La Correspondance de Gide avec Maria Van Rysselberghe éclaire, par la bande, la relation entre la Petite Dame et Aline Mayrisch. Une relation « mystérieuse et importante » comme l'a qualifiée Pierre Masson lors des 3èmes Journées Catherine Gide au Lavandou, et qui a rappelé « l'holocauste de sa correspondance par Aline Mayrisch, et notamment celle avec Maria. »
dimanche 22 mai 2016
Journées Catherine Gide : Maria Van Rysselberghe (3/6)
La Correspondance de Gide avec Maria Van Rysselberghe éclaire, par la bande, la relation entre la Petite Dame et Aline Mayrisch. Une relation « mystérieuse et importante » comme l'a qualifiée Pierre Masson lors des 3èmes Journées Catherine Gide au Lavandou, et qui a rappelé « l'holocauste de sa correspondance par Aline Mayrisch, et notamment celle avec Maria. »
lundi 29 avril 2013
Conférence à Colpach
lundi 5 novembre 2012
Gide et Aline Mayrisch
Frank Wilhelm
Gide, le contemporain capital
Entretien en marge d'une soirée autour d'Aline Mayrisch et Gide à l'Institut Pierre Werner
INTERVIEW: FRANCK COLOTTE
Pour conclure l'exposition «André Gide et les siens» initiée par l'Institut Pierre Werner, Frank Wilhelm et Cornel Meder ont parlé hier soir à Neumünster d'Aline Mayrisch, évoquant ce «couple improbable et complice» que formait cette altruiste tourmentée avec Gide, l'intellectuel égotiste. Cornel Meder a présenté son projet de recueil des Ecrits d'Aline Mayrisch, une somme qui devrait faire date sur la voie d'une connaissance approfondie de l'«esprit de Colpach». Nous avons interrogé Frank Wilhelm en prélude à la rencontre d'hier soir à l'IPW.
• Selon vous, quelles perspectives littéraires et culturelles la correspondance André Gide - Aline Mayrisch offre-t-elle au Luxembourg ?
La correspondance entre Aline Mayrisch-de Saint-Hubert et André Gide, éditée par Cornel Meder et Pierre Masson (Paris, Gallimard. 2007), révèle la complicité inattendue entre un auteur imbu de lui-même qui tend tout entier vers une carrière littéraire d'intellectuel conscient de sa valeur et une autodidacte intuitive à laquelle la société de son temps interdisait l'émancipation scolaire et mentale, et qui a trouvé dans l'engagement social et humanitaire un terrain digne de sa vocation. Cette relation épistolaire représente, pour le Luxembourg encore si étriqué d'il y a un siècle, un appel d'air salutaire. On y découvre la génération d'après la Première Guerre mondiale aspirant à la réconciliation franco-allemande, en même temps que le désir d'aller à la découverte de la sensualité et du monde culturel. Gide et Mme Mayrisch furent cosmopolites dans l'âme, l'un prônant une perpétuelle disponibilité d'esprit, l'autre se prétendant «de nulle part et de partout». Grâce à leurs lettres, on a l'impression d'assister à leurs entretiens, à leurs affinités, à leurs complicités. Certains de mes étudiants à l'Université du Luxembourg ont consacré des travaux à ce sujet.
• Avec Goethe et Hugo, Gide fut de ces écrivains qui eurent des liens étroits avec le Luxembourg. Que symbolisent ces trois auteurs?
Goethe, c'est le type solaire, olympien qui, au milieu même de la guerre et de ses misères - la campagne de France en 1792 - trouve moyen de célébrer l'esprit et de projeter dans le site et la forteresse de Luxembourg un tableau de Poussin. C'est aussi l'auteur du Werther, décanté par l'âge et devenu classique par le biais, notamment, de son séjour en Italie. C'est encore l'Allemand amoureux d'une France - Strasbourg - aux affinités teutones, tout comme Hugo - nom germanique - se disait d'origine allemande et fut pourtant si Français. Deux auteurs qui symbolisent l'Europe de Charlemagne, mais aussi celle d'Adenauer et de de Gaulle, avec le dualisme complémentaire de la germanité et de la francité si éloquent pour un Luxembourgeois. Deux écrivains dessinateurs, l'un classicisant, l'autre romantique en diable. «Hugoethe», comme les appelle Jean-François Prévand en souvenir de leur séjour à Luxembourg à quelques lustres de distance, dans la pièce que les Amis de la Maison de Victor Hugo à Vianden lui ont commandée en 2002 pour le bicentenaire de Hugo. Quant à André Gide, Prix Nobel de littérature en 1947 - mon année de naissance -, c'est «le contemporain capital» qui a contribué à faire du cercle de Colpach animé par les Mayrisch un lieu où soufflait l'esprit, comme l'abbaye d'Echternach l'avait été au Moyen Age.
• Qu'est-ce qui vous fascine chez Gide?
Ma première rencontre avec Gide était «La Symphonie pastorale», lecture obligatoire pour les élèves de l'enseignement secondaire luxembourgeois encore fort marqué par le catholicisme, dans les années 1960. Or là, on entrait de plain pied dans l'univers de la religion réformée, avec un pasteur marié et rival amoureux de son propre fils, avec une jeune femme aveugle mais étrangement allumeuse, tout cela dans une atmosphère confinée due en partie au décor suisse. Les contraintes, les obligations, les rituels auxquels les personnages sont soumis me rappelaient pourtant l'éducation aux valeurs très codifiées que l'on nous inculquait à nous. J'ai aussitôt enchaîné avec la lecture de «L'Immoraliste», plus exotique, mais à la thématique pareillement exigeante, puis de «La Porte étroite», récit là encore sous le signe de la soumission à un ordre moral externe à intérioriser. Puis ce fut la découverte des «Nourritures terrestres», si bibliques et si libertaires en même temps, comme un chant d'affranchissement lyrique. Je lus aussi «Les Caves du Vatican», dont, pourtant, mainte subtilité m'échappait. J'étais sensible à l'appel à l'affranchissement que ces œuvres véhiculaient, mais aussi à leur leçon de rigueur et de dépassement de soi, dans un langage des plus classiques, voire archaïsant, aux délicieux subjonctifs à l'imparfait, à la syntaxe compliquée d'inversions et de mises en évidences et de mille et une nuances psychologiques et allusions mythologiques. Le fait que Gide ait été l'ami de Mme Mayrisch et de son mari - comme éclaireur de la FNEL[*] libérale, je connaissais évidemment Emile Mayrisch - pimentait encore l'intérêt que je portais à l'auteur des Faux-Monnayeurs, thème encore moralisant dans un scénario proche du roman policier et traité sur le mode de la mise en abyme. Dieu sait si, depuis, je médite sur le fameux «II est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant» (et pas seulement quand je fais du vélo). Bref, le côté sulfureux de Gide, même son plaidoyer en faveur de l'homosexualité - je ne voyais pas encore que celle-ci pouvait aussi impliquer la pédophilie, si révoltante -, son sens de la discipline mais encore sa réflexion sur le processus créateur m'orientèrent définitivement vers les études littéraires, encore que j'aie eu du mal à lui pardonner son «Victor Hugo, hélas!» J'avais devant moi des dizaines d'années pour essayer de concilier deux auteurs aussi différents, aussi divergents, qui - pour reprendre un mot gidien
- «ne m'offrent plus précisément de surprise, mais du moins un constant ravissement».
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* Fédération nationale des éclaireurs et éclaireuses du Luxembourg, organisation scout fondée vers 1914 et à laquelle les Mayrisch apportèrent leur soutien financier. Leur fille Schnoucky Viénot-Mayrisch en fut une «grande animatrice et bienfaitrice du mouvement guide pendant de nombreuses années».
vendredi 5 octobre 2012
Quelques rendez-vous en octobre
Les Amis du musée Alain de Mortagne-au-Perche s'intéressent à l'économie coopérative à l'occasion des Journées Alain les 6 et 7 octobre prochains, et invitent pour cela Gide... Charles Gide ! Samedi 6 octobre à partir de 15h un colloque rappellera les théories de l'oncle d'André Gide qui avait notamment publié les Propos à La Laborieuse, son imprimerie coopérative.
Pour marquer la fin de l'exposition « André Gide et les siens » à l'Institut Pierre Wiener de Luxembourg, Frank Wilhelm donnera une conférence sur lesrelations entre Aline Mayrisch et André Gide le 22 octobre à 18h30, suivie par la présentation du nouveau livre Aline Mayrisch-de Saint-Hubert : Ecrits, présenté par Cornel Meder et Frank Wilhelm et édité par le Cercle des Amis de Colpach.
vendredi 7 septembre 2012
Rendez-vous en septembre
Gide-Malraux :
30 ans d'amitié en photos
Du 14 au 28 septembre, la Mairie du 11e vous invite à découvrir 100 photos souvent inédites provenant de collections privées, permettant de redécouvrir André Gide et André Malraux et leurs œuvres, leurs combats, leurs vies privées et leurs apports à notre culture contemporaine.
Exposition proposée par la fondation Catherine Gide et Jean-Pierre Prévost (auteur entre autres de Gide : un album de famille), avec le soutien de l’association Amitiés Internationales André Malraux et l’association des Amis de Pontigny - Cerisy.
Exposition ouverte du 14 au 28 septembre.
Du lundi au vendredi de 10h à 17h, jusqu’a 19h30 le jeudi.
Salle des fêtes - Mairie du 11e
André Gide et les siens,
expo et conférence
Du 24 septembre au 23 octobre, l'Institut Pierre Wiener de Luxembourg accueille une exposition intitulée "André Gide et les siens", organisée avec "Le Cercle des Amis de Colpach" et le CCRN. Un ensemble de documents réunis là encore par Jean-Pierre Prévost. Deux conférences prolongeront l'exposition mercredi 26 septembre. Présentation :
L’histoire commence dans le salon du poète Francis Vielé-Griffin, en 1899, lorsque le jeune auteur de Paludes, André Gide, rencontre le peintre Théo van Rysselberghe et sa femme Maria. C’est le début d’une grande et belle amitié, qui trouvera un prolongement familial quand André et Elisabeth van Rysselberghe, fille de Théo et Maria, choisiront de donner naissance à un enfant, hors de toute union officielle. Leur fille, Catherine, naît le 18 avril 1923. L’identité de son père n’est connue que de grand-mère Maria – la « Petite Dame» -, le témoin privilégié de ce « climat » familial somme toute si cher à l’auteur des Nourritures terrestres (cf. Cahiers de la petite dame). Cet album de souvenirs, conçue par Jean-Pierre Prévost avec l’aide précieuse de Peter Schnyder et Pierre Masson, trace ainsi les contours étendus, mais choisis, de cette singulière famille. Voici des lieux aimés (e.a. le Château de Colpach, Dudelange et La Messuguière à Cabris) et des figures amies (e.a. les familles Mayrisch – de Saint-Hubert, Viénot), des souvenirs de voyages (e.a. au Grand-Duché de Luxembourg) et des rencontres multiples.
Pierre Masson : Histoires d'amitié dans la vie et l'œuvre d'André Gide (en français)
Peter Schnyder : André Gide heute (en allemand)
mercredi 20 mai 2009
Gide-Valéry (II) : strangulation
« La conversation de Valéry... je mettais parfois dix jours à m'en remettre », confiait André Gide à Jean Amrouche... Voici encore quelques extraits qui éclairent ce fossé qui s'est creusé entre Valéry et Gide, au tournant du siècle, après l'échauffement de leur rencontre. Cette impossible conversation qui dura tout de même cinquante-cinq ans...
En 1904, le couple Valéry séjourne pour la première fois à Cuverville, chez les Gide. Dans une lettre à son beau-frère Marcel Drouin, Gide confie :
« Si affectueux et si charmant que soit Paul, son sacré procédé d'analyse m'a si bien démonté tous les rouages de l'esprit que, dès que j'espère encore penser, imaginer, sentir, je me parais un affamé qui, au lieu de manger, lirait un livre de recettes. » (André Gide, Lettres à Marcel Drouin, NRF, Gallimard)
Dans le Journal de Gide, le 9 février 1907, nouvelle rencontre entrecoupée d'un peu de patin à glace au Bois (« ... je souffrais à le voir m'attendre, de sorte que je n'ai presque pas patiné. », précise Gide dans le passage supprimé) :
« Valéry ne saura jamais toute l'amitié qu'il me faut pour écouter sans éclat sa conversation. J'en sors meurtri. Hier j'ai passé avec lui près de trois heures. Plus rien, ensuite, ne tenait debout dans mon esprit.[...]
Et, naturellement, impossible de travailler le soir. Après une telle « conversation » je retrouve tout saccagé dans ma tête.
La conversation de Valéry me met dans cette affreuse alternative : ou bien trouver absurde ce qu'il dit, ou bien trouver absurde ce que je fais. S'il supprimait en réalité tout ce qu'il supprime en conversation, je n'aurais plus raison d'être. Du reste je ne discute jamais avec lui; simplement il m'étrangle et je me débats. »
D'ailleurs, Valéry avait trouvé l'interlocuteur idéal comme on l'apprend dans les Cahiers de la Petite Dame à l'entrée du 13 septembre 1922 :
« Je ne veux pas être trop intelligent, ne pas pousser mon intelligence où Valéry pousse la sienne. Vous vous rendez compte que Valéry quitte le terrain de la vie; son existence est tout à fait à part.[...] Je ne consens pas comme lui à perdre contact avec le « common place » , l'humanité ordinaire, le terrain neutre. Je veux garder une base large dans la vie. Valéry vise à produire le surhomme plus que je ne l'ai jamais voulu moi-même; il croit les possibilités humaines beaucoup plus grandes; il veut arriver à cette mécanisation supérieure; il a foi dans l'avenir de l'esprit humain; c'est son fanatisme. La conversation n'intéresse pas Valéry; il monologue éternellement. Il raconta un jour qu'il avait trouvé l'interlocuteur idéal, c'était un professeur de natation rencontré sur la plateforme d'un tram. » (Cahiers de la Petite Dame, tome 1, p. 155)
Malgré cela, Gide ne cesse d'admirer Valéry, l'encourage à écrire, à reprendre et à publier les essais abandonnés. Il le défend aussi chaque fois qu'il est attaqué, comme ce soir du 24 octobre 1926... Loup Mayrisch a invité quelques amis dans un restaurant russe de l'avenue de l'Alma : Andrée Mayrisch, fille de Loup, Pierre Viénot, qui deviendra trois ans plus tard le mari d'Andrée, le philologue allemand Ernst Robert Curtius, Jean Schlumberger et son fils Marc dit Marco, Marc Allégret, André Gide et Maria van Rysselberghe, la précieuse Petite Dame à qui l'on doit le verbatim de cette soirée pendant laquelle Gide était en verve.
Pierre Viénot attaque Paul Valéry à qui il vient de demander de participer au Comité d'information franco-allemand, groupement d'industriels, d'hommes politiques, d'écrivains, de personnages influents chargés de redresser les informations fausses ou tendancieuses émises par chacun des deux pays contre l'autre et favoriser la réconciliation et le rapprochement franco-allemand. Viénot en est avec Emile Mayrisch le co-fondateur en 1926 et le responsable du bureau berlinois.
« Viénot a mis Valéry sur le tapis. Il lui reproche de manquer de caractère à propos de son attitude vis-à-vis du Comité d'information, dont il ne sait s'il veut être ou ne pas être, à cause de sa situation à l'Académie.
Gide le défend chaleureusement. Pour lui, à la hauteur où est Valéry, et avec le mépris profond qu'il a à peu près pour tout, cela n'a aucune importance. Il a rencontré Valéry ces temps-ci. Il a été bouleversé de son état de fatigue, de désespoir, d'harassement. Il devient extraordinairement vibrant pour dire son admiration [...]. Il dit : « C'est un être considérable, prodigieux d'intelligence, qui nous dépasse tous; certaines pages de lui me donnent le frémissement de la grande beauté. » Il cite comme une merveille cette « Introduction » aux Lettres Persanes de Montesquieu parue dans Commerce. « Mais, dit Curtius, il doit pourtant être porté par le sentiment de sa souveraineté littéraire ? - Non, dit Gide, car ceux qu'il regarde, c'est Einstein, les savants, et sur ce plan, il se sent dépassé; le reste ne l'intéresse pas. C'est odieux de parler de littérature avec lui. Rien ne résiste, il se déprend de tout : Stendhal, Baudelaire, rien ne reste. Il démonte tout, et quand il voit comment c'est fait, c'est fini. La manière dont il parle des musée est terrible. »
[...] Viénot ne lâche pas son attaque et s'en prend aussi aux propos de Valéry que, dit-il, il n'habite pas toujours. « Oui, reprend Gide, son côté paradoxal peut m'être odieux, mais ça, c'est un restant d'une époque passée, dont Griffin est un représentant type. Le paradoxe pour le paradoxe, je trouve ça exténuant et facile. » (Cahiers de la Petite Dame, tome 1, pp. 294-295)
mercredi 3 septembre 2008
Lieux gidiens : le Sud
Gide passera aussi beaucoup de temps dans le Sud de la France, toujours au motif de fuir le froid et les maladies. Au motif aussi d'y rejoindre ses amis, d'y travailler dans un climat meilleur. D'ailleurs à la naissance de sa fille Catherine, il apprécie pouvoir se rendre auprès de l'enfant et de sa mère, Elisabeth van Rysselberghe, installées à la Bastide Franco, à Brignoles dans le Var : le climat est une raison suffisante "aux yeux de Cuverville" (i.e. Madeleine, son épouse de la brumeuse Normandie) pour justifier le voyage.
Nombreux sont les proches qui lui offrent refuge dans le Sud de la France dont les van Rysselberghe à Saint-Clair au Lavandou où le peintre Théo pose son chevalet en 1911, Elisabeth à la Bastide Franco dont la direction lui a été confiée par Emile Mayrisch et aux Audides à Cabris. Ou encore les Mayrisch eux-mêmes à la villa La Malbuisson à Bormes-les-Mimosas, construite en 1915, puis à la Messuguière à Cabris où Aline Mayrisch retrouve son amie de toujours Maria van Rysselberghe.
Ou encore à Hyères à la Villa Noailles : "Gymnastique, natation dans une assez vaste piscine, jeux nouveaux, dont je ne sais les noms, avec volants, balles, ballons de toutes tailles – un surtout, que nous jouons à quatre (le très agréable professeur de gymnastique, Noailles, Marc et moi) avec un ballon de médiocre grosseur qu'il s'agit de point laisser retomber en deça d'un filet haut tendu qui départage les deux camps. On joue à peu près nus, puis, en moiteur, on court se plonger dans l'eau tiède de la piscine."
Ce Gide en sueur, presque nu, jouant au volley-ball à soixante-et-un ans (nous sommes le 3 janvier 1930), c'est celui du Sud. Et il s'en faudrait de quelques degrés de latitude sud supplémentaire pour jouer à d'autres jeux : "Je voudrais oublier tout; vivre un long temps parmi des nègres nus, des gens dont je ne saurais pas la langue et qui ne sauraient pas qui je suis; et forniquer sauvagement, silencieusement, la nuit, avec n'importe qui sur le sable...", implore-t-il le 13 mai 1937 à Cuverville.
vendredi 18 juillet 2008
Prix André Gide 2007-2008
Les lauréats du Prix André Gide 2008 sont le Munichois Georg Holzer et la Parisienne Barbara Fontaine. Georg Holzer reçoit ce prix pour la traduction du recueil de sonnets de Pierre de Ronsard, "Les amours de Cassandre". Barbara Fontaine est récompensée pour la traduction en français du roman de Stephan Wackwitz, "Un pays invisible". Ils reçoivent chacun la somme de 10 000 euros.
Ce prix rappelle combien Gide tenta dès la fin de la première guerre mondiale de mieux faire se comprendre les Allemands et les Français. Cela notamment par l'entremise des Mayrsich et du Cercle de Colpach que j'ai déjà évoqués ici.
Il faut aussi songer que l'oeuvre d'André Gide fut reçue en Allemagne peut-être plus fortement, plus profondément d'ailleurs. C'est ce que déplore la revue Latinité en 1931 dans une "enquête" qui visait à saisir l'influence de Gide en Europe, influence que les auteurs de cette "enquête" partiale jugeaient déjà bien néfaste mais prétendaient plus simplement nulle... Un document très intéressant.
mercredi 30 janvier 2008
Sur Aline Mayrisch
Ouvert en 1995, le Centre national de littérature a inauguré en novembre 1997 sa première exposition importante sous le titre : Hôtes de Colpach - Colpacher Gäste. A l'occasion du 70e anniversaire du décès accidentel de l'industriel sidérurgique Émile MAYRISCH et du 50e anniversaire de la mort de son épouse Aline, née DE SAINT-HUBERT, hommage est rendu à ce couple de mécènes grand-ducaux pour ses mérites dans les domaines socio-économique et culturel.
A Dudelange puis, à partir de 1920, dans leur château de Colpach sur la frontière belge, ils ont accueilli de nombreuses personnalités du monde des lettres et des arts, des philosophes, des économistes, des hommes politiques, des intellectuels, afin de discuter avec eux, dans un contexte convivial, de la réorganisation pacifique et fédéraliste de l'Europe après les horreurs de la Grande Guerre. Bien qu'elle fût une habituée de Pontigny, Aline Mayrisch n'a cependant jamais voulu donner à ces rencontres amicales l'allure de réunions de travail méthodiques avec exposés, discussions et publications.
A Colpach, on se voyait dans un cadre champêtre, on présentait ses textes, on échangeait des impressions et des manuscrits, on prenait date, on écrivait, on concevait ensemble des projets d'écriture, de traduction et d'édition. Le livre d'hôtes de cet état de grâce culturel unique dans l'histoire du Grand-Duché de Luxembourg a heureusement été conservé, tout comme une part importante de la bibliothèque, de la documentation et des collections artistiques des Mayrisch, provenant des fonds propres du CNL et de prêts. C'est à partir du livre d'hôtes, qui comporte des signatures, des inscriptions, des dates, des dédicaces et des pensées éparses, que les commissaires de l'exposition, les professeurs Germaine Goetzinger, chargée de direction, Gast Mannes et Frank Wilhelm, collaborateurs scientifiques externes, ont voulu montrer le fonctionnement de ce qu'on a pu appeler « petit noyau de la future Europe ».
Sont d'abord présentés, dans leur vie publique et dans leur intimité, les maîtres de maison, suivis d'un choix de dix invités de marque dont cinq appartiennent, sans être tous Français, au domaine de la francophonie, et cinq, sans être tous Allemands, à celui de la germanophonie. Aussi, le catalogue est-il bilingue, particularité qui s'imposait presque d'elle-même à Colpach. L'exposition rassemble de nombreux documents et objets inédits et insoupçonnés, notamment des lettres manuscrites, des ouvrages dédicacés, des éditions rares, des oeuvres d'art. Du côté des hôtes francophones, on découvrira : Marie DELCOURT, l'helléniste liégeoise qui avait des parents à Arlon ; André GIDE, l'habitué de Colpach, qui avait commencé ses Faux-Monnayeurs à Dudelange ; Bernard GROETHUYSEN, le philosophe marxiste qui fréquentait le plus grand capitaliste grand-ducal et qui est mort d'ailleurs et enterré à Luxembourg ; Jules PRUSSEN, seulement aspirant-professeur de philosophie et déjà apprécié pour son envergure, un des rares Grand-Ducaux dans le cercle des Mayrisch ; Maria VAN RYSSELBERGHE, la très bonne amie d'Aline, pour laquelle elle a rédigé ses Cahiers de la Petite Dame sur la vie quotidienne de Gide.
Du côté des hôtes germanophones on fera connaissance avec : l'architecte allemand Otto BARTNING, qui a conçu les plans de la Maternité de la Croix-Rouge luxembourgeoise présidée par Aline Mayrisch et de la villa La Messuguière (dans le Var), où celle-ci a accueilli, pendant la dernière guerre, certains ténors de la NRF ; le pionnier de l'unification pacifique de l'Europe, Richard N. COUDENHOVE-KALERGI, un cosmopolite abhorré par Hitler ; l'actrice allemande Gertrud EYSOLDT, que Gide et Aline Mayrisch ont pu admirer sur scène à Berlin, en 1903 ; le philosophe allemand Carl GEBHARDT, spécialiste de Spinoza et de Schopenhauer ; enfin l'écrivaine allemande Annette KOLB, dont la mère était française et qui, parfaitement bilingue et réduite à l'exil par le nazisme, fut décorée par le chancelier Adenauer et le président de Gaulle comme incarnation de l'Europe libérale. C'est cette Europe que les Mayrisch entendaient créer et que la présente exposition voulait promouvoir à l'occasion de la présidence luxembourgeoise dans la 2e moitié de 1997.
L'exposition Hôtes de Colpach - Colpacher Gäste était ouverte jusqu'au 20 février 1998. Catalogue illustré de 128 pages, disponible (500 FRL) auprès du CNL, 2, rue Émmanuel Servais, L-7565 MERSCH, et dans les bonnes librairies. Le catalogue a reçu le TROPHEE 1998 organisé par la Fédération des Professionnels de la Communication, catégorie : Meilleur travail d'édition.
[Paru dans Francophonie vivante, Bruxelles, n°1, mars 1998, pp. 26-27.]
Gide et les femmes : Loup
"Loup a désiré être incinérée, cela se fit à Paris incognito et les cendres furent transportées à Luxembourg dans le local de la Croix-Rouge, dont elle était présidente, et où tout ce qui compte dans le pays a défilé en un dernier hommage. Puis elles furent transportées à Colpach où s'étaient réunis les amis intimes, et le matin du 1er février nous escortions ses cendres à travers le parc glacé et on les déposait dans la grande tombe solitaire du patron. Cela ne manquait pas de grandeur."
Aline de Saint-Hubert est née le 22 août 1874 à Luxembourg, d'une famille de commerçants en bois. A vingt ans, elle épouse Emile Mayrisch, ingénieur sidérurgiste et futur grand patron de la sidérurgie (Arbed), "le patron" qu'évoque le Petite Dame. Après des études classiques pour une jeune femme de cette époque, en pensionnat, c'est en autodidacte et avec la liberté qu'apporte bientôt une grande fortune qu'elle se passionne pour le monde des lettres, des voyages et de la politique.

A Dudelange puis à Colpach, les Mayrisch convient des hommes politiques et des intellectuels français et allemands. Pont entre les deux pays qui se renforce après la première guerre mondiale, le "Comité Franco-Allemand" jette les fondements d'une future Europe. "Le cercle de Colpach" est un rendez-vous informel, voulu tel par Aline Mayrisch, où Gide rencontre par exemple Ernst Robert Curtius et Walter Rathenau. Bilingue, Aline Mayrisch renforce aussi l'amour de Gide pour la littérature allemande, l'aide dans ses traductions de Goethe, traduit en allemand ses Caves du Vatican.

Le chateau de Colpach
Le sud de la France réunit de nouveau Loup, Gide et la Petite Dame lors de la seconde guerre mondiale. A la Messuguière, à Cabris, se recrée un cercle intellectuel où l'on voit défiler Sartre, Michaux, Martin du Gard, Malaquais... Un lieu de résistance aussi : Andrée Mayrisch, fille d'Aline et Emile, a épousé Pierre Vienot.
Il faut enfin signaler les "oeuvres" d'Aline Mayrisch pour compléter tout à fait son portrait. Création de l'Association pour les Intérêts de la Femme dès 1906, maison de Dudelange transformée en Maison pour Enfants en 1920, création de la Ligue contre la Tuberculose, la Ligue Anticancéreuse, de dispensaires pour nourrissons ainsi que la première crèche à Esch-sur-Alzette en 1932... La présidente de la Croix-Rouge du Luxembourg cède à sa mort le château de Colpach et des parts dans la société Belgo-Mineira à l'association.

Aline Mayrisch
* André Gide – Aline Mayrisch, Correspondance 1903-1945, Cahiers de la NRF, Gallimard, 2003
Quatrième de couverture :
"Les quelques deux cents lettres ici rassemblées retracent plus de quarante ans d'une amitié à la fois complexe et indéfectible, la nature inquiète et ardente de chacun des deux amis trouvant auprès de l'autre une écoute critique et affectueuse. Ce qui les avait rapprochés tenait autant de la compréhension intellectuelle que de la complicité affective: s'il avait fallu un compte rendu pénétrant de L'Immoraliste pour attirer l'attention de Gide sur Aline Mayrisch, c'est l'entreprise de celle qui était pour l'un et l'autre leur meilleure amie, Maria Van Rysselberghe, qui devait sceller leur alliance.
Ces deux fils rouges courent ainsi tout au long de cette correspondance, entremêlant le public et l'intime, la parution des Caves duVatican ou de Corydon comme la naissance de Catherine, l'enfant dont Gide est le père et Aline Mayrisch la marraine. La position de celle-ci, luxembourgeoise et bilingue, contribua particulièrement à rendre cette amitié féconde. Elle joua ainsi, avant la Grande Guerre, un rôle de passeur entre Gide et la littérature allemande, l'aidant à traduire Rilke, contrôlant à son tour la traduction des Caves. Mais c'est surtout au lendemain de la guerre que son rôle va s'affirmer: à Colpach, où se croisent intellectuels et politiques français et allemands, où les dirigeants de La NRF viennent réfléchir à l'avenir de l'Europe, Gide multiplie les séjours, s'installe même à demeure, le temps de participer à des jeux d'adolescents, tout en travaillant aux Faux-Monnayeurs. C'est précisément dans les six années de cette intense fréquentation que se place la moitié de leur échange épistolaire.
Cette correspondance, qui rappelle aujourd'hui l'importance du rôle tenu par Aline Mayrisch, constitue aussi, pour la connaissance de Gide, un précieux complément aux Cahiers de la Petite Dame.
Le présent volume est le dix-huitième de la "Série André Gide"."