne de nos classiques."
Au menu de ce "dossier Gide" :
p. 66 Gide, le plus moderne des classiques dossier coordonné par J.-C. Perrier et François Aubel
p. 69 « Il a annoncé le Nouveau Roman et l’autofiction », entretien avec Hugues Pradier
p. 70 Les fausses monnaies du moi, par Bernard Fauconnier
p. 73 Le Ramier, oiseau rare, par Jean-Claude Perrier
p. 74 « Inquiéter, tel est mon rôle », par Alain Goulet
p. 76 La cathédrale des contradictions, par Pierre Masson
p. 78 Le cachet de la poste ne faisant pas foi, par Pierre Lachasse
p. 80 Quand Nathanaël écrivait à M. Teste, par Martine Sagaert
p. 82 Un infatigable passeur, par Jean-Claude Perrier
p. 84 Entre Joyce et Staline, il a vite choisi, par Adrien Le Bihan
p. 86 Bibliographie
jeudi 26 février 2009
lundi 23 février 2009
Souvenirs de la Cour d'Assises
"C'est un petit livre très passionnant et très triste." C'est ainsi que l'Intransigeant ouvre en 1914 sa critique de Souvenirs de la cour d'assises. Gallimard vient de rééditer dans sa collection Folio à deux euros les Souvenirs de la Cour d'Assises d'André Gide d'après l'édition établie par Pierre Masson dans le volume de la Pléiade "Souvenirs et voyages".
Pendant douze jours, du 13 au 25 mai 1912, Gide est juré lors d'une session aux Assises de Rouen. Depuis six ans qu'il demandait au maire de Cuverville de l'inscrire sur la liste des "jurés volontaires", le voici très excité à l'idée d'avoir été enfin choisi. "Profit très espéré, mais dépassant toute espérance.", note-t-il dans son Journal le 4 juin 1912.
Il voit défiler de nombreuses affaires parmi lesquelles cinq attentats à la pudeur, des petits voleurs, des meurtriers. Il prend des notes. Après avoir achevé les Caves du Vatican, il met ces notes en forme en juillet 1913 et les Souvenirs de la Cour d'Assises paraissent en janvier 1914 à la NRF. C'est donc le premier livre d'un Gide aux préoccupations non plus esthétiques ou morales mais sociales.
Son premier livre "engagé" (l'édition de 1911 de Corydon était très limitée). Gide décrit le fonctionnement et les dysfonctionnements de la justice dans ce tribunal de province : les a priori du juge, les questions orientées jusque sur le bulletin de vote final, la timidité de ses compagnons du jury, l'incompréhension des prévenus face au vocabulaire des magistrats ("Comment avez-vous obvié à ce problème ?", ou les lapsus de ces derniers. ("Vous vous êtes remis à frapper la malheureuse et, d'un dernier coup, vous lui avez tranché la cariatide.")
La justice humaine est bien fragile et c'est un grand poids sur les épaules et la conscience de jurés comme ce "pauvre vieux paysan sorti de La Cagnotte de Labiche" qui a mis une demi-heure à trouver l'entrée du tribunal... Restent les circonstances atténuantes qui atténuent non seulement le jugement rendu mais aussi la mauvaise conscience d'avoir participé à un jeu truqué où la frontière entre coupable et innocent est bien ténue.
Pendant douze jours, du 13 au 25 mai 1912, Gide est juré lors d'une session aux Assises de Rouen. Depuis six ans qu'il demandait au maire de Cuverville de l'inscrire sur la liste des "jurés volontaires", le voici très excité à l'idée d'avoir été enfin choisi. "Profit très espéré, mais dépassant toute espérance.", note-t-il dans son Journal le 4 juin 1912.
Il voit défiler de nombreuses affaires parmi lesquelles cinq attentats à la pudeur, des petits voleurs, des meurtriers. Il prend des notes. Après avoir achevé les Caves du Vatican, il met ces notes en forme en juillet 1913 et les Souvenirs de la Cour d'Assises paraissent en janvier 1914 à la NRF. C'est donc le premier livre d'un Gide aux préoccupations non plus esthétiques ou morales mais sociales.
Son premier livre "engagé" (l'édition de 1911 de Corydon était très limitée). Gide décrit le fonctionnement et les dysfonctionnements de la justice dans ce tribunal de province : les a priori du juge, les questions orientées jusque sur le bulletin de vote final, la timidité de ses compagnons du jury, l'incompréhension des prévenus face au vocabulaire des magistrats ("Comment avez-vous obvié à ce problème ?", ou les lapsus de ces derniers. ("Vous vous êtes remis à frapper la malheureuse et, d'un dernier coup, vous lui avez tranché la cariatide.")
La justice humaine est bien fragile et c'est un grand poids sur les épaules et la conscience de jurés comme ce "pauvre vieux paysan sorti de La Cagnotte de Labiche" qui a mis une demi-heure à trouver l'entrée du tribunal... Restent les circonstances atténuantes qui atténuent non seulement le jugement rendu mais aussi la mauvaise conscience d'avoir participé à un jeu truqué où la frontière entre coupable et innocent est bien ténue.
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