lundi 28 février 2011

Ca bouge sous les onglets...

25 nouveaux liens viennent de s'ajouter aux ressources en ligne, portant leur nombre total à 210 documents recensés sur la toile : articles de revues et journaux, thèses et mémoires. Ce dernier ajout comporte surtout des documents en anglais, portant à 32 le nombre total de ceux-ci.

Le premier lien vers un article en langue espagnol fait une prometteuse apparition en bas de page : Gide y Cernuda : el moralista y su discipulo, par Emilio Baron de l'Université d'Almeria. Toutes les langues sont les bienvenues : n'hésitez pas à me signaler vos textes ou ceux que vous pouvez découvrir sur internet.

Du côté des documents sonores, trois émissions de radio ont été ajoutées : Je l'entends comme je l'aime, autour de Gide et la musique, Partir avec... André Gide, sur les voyages en Afrique et en URSS à partir des entretiens avec Jean Amrouche, et Le livre du jour, chronique de France Info consacrée à la récente parution de André Gide ou la tentation nomade aux éditions Flammarion. Bonne écoute !

Gallimard, 100 ans d'histoire littéraire

Après son Histoire de La NRF et le catalogue de l'exposition pour le centenaire de la revue intitulé En toutes lettres… Cent ans de littérature à La NRF (les deux chez Gallimard en 2009), l'historien maison Alban Cerisier signe, cette fois pour le centenaire de la maison d'édition un très bien fichu Gallimard. Un éditeur à l'œuvre, dans la collection Découvertes... des éditions Gallimard bien entendu.


Alban Cerisier, Gallimard. Un éditeur à l'œuvre,
coll. Découvertes Gallimard, 2011, Paris


Présentation de l'éditeur :

"Couverture ivoire à filets rouges et noirs, marquée du monogramme NRF, la collection Blanche inaugure en 1911 le comptoir d'édition d'André Gide et de ses amis.
La modeste association se développe sous l'impulsion de Gaston Gallimard, dont l'engagement et les choix seront toujours guidés par le désir de servir au mieux la littérature. L'entreprise Gallimard est transmise d'une génération à l'autre, avec des valeurs inchangées, " comme un serment qu'on s'est fait ". Riche de 40 000 titres, son catalogue réunit la plupart des grands auteurs contemporains : Claudel, Proust, Malraux, Faulkner, Queneau, Sartre, Camus, Hemingway, Borges, Yourcenar, Duras...
Dans une chronique au long cours, Alban Cerisier entraîne le lecteur dans les arcanes de la plus grande maison d'édition française indépendante"


Les mises en page sont toujours soignées, discutées,
surtout pour l'arrivée de Proust en 1917...



Dans l'hebdomadaire Télérama n° 3189 de cette semaine, Antoine Gallimard donne un long entretien à Nathalie Crom. On peut le lire sur le site de Télérama qui offre par la même occasion un documentaire télévisé tiré des archives de l'INA. Rappelons enfin que le mois prochain s'ouvre à la Bibliothèque nationale de France une exposition retraçant les 100 ans depuis la création du comptoir d'édition de Gaston Gallimard à partir de la NRF. Les trois premiers ouvrages parus sous la couverture blanche étaient Isabelle, de Gide, L'otage, de Claudel, et La mère et l'enfant, de Charles-Louis Philippe...
On dit que c'est Schlumberger, avec l'éditeur Verbeke,
qui a conçu la maquette de la Blanche


" La maquette de couverture a été conçue à l'occasion de la parution des trois premiers volumes de la collection par l'éditeur Verbeke à Bruges. On veille déjà au moindre détail, rien n'est laissé au hasard — on sait, depuis Mallarmé, ce que la poésie doit à la typographie, et inversement. La maquette fin ale relève d'un refus catégorique de traitement décoratif au profit d'une lisibilité intacte, privilégiant unité typographique et sobriété de la composition. Elle se rattache à celle de La NRF par son papier mat de couleur crème, par l'adoption d'une elzévirienne assez fine et allongée, aux contrastes de graisses peu marqués, et par l'impression en deux couleurs, rouge et noir. Elle en diffère cependant par le cadre à filet noir et double filet rouge.
Cette maquette sera stabilisée durant l'entre-deux-guerres, une fois le filet horizontal entre l'auteur et le titre supprimé, le monogramme NRF traité typographiquement (Garamond puis Didot italiques), le Didot gras adopté pour l'impression du nom de l'auteur et le titre et enfin les filets rouges et noir pro longés en dos. Au cours des années 1950 apparaissent les premiers résumés en quatrième page de couverture, en remplacement du cadre, du fleuron, du monogramme ou de l'extrait de catalogue, les bandes suivies de peu par les jaquettes, ou couvre-livres, illustrées et imprimées en couleurs (1961). Enfin, à partir de 1964, tous les volumes de la « Blanche » sont rognés et, partant, découronnés. La décennie 1980 verra une tentative d'adoption d'un papier satiné et brillant de type « kromekote », qui sera abandonné pour celui que nous connaissons aujourd'hui." (Gallimard, Les collections, La Blanche)



Une couverture souvent imitée, voire même plagiée... Je ne résiste pas au plaisir de vous scanner la couverture de cette petite étude de Maurice Marsalet parue en 1955 chez l'éditeur bordelais, spécialisé notamment en ouvrages régionalistes,Raymond Picquot (auteur d'une savoureuse autobiographie, Je suis libraire, aux Editions du Conquistador). Double liseré rouge à l'extérieur, liseré noir à l'intérieur, typographie bien différente et pourtant, au premier coup d'œil, ce André Gide l'enchaîné a quelque chose de familier...




samedi 26 février 2011

Le livre du jour sur France Info

(cliquer pour agrandir)


Le 24 février dernier, Le livre du jour de Philippe Vallet sur France Info était l'album André Gide ou la tentation nomade qui vient de paraître aux éditions Flammarion. Le chroniqueur donnait à cette occasion la parole à son auteur, Jean-Claude Perrier, qui explique comment il a eu accès de nombreuses archives inédites pour composer les différents thèmes/chapitres de cette plongée dans le voyage gidien. On peut encore écouter l'émission pendant quelques jour ici

Beigbeder relit Paludes

Toujours dans le sillage de la parution du premier tome de la biographie Gide, l'inquiéteur, par Frank Lestringant, la chronique de Frédéric Beigbeder publiée le 24 février sur le site lexpress.fr était consacrée à Gide et surtout à Paludes :


"Pourquoi lire Gide aujourd'hui?

André Gide est un romancier subversif qui est devenu le symbole de l'écrivain vieux et chauve à plaid sur les genoux : on appelle cela un malentendu. Né et mort à Paris (1869-1951), ce protestant est l'un des premiers auteurs à pratiquer l'"outing" : il s'est affirmé homosexuel quand tant d'autres restèrent dans le placard toute leur vie (Proust, Mauriac, le général de Gaulle, non je déconne). Créateur de la NRF, il incarne la figure parfaite du grand écrivain bourgeois qu'un punk BCBG devrait vomir, mais toute son œuvre respire la rébellion : liberté, intelligence, pédophilie... Le prix Nobel de littérature qui l'a couronné en 1947 était une consécration à l'ancienneté. Le tome 1 de la biographie monumentale de Frank Lestringant (André Gide l'inquiéteur) est une lecture indispensable parce que inactuelle. Le prof de littérature en Sorbonne commence par cette question : "Pourquoi Gide aujourd'hui ?" Cela m'a donné envie de relire Paludes, dont Léon Blum écrivit : "C'est Narcisse sans miroir."

Paludes, c'est une blague de potache qui se mue en chef-d'œuvre. Comment ne pas être convaincu dès la première phrase : "Avant d'expliquer aux autres mon livre, j'attends que d'autres me l'expliquent." Pardonnez Gide, il ne sait pas ce qu'il fait. J'aime les livres pour écrivains : les lire vous donne l'illusion d'en être un. Paludes raconte l'histoire d'un auteur à court d'inspiration qui reçoit des visiteurs circonspects, pour leur lire des extraits d'un livre qui n'existe pas. D'aucuns prétendent qu'il s'agit d'une satire du milieu littéraire alors que c'est un condensé de la littérature du XXe siècle à venir. Et d'ailleurs que signifient ce titre, Paludes, et son héros Tityre ? (Paludes signifie "marais" en latin, et Tityre est le nom d'un berger des Bucoliques de Virgile.) Page 18, Gide répond : "C'est l'histoire d'un célibataire dans une tour entourée de marais." Un écrivain fait un métier absurde : un écrivain, ça pérore durant des heures sur une chose inutile, ça cherche sa voix dans l'obscurité. Paludes est un écrit sur l'écriture, un roman sans roman, un making of, un travail sans résultat. Depuis ses origines, le roman rabâche Don Quichotte : la parodie du rêve d'un fou. L'important, c'est de glousser : "Indécision des reflets ; algues ; des poissons passent. Eviter, en parlant d'eux, de les appeler des "stupeurs opaques"." Je ne sais pas pour vous, mais moi ces stupeurs opaques me réjouissent. C'est depuis Paludes que la littérature a le droit de pratiquer le second degré. La sincérité est souhaitable mais plus obligatoire ; de temps à autre, si l'on n'abuse pas trop de la mise en abyme (quelle affreuse chose qu'un auteur qui se regarde écrire !), il n'est pas interdit de faire confiance à l'intelligence de son lecteur pour sourire avec nous de la pitoyable condition de scribouillard prétentieux. On ne lit plus en 2011 comme en 1895, et cela, c'est aussi à Paludes que nous le devons. Des dizaines de milliers de romans ont voulu l'imiter : vous en avez lu combien, dans votre vie, de romans dont le héros est en train d'écrire un bouquin ? Aucun n'a retrouvé le génie ironique et blasé de Gide : c'est un texte de jeunesse (écrit à 25 ans) et pourtant c'est un chant du cygne. Comme tous les chefs-d'œuvre, Paludes est à la fois un point de départ et un point d'arrivée.




vendredi 25 février 2011

Colloque les 10, 11 et 12 mars


Université du Sud Toulon-Var
5èmes Journées Scientifiques

Actualités d'André Gide

Jeudi 10 mars
Vendredi 11 mars
Samedi 12 mars

Laboratoire BABEL
Salles Bonaparte et Raimu 1 - Niveau 2




Jeudi 10 mars
Palais Neptune - Toulon

Exposition de Martine SAGAERT : André Gide vivant

9h Cérémonie d’ouverture des journées scientifiques de l’Université

10h15 Introduction
Monique LÉONARD, Professeur USTV, Directrice du Laboratoire Babel
Martine SAGAERT, Professeur USTV, Peter SCHNYDER, Professeur Université de Haute Alsace, Directeur du Laboratoire ILLE

Président de séance : Peter SCHNYDER

10h30 Jean BOLLACK, Professeur émérite, Université de Lille - MSH Paris
Le prosaïsme chez Baudelaire, Gide, Rilke.

11h Jean TOUZOT, Professeur émérite, Université Paris IV-Sorbonne
Gide et Mauriac : Au nom du père et du fils

11h30 Lise FORMENT, Doctorante, monitrice Université Paris III - Sorbonne nouvelle
André Gide, lecteur des classiques : une critique d’actualité ?

12h30 Pause déjeuner

Président de séance : Pierre MASSON

14h15 Stéphanie BERTRAND, Professeur agrégé
Les maximes gidiennes, une philosophie moderne distillée avec humour

14h45 Aliocha WALD-LASOWSKI, Maître-assistant à l’Université catholique de Lille
André Gide : écriture rythmique et interprétation musicale

15h15 Patrick POLLARD, Professeur émérite, Université Birkbeck de Londres
Le Roi Candaule

Lecture de Gide par Jéromine Dalmasso

Pause

Président de séance : Jean BOLLACK

16h15 David WALKER, Professeur, Université de Sheffield
La pensée économique et la notion de valeur dans L’Immoraliste

16h45 Justine LEGRAND, Professeur de français langue étrangère, Fondation Robert de Sorbon
Réflexions sur les genres : du littéraire au culturel dans Le Ramier

Lecture de Gide par Hanna AYadi

17h15 Carmen SAGGIOMO, Chercheur, Seconde Université de Naples
Lecture de A Naples

Vendredi 11 mars

Président de séance : Patrick POLLARD

9h André-Alain MORELLO, Maître de conférences, USTV
Gide et le dialogue des cultures : relire La Marche turque au XXIe siècle

9h30 Elena SAVELIEVA, Professeur de français langue étrangère, Université d’État de la région de Moscou
André Gide en Russie

Lecture de Gide par Jessica Verse et Florian Bourlet

10h Victoria REID, Maître de conférences, Université de Glasgow
La place de Gide dans l’université britannique

10h30 Frédéric CANOVAS, Professeur associé, Arizona State University
Lire – enseigner Gide aux États-Unis aujourd’hui : approches critiques et parcours personnels

Pause

11h30 Table ronde présidée par Adrien VEZZOSO, Marie-Clotilde ROUSSEAU, Professeur certifié
Angélique BOHRER, David MAURO, Florian BOURLET, Maxime AILLAUD Étudiants, master Littérature : Imaginaires et genèses littéraires
Gide et la jeunesse en France aujourd’hui

12h30 Pause déjeuner

Président de séance : David WALKER

14h15 Clara DEBARD, Maître de conférences, Université de Nancy 2
Éditer les œuvres dramatiques : les exemples d’Œdipe et de Saül

14h45 Jean-Michel WITTMANN, Professeur, Université de Metz
Au risque de « crier comme à des sourds » : l’éditeur scientifique et l’annotation du texte gidien

15h15 Pierre MASSON, Professeur émérite, Université de Nantes
Les Pléiades se suivent et ne se ressemblent pas

Pause

Lecture de Gide par Maxime Aillaud

Président de séance : Jean-Michel WITTMANN

16h15 Roland BOURNEUF, Professeur honoraire, Université Laval
La correspondance Gide – Giono

16h45 Daniel BILOUS, Professeur émérite, USTV
Gide au miroir des pastiches

Signature d’ouvrages sur Gide


Samedi 12 mars

VILLA NOA ILLES - HYÈRES-LES-PALMIERS
En présence de Catherine Gide, invitée d’honneur

9h Accueil des participants
9h30 Jean-Pierre BLANC, Directeur de la Villa Noailles
9h45 François CARRASSAN, Adjoint à la culture, ville d’Hyères
10h15 Visite commentée de la Villa Noailles

Présidente de séance : Martine SAGAERT

11h30 Stéphane BOUDIN-LESTIENNE, Historien, Chargé de mission
Gide et les Noailles : affinités

12h Jacques MÉNY, Cinéaste
Gide face au cinéma

Conclusion du colloque : Peter SCHNYDER – Martine SAGAERT

12h45 Cocktail de clôture offert par la Fondation Catherine Gide


Et du 9 mars au 6 avril
à la Médiathèque Hyères-les-Palmiers :
Exposition de Jean-Pierre PRÉVOST
André Gide – Un album de famille




mercredi 23 février 2011

Un inventaire à la Gide

Au Vaneau il était accroché au-dessus du piano de Gide.
Le masque de Leopardi vient d'être offert par C. Gide
au musée d'Uzès (photo de Joel Yale pour Life)


Les Interviews imaginaires reliées avec le tissu d'une chemise de Gide, son masque mortuaire, les assiettes de Cuverville, la canne offerte par Francis Jammes, la malle du Congo. C'est un « inventaire à la Gide » unique et émouvant que la description du « fonds Gide » du Musée Georges Borias d'Uzès. Encore faudrait-il ajouter à la liste les nombreux autres objets, portraits, dessins, livres en édition originale, manuscrits, lettres et témoignages non seulement sur André mais aussi sur Charles, Paul et Tancrède Gide. Une liste qui vient de s'allonger.

« Pour sa réouverture, le musée Georges Borias présente quelques-unes de ses dernières acquisitions, réalisées avec l’aide de généreux donateurs et de l’association des Amis du musée », apprend-on sur le blog du musée, notamment un « « ensemble d’objets, dons de Mme Catherine Gide : Diplômes d’André Gide, lettre de félicitations à Gide pour ses 80 ans, disques 78T offerts à Gide lors de son voyage en URSS, masque funéraire du poète Leopardi (ce masque ornait le bureau de Gide), portrait sculpté de Théo Van Rysselberghe par Alexandre Charpentier. »

Le musée d'Uzès a fêté l'an dernier ses cent ans. Créé en juillet 1910 dans les locaux de l'Hôtel de Ville, il se voulait double : musée des beaux-arts sous l'impulsion du peintre José Belon, et « Muzéon Uzétien » des traditions locales sur le modèle de celui créé par Mistral à Arles. En 1945, le conservateur Georges Borias reprend le flambeau. Ce conservateur dynamique donnera son nom au musée.

« Georges Borias semble avoir eu assez rapidement la volonté d'inclure André Gide parmi les personnages que le musée se devait d'évoquer, en le rattachant à ses origines familiales uzétiennes. D'ailleurs le premier objet acquis ne concernait pas l'écrivain lui-même, mais son grand-père Tancrède Gide : le faire-part de son décès fut offert par M. Arraud en 1949 », explique l'actuel conservateur du musée Brigitte Chimier*.

En 1953 un stylographe, quelques fragments manuscrits et un exemplaire hors-commerce du Journal 1942-1949 complètent le fonds à ses débuts. « Les choses démarrèrent vraiment en 1969, avec l'exposition en l'honneur du centenaire d'André Gide », poursuit Brigitte Chimier. Dans le BAAG n°12 de juillet 1971, Georges Borias plaide « Pour une salle André Gide au musée d'Uzès » comprenant « un ensemble digne de celui que le musée de Sète a consacré à Valéry. »

La collection s'étoffe dans les années 70. En 1978, le musée s'installe dans l'ancien palais épiscopal et une salle Gide peut enfin être créée. Martine Peyroche d'Arnaud prend le relais de Georges Borias en 1987. On lui doit le catalogue** de la collection Gide publié en 1993 avec une introduction de Jean Lambert : quelques 250 documents, objets et œuvres d'arts. « Un ouvrage que j'espère actualiser prochainement car le fonds s'est beaucoup enrichi depuis », m'écrivait très récemment Brigitte Chimier.

Peut-être à l'occasion de l'exposition « André Gide : un album de famille » qui se tiendra cet été au musée d'Uzès, après Ravello et Paris. Nul doute qu'après « André Gide et ses peintres », record de fréquentation au musée en 1993, ou « Désir du Sud. André Gide, Rudolf Lehnert et le Maghreb » en 2004, l'exposition réunie par Jean-Pierre Prévost à partir de son livre éponyme et avec l'aide de la Fondation Catherine Gide ne soit un succès !

______________________________

* Brigitte Chimier : Le fonds Gide du musée d'Uzès, Uzès Musée Vivant (bulletin de l'association des amis du musée d'Uzès), n°41, juin 2010
** Musée d'Uzès, collection André Gide, Martine Peyroche d'Arnaud, Editions de l'Equinoxe, Marguerittes, 1993



La salle Gide au musée Georges Borias


mardi 22 février 2011

Revue de presse

C'est demain mercredi 23 janvier, quatre jours après le soixantième anniversaire de la mort de Gide, que paraissent Gide, l'inquiéteur, premier tome de la biographie signée Frank Lestringant et André Gide ou la tentation nomade, album compilé et commenté par Jean-Claude Perrier. Deux ouvrages aux éditions Flammarion. Et le Dictionnaire Gide est annoncé chez Garnier, sous la direction de Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann. Revue de presse avec ces trois textes qui se font écho et parfois se répondent :
A gauche : André Gide ou la tentation nomade,
de Jean-Claude Perrier, Flammarion, février 2011
A droite : André Gide, l'inquiéteur,
de Frank Lestringant, Flammarion, février 2011




"Gide, in extremis

LE MEILLEUR portrait peint de Gide fut réalisé en 1892 par Jacques Emile Blanche : Gide n'y figure pas. On y voit, s'ignorant et s'enlisant dans un ennui pâteux, ses amis Pierre Louys et Henri de Régnier. Gide était prévu, mais n'est pas venu poser : il était ailleurs. Pourtant, en négatif, on ne voit que lui. Son absence réunit à la fois sa présence et son mystère. Était-ce simplement ce Narcisse aux talents masturbatoires ? Ce laborieux de la gloire littéraire engoncé à jamais dans les cols amidonnés de son enfance névrotique et de sa puberté lyrique ?
Cet ami possessif, ce collègue influençable, cet immature permanent plein aux as et ce pape des lettres frotté aux chairs enfantines ? Gide est-il, enfin, ce spectre mallarméen propageant son XIXe siècle jusqu'à l'exacte moitié du XXe ? Oui, non, peu importe : plus qu'un « inquiéteur » (son titre quasiment officiel), il fut le supplicié de lui-même : torturé dans sa chair quand l'homosexualité vouait ses adeptes aux gémonies ou au suicide (selon l'exemple de son ami d'enfance Émile Ambresin, fils de pasteur) ; tourmenté par son impossible fidélité à une épouse et cousine qu'il n'honora jamais, préférant l'abandonner au ciel pluvieux de Basse-Normandie* tandis qu'il vaquait, persécuté par ses propres mensonges, avec des jeunesses bronzées sous le soleil de toutes les libertés ; hanté, sa vie durant, par la présence mortifère du fantôme de sa mère, professionnelle de l'étouffement, de la suspicion et de l'interdit ; harcelé par son envie de s'enfermer pour écrire et par son désir de s'évader pour vivre (« Je trouve qu'il n'y a que des lieux de passage. Rien n'est habitable plus de quinze jours », phrase mégagidienne) ; lacéré par son besoin de gloire quand il comprend, en même temps qu'il s'acharne, ses insuffisances et son absence de génie. Pourtant, je le dis sans
plaisir de manier le sophisme, Gide a fait de cette absence de génie la matière même de son génie,
de son art. Il est le seul génie de toute l'histoire de la littérature à ne pas être génial. Quant à sa phrase, elle jouit d'une particularité saisissante : elle ne peut s'imiter. On imitera, on pastichera Proust, Malraux, Céline, et avant eux Péguy, Chateaubriand, Hugo, Flaubert même : pour Gide la tentative est impensable. Non qu'il ne possède pas de style, au contraire : il semble les renfermer tous à la fois. Sa phrase scintille, si elle ne flamboie pas ; elle avance, remplie de nuances et riche d'une précision qui donne le vertige ; elle serait bancale quand, in extremis, un à-coup imprévisible lui confère son altitude. C'est une prose étrange, faite simultanément de reculs et d'avancées, d'élans de témérité et de retraits craintifs ; du moins est-ce une prose, en cela si confondue avec la pensée qu'elle abrite, qui ne se rature pas. Qui ne se reprend, ni ne se dédit. L'inquiéteur Gide est surtout un inquiété, un inquiet : comme tous les froussards, il se précipite dans les dangers, et en devient courageux à son propre étonnement. Il n'est jamais modeste et jamais prétentieux ; le plus souvent, il est humain à l'instant même où il allait sembler aveugle ou hautain. Gide est un écrivain qui se rattrape sans cesse, qui à la dernière minute fait mouche, emporte tout : ce n'était pas gagné, mais soudain le voici vainqueur. Personne n'y comprend plus rien. Il était ailleurs ; il est là pourtant. Toujours là."

Signé Moix, Yann Moix, Le Figaro Littéraire du jeudi 17 février 2011

* Le Cuverville(en-Caux) de Gide est en Seine-Maritime, ex-Seine-Inférieure et donc en Haute-Normandie

(cliquez pour agrandir)






"La lecture de Gide relève de l'hygiène intellectuelle"
"Pierre Masson, directeur du centre d'études gidiennes de l'Université de Nantes, a dirigé l'édition des Romans et récits d'André Gide dans la Pléiade. Il nous parle de l'écrivain à l'occasion du 60e anniversaire de sa mort.

Quel livre de Gide conseillez-vous à quelqu'un qui veut découvrir son œuvre?

L'œuvre de Gide est très diverse, aucun de ses livres n'est semblable aux autres. On peut commencer par L'Immoraliste; ce n'est pas son roman le plus riche, mais celui qui pose une question essentielle: jusqu'où peut-on aller dans l'affirmation de soi, sachant que cette affirmation est de toute façon vitale? Cette question est posée dans une forme impeccablement classique, mais son inquiétude reste brûlante.

En quoi André Gide a-t-il influencé la littérature du 20e siècle ?

Au lendemain de la guerre de 14-18, c'est l'invitation sensuelle des Nourritures terrestres qui a fait de lui un maître de vie. Mais il a orienté l'écriture romanesque dans deux grandes directions: sur le plan psychologique, dans une présentation des personnages qui préfigure l'ère du soupçon définie par Nathalie Sarraute. Sur le plan de la construction narrative, dans une réflexion du roman sur lui-même qui triomphera à l'époque du Nouveau Roman.

Qui sont les héritiers de Gide aujourd'hui?

Pas évident. Les romanciers français d'aujourd'hui sont souvent en empathie avec eux-mêmes, là où Gide garde toujours une distance ironique, et bien peu s'essaient à une réflexion générale sur la nature humaine. De la poésie hédoniste des Nourritures terrestres, Le Clézio (je pense au Chercheur d'Or) est l'un des rares représentants. Pour la critique moraliste, Kundera est peut-être son meilleur héritier, mais en plus amer.

Pourquoi lire Gide aujourd'hui?

La lecture de Gide relève de l'hygiène intellectuelle: si son univers n'a pas le pouvoir de fascination d'un Proust ou d'un Céline, c'est parce qu'il laisse toujours le lecteur à distance, obligé de s'interroger devant les situations proposées, libre de choisir sa position. Par exemple, rien n'est plus actuel que Les Caves du Vatican : au moment où l'on voit partout renaître les conservatismes et les dogmes, cette mise en scène ironique des fanatiques de tout bord, ceux de la foi comme ceux de l'athéisme, a quelque chose de salutaire et de libérateur. Mais cette dissidence n'a rien d'un renoncement, et Gide, des Nourritures à Thésée en passant par le Voyage au Congo, nous rappelle toujours que nous sommes fils de cette terre, et responsables d'elle."

Propos recueillis par Adeline Journet, publiés le 18/02/2011 par le site lexpress.fr








Pierre Masson a dirigé avec Jean-Michel Wittmann
le Dictionnaire Gide à paraître bientôt chez Garnier...






"Où sont les héritiers de Gide ?

Rien n’est moins évident que l’héritage d’un écrivain. Non les droits et les espèces sonnantes mais le legs moral, littéraire ou intellectuel assuré par un successeur ou un légitimaire comme on disait autrefois, qu’il se réclame du Maître ou que la critique de son temps puis les historiens de la littérature le désignent comme tel. Innombrables ont été les enfants de Maurice Barrès, mais peu osèrent le revendiquer quand l’air du temps n’y inclinait pas. Modiano héritier de Simenon ? On l’a dit. John Le Carré dans la succession de Graham Greene ? Cela se défend, du moins pour le tourment de la trahison. Rien ne désarçonne les historiens de la littérature comme de ne pas trouver de filiation lorsqu’un jeune écrivain naît à la littérature. Il leur fait l’effet d’une météorite chue d’une planète inconnue; généralement, ils ne tardent pas à y mettre un bon ordre et à lui dégotter de prestigieux parrains pour peu que, pressés par ses interviewers, il avoue avoir lu les Essais de Montaigne et conserver un Musil plein de qualités à son chevet. Voilà pour les ascendants, mais la logique est identique pour les descendants.

Et Gide ? Qui pour prendre la suite du « contemporain capital », ainsi que le qualifia André Rouveyre en 1924 ? Là, le patrimoine est trop important, trop divers, pour échoir à un seul. Frank Lestringant a son idée sur la question. Professeur de littérature à la Sorbonne, auteur de travaux sur Agrippa d’Aubigné, Alfred de Musset et l’expérience huguenote au Nouveau Monde, il vient de publier le premier volume d’une somme biographique impressionnante sur Gide, qui court de sa naissance à la fin de la première guerre mondiale (1165 pages, 35 euros, Flammarion). Interrogé par L’Express sur les actuels héritiers de Gide, il a répondu ceci* :

« Pas évident. Les romanciers français d’aujourd’hui sont souvent en empathie avec eux-mêmes, là où Gide garde toujours une distance ironique, et bien peu s’essaient à une réflexion générale sur la nature humaine. De la poésie hédoniste des Nourritures terrestres, Le Clézio (je pense au Chercheur d’Or) est l’un des rares représentants. Pour la critique moraliste Kundera est peut-être son meilleur héritier, mais en plus amer »

En effet : pas évident. D’autant que même s’il accorde à chacun d’eux une partie de l’héritage, il place son volume sous le signe de l’inquiétude, précisant que Gide a créé le néologisme d’« inquiéteur », s’étant voulu l’inquiéteur de son siècle, écrivant dans une page de son Journal en 1935 : « Belle fonction à assumer : celle d’inquiéteur ». L’auteur de L’Immoraliste et de Corydon a bousculé ses contemporains. Mais qui parmi les écrivains d’aujourd’hui nous trouble au point de nous inquiéter ?"

Pierre Assouline, billet publié le 22 février 2011 sur le blog la république des livres.

*C'est Pierre Masson et non Frank Lestringant qui a répondu aux questions de L'Express

mercredi 16 février 2011

Gide, l'inquiéteur dans le Magazine Littéraire






Le Magazine Littéraire de février
consacré à Louis-Ferdinand Céline
est le premier à faire une critique - élogieuse -
de André Gide, l'inquiéteur, premier tome
de la biographie de Frank Lestringant
à paraître le 23 février chez Flammarion.
A noter que ce numéro consacre également
plusieurs pages au centenaire de Gallimard.





Dans le Cercle Littéraire de la BnF du 2 février dernier, qui avait pour invités Frédérique Clémençon, Roger Grenier et Mathieu Lindon, le rédacteur en chef du Magazine Littéraire Laurent Nunez faisait déjà une courte présentation de la biographie signée Frank Lestringant.

Retrouvez tous les enregistrements
du Cercle Littéraire de la BnF
en partenariat avec Le Magazine Littéraire

mardi 15 février 2011

Colloque Proust et ses amis

Proust et ses amis II, à la Fondation Singer-Polignac
les 11 et 12 mars 2011 (sur inscription).

Ces deux journées de colloque se terminent par l'intervention de Frank Lestringant sur André Gide le 12 mars à 17h... Programme détaillé et inscriptions sur le site de la Fondation Singer-Polignac.

Bonnes nouvelles d'Uzès

En décembre dernier e-gide décidait de soutenir l'appel lancé par les Amis d'André Gide pour la protection des tombes de Tancrède et Clémence Gide, les parents de Charles et Paul Gide et grand-parents d'André. Des tombes menacées par une procédure de reprise et par une "restructuration" annoncée du cimetière d'Uzès. Des tombes menacées surtout par l'oubli.

Notre appel et vos soutiens et messages à la mairie d'Uzès permettaient d'obtenir enfin une réponse de Monsieur le Maire. Souvenez-vous, c'était ici. Une réponse qui, toutefois, ne rassurait pas vraiment... Nous en appelions en même temps au ministre de la culture afin qu'il porte son attention sur le dossier. Très rapidement les services du ministère entraient en contact avec la DRAC du Languedoc-Roussillon. Qui elle non plus n'allait pas chômer...

Début janvier la DRAC nous apprenait que le dossier pour la protection des tombes Gide à Uzès serait étudié le 8 février en commission. Et le 12 février dernier notre efficace correspondante à Montpellier annonçait, comme nous nous y attendions, que si l'inscription au titre des Monuments Historiques n'était pas envisagée, "le Conservateur Régional des MH a pris conscience de ce problème et va alerter la commune sur l'entretien de ce cimetière." Une bonne nouvelle qui ne nous empêchera pas de rester vigilants.



La vigilance se poursuit avec l'aide de la DRAC  
pour la protection des tombes Gide 
et de leur environnement au cimetière d'Uzès,



Nombreux devraient d'ailleurs être les visiteurs à aller se recueillir sur ces tombes au sortir du musée d'Uzès qui proposera cet été l'exposition de la Fondation Catherine Gide et de Jean-Pierre Prévost "André Gide, un album de famille". Le fonds Gide du Musée Georges Borias devrait d'ailleurs à cette occasion s'enrichir de nouveaux objets. Rappelons que le tout premier à avoir intégré ce fonds concernait Tancrède : le faire-part de son décès offert en 1949 au musée par M. Arraud... Actuellement, le musée présente des dessins, peintures et maquettes réalisés par des enfants à partir des œuvres exposées. A voir en ligne sur le blog du musée.



Exposition des travaux d'élèves 2009-2010 : 
jusqu'au 1er mai au musée d'Uzès.

mercredi 9 février 2011

Un prix André Gide à Taormina



Le prix André Gide des Taormina Media Award, ainsi que trois autres prix portant les noms de célèbres visiteurs de la cité, Goethe, Edmondo De Amicis et Roger Peyrefitte, seront remis officiellement cet été. Ils récompenseront les meilleurs articles de presse écrite ou reportages télévisés qui ont pris Taormina pour sujet.
Le jury est composé de Giulio Anselmi (Président “Ansa” ), Mario Ciancio (La Sicilia), Giovanni Di Lorenzo (Die Zeit), Vittorio Feltri (Il Giornale), Sebastiano Grasso (Il Corriere della Sera), César Antonio Molina (poète et écrivain, ancien ministre de la culture espagnol et de l'Institut Cervantes) et de Jesper Svenbro (poète et écrivain, membre de l'Académie de Suède).
Plus d'information et règlement sur le site de la ville.

Correspondance Gide-Gallimard

Parmi les parutions prévues dans le cadre des 100 ans de Gallimard, la correspondance Gide-Gallimard est annoncée pour le mois de mai dans la collection blanche, tout comme les correspondances Giono-Gallimard et Paulhan-Gallimard. On attend aussi un numéro spécial de la NRF ou encore les souvenirs de Roger Grenier sur le 5, rue Sébastien Bottin, titre de son prochain livre. Le Nouvel Obs publie quant à lui les souvenirs de Kundera, Modiano, Le Clézio, Littell, Wiazemsky, Pamuk, Ernaux, Sollers, Sansal, Pennac, Djian et Shalev.

lundi 7 février 2011

Trois évènements



Le Centre Universitaire Méditerranéen (CUM) de Nice propose, demain mardi 8 février à 16h, une conférence deBernard Toulier, Conservateur général du patrimoine au ministère de la Culture et de la Communication et historien de l’architecture, sur le thème Villégiature des bords de mer du 18e au 20e siècle. Dans ces billets anciens je rappelais la présence de Gide et surtout des Van Rysselberghe dans le Var.





Mercredi 8 février à 14h30, c'est l'Université Pour Tous de l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne qui propose une conférence sur Gide par Mme Stamatakis, professeur de lettres dans le cycle littérature, dans l'amphithéâtre du site Denis Papin.




Mercredi 16 février de 21h à 23h sur France Inter enfin, ne manquez pas l'émission Partir avec... consacrée aux écrivains voyageurs et présentée par Gwenaëlle Abolivier. Gide en sera le personnage central.


(Ces trois évènements figurent déjà depuis plusieurs jours au calendrier du groupe Facebook, de même que de nombreuses autres informations de parutions de livres, d'articles et des liens diffusés chaque jour ou presque : n'attendez plus pour nous y rejoindre !)

jeudi 3 février 2011

Jean Malaquais

Les Javanais, Jean Malaquais
Denoël, Paris, 1939
(dédié à André Gide)


« Je croise tout le temps un jeune communiste du nom de Malaki ; nous finissons par nous présenter nous-mêmes l'un à l'autre. » (Maria Van Rysselberghe, Cahiers de la Petite Dame, tome 2, p.548) Ce « jeune communiste » que la Petite Dame croise dans les couloirs du Vaneau en juin 1936, c'est Vladimir Malacki, qui allait bientôt signer Jean Malaquais un roman intitulé Les Javanais, prix Renaudot en 39. Il est né le 11 avril 1908 à Varsovie dans une famille d'origine juive.

« J’ai quitté la Pologne en 1925, j’avais dix-sept ans, tout de suite après mon bachot. Je l’ai quittée d’ailleurs légalement, avec un passeport et un visa, j’ai bourlingué en Roumanie, en Turquie, en Égypte, et par là-bas, et je suis arrivé en France parce que la France était, dans mon imagination de jeune homme, de ces pays-là, LE pays où il faut vivre, LE pays où il faut étudier. C’était la Révolution française, la Commune, le pays d’accueil, ainsi de suite, ainsi de suite.» (Entretien de Jean Malaquais avec Dominique Rabourdin, 20 février 1996)

De petits boulots en petits boulots, dont mineur dans les mines d’argent et de plomb de La-Londe-les-Maures en Provence qui serviront de modèle à la mine des Javanais on le retrouve en 1935, travaillant aux Halles la nuit, et le jour se réfugiant au chaud à la Bibliothèque Sainte-Geneviève où il lit dans la NRF les élans communisants de Gide : « Je sens aujourd’hui, gravement, péniblement, cette infériorité de n’avoir jamais eu à gagner mon pain, de n’avoir jamais travaillé dans la gêne. »

Malacki adresse alors une lettre incendiaire à Gide pour lui expliquer que « s’il était superbement à même de faire des livres, c'est précisément parce qu'il n'avait pas à faire le manœuvre; que, si lui se sentait inférieur de manger son content, je ne me sentais nullement supérieur de ne point manger à ma faim »*... Gide répondra à cette lettre, joignant 100 francs à sa réponse. Ce qui vaudra un retour à l'envoyeur tout aussi musclé.


André Gide, Jean Malaquais, Correspondance
éd. de Pierre Masson et Geneviève 
Millot-Nakach, Phébus, Paris, 2000



« Que cette rencontre allait changer le cours de ma vie, j'étais loin de m'en douter », se souvient Malaquais. Gide l'encourage à écrire, lui donne des conseils, l'aide à louer une maison en province où il pourra se consacrer à la rédaction de ses Javanais. Roman dédié à Gide publié par Denoël en 1939, et qui obtient le prix Renaudot mais aussi cette critique de Trotsky :

« Un auteur que je ne connaissais pas, Jean Malaquais, m'a envoyé son livre, qui porte un titre énigmatique : les Javanais. Le roman est dédié à André Gide, ce qui me mit un peu sur mes gardes. Gide est trop loin de nous, ainsi que l'époque à laquelle s'accordaient ses recherches lentes et confortables. Même ses œuvres récentes se lisent – bien qu'avec intérêt – plutôt comme des documents humains sur un passé définitivement révolu. Cependant, dès les premières pages il m'apparut que Malaquais ne subissait en rien l'influence de Gide. »**

Malaquais apprend qu'il a reçu le prix alors qu'il est mobilisé.« Télégramme de Robert Denoël m'annonçant que mon roman a décroché le prix Renaudot. Puissé-je en tirer une permission exceptionnelle », lit-on le 7 décembre 1939 dans son Journal de guerre***. L'apatride finit par gagner le sud de la France où il sera hébergé par Giono dans l'attente d'un départ pour l'Amérique du Sud. Plus tard dans Planète sans visa il racontera cette partie de la guerre, l'attente près de Marseille d'un visa pour le Nouveau Monde.

A son caractère entier s'ajoute la fébrilité de ces temps difficiles et si l'on ne connaissait le caractère tout aussi entier de la Petite Dame on serait étonné de son jugement sur Malaquais en août 41 : « laisse toujours le souvenir d'un être amer, difficile et sans beaucoup de tact. » (CPD, t.3, p.265). Malaquais et sa compagne Galy insistent auprès de Gide pour obtenir un visa qu'ils auront finalement en octobre 42. Ils embarquent alors pour le Venezuela, le Mexique puis les Etats-Unis : « N'était André Gide, Galy et moi serions en route pour fertiliser de nos cendres les sillons du Troisième Reich. » (Journal du métèque - 8 oct 1942)***. 



Pour la suite de la biographie de Jean Malaquais, 
destination Planète Malaquais
Et pour aller plus loin 


_________________________________

* Comme il s'en souviendra plus tard, cette première lettre ne figurant pas dans André Gide, Jean Malaquais, Correspondance (1935-1950), éd. de Pierre Masson et Geneviève Millot-Nakach [avec deux textes de Jean Malaquais «Historique de ma rencontre avec André Gide» et «André Gide : Notes et notules au fil de la plume»], Phébus, 2000. Sur cette correspondance, voir l'article de Chronicart, de La Tribune de Genève et de Le Soir.
** Voir ici le texte intégral de la critique de Léon Trotsky
***  Journal de guerre suivi de Journal du métèque (éditions revues et augmentées), Phébus, Paris, 1997

mercredi 2 février 2011

Gide ou la tentation nomade

Pour le soixantième anniversaire de la mort de Gide, les éditions Flammarion accompagneront la sortie du premier tome de la biographie signée Frank Lestringant et récemment évoquée ici, d'un beau livre intitulé André Gide ou la tentation nomade par Jean-Claude Perrier.


André Gide ou la tentation nomade,
de Jean-Claude Perrier, 
Flammarion, Paris, février 2011
192 pages, 45€


Présentation de l'éditeur :


Cet album se veut une entreprise d’archéologie littéraire, qui revisite la vie et l'œuvre de Gide, si indissolublement liées, à travers un thème qui les sous-tend et les organise toutes deux : le voyage.
Gide ne fut pas un bourlingueur, mais un être en perpétuel mouvement, qui n’avait de cesse, «posé» quelque part, que de repartir ailleurs. Il aimait aussi les maisons, où ce contempteur des familles traditionnelles se retrouvait avec la sienne, d’élection, recomposée selon son cœur. De 1888 (tout premier voyage en Angleterre) à 1950 (voyage d’adieu à l’Italie), on suivra donc Gide à travers ses périples, proches (Italie, Suisse, Allemagne…) ou plus lointains (Afrique du nord, Bassin méditerranéen…). Avec, en guise de sommets, ses deux grands voyages «politiques» : en Afrique noire et en URSS. Les voyages sont présentées par zone géographique et par ordre chronologique. Entre chaque chapitre, un «intermède» thématique original : Gide et les maisons, ses compagnons de voyage, les conditions du voyage, les rendez-vous manqués avec certains pays (l’Inde).
L’ouvrage comporte environ 200 illustrations (photos, documents, manuscrits, lettres) dont un grand nombre sont inédites, provenant de diverses collections privées. Chaque chapitre est éclairé par un texte qui replace le voyage ou la thématique dans son contexte biographique et littéraire. Au début du livre, une chronologie détaillée permet au lecteur de se familiariser avec la somme d’histoires qui va lui être contée.
 
Jean-Claude Perrier est journaliste littéraire, directeur de collections dans l’édition et grand voyageur. Écrivain, il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont plusieurs d’archéologie littéraire consacrés à Malraux, Saint-Exupéry ou Pierre Loti. On lui doit la publication, en 2002, du Ramier d’André Gide, resté inédit près d’un siècle.

mardi 1 février 2011

BAAG n°169

Le Bulletin des Amis d'André Gide n°169 de janvier 2011 vient d'arriver !

Au sommaire :

André GIDE : Avoir 80 ans
Un anniversaire, trois hommages (1949)
(Texte de Gide intitulé « Reflections on being 80 » paru le 3 mars 1951 dans Picture Post, traduit en anglais par Dorothy Bussy, et ici en français par Nicole Ameille, le texte original n'étant pas parvenu jusqu'à nous. Et trois hommages pour les 80 ans de Gide : Robert Kanters pour La Gazette de Lausanne, Jean-Charles Mignon dans Le Thyrse, et Claude Elsen dans Évidences.)

Gide à Alger
Pierre MASSON : Gide 43-44, ou Du danger de publier son Journal en temps de guerre
Guy BASSET : Gide édité par Charlot

Claude FOUCART : Gide à la découverte (chez Goethe) de J. J. Winckelmann
Philippe GOAILLARD : Autour d'André Gide : la tribu Allégret

Robert LEVESQUE : Journal inédit, suite (novembre 1949 - avril 1950)

Les Dossiers de presse des livres d'André Gide : Souvenirs de la Cour d'Assises (Alphonse Jouet, Pierre Mille), Le Treizième Arbre, II (René-Marill Albérès, Ph. H., Petit Claus)
Chronique bibliographique
Compte-rendu de l'assemblée générale 2010 de l'AAAG
Varia
Le BAAG est disponible par abonnement
et envoyé aux membres de l'Association des Amis d'André Gide.
Abonnement au Bulletin seul (4 numéros/an) : 28€ (abonné étranger : 36€ )
Cotisation annuelle (4 bulletins + cahier annuel) : 39€ (adhérent étranger : 46€)
Plus d'informations sur cette page de Gidiana.