vendredi 29 juillet 2011

Projections de films à Uzès

Vous n'avez plus que jusqu'à demain samedi 30 juillet pour aller voir les films que la Médiathèque d'Uzès projette chaque jour à 16h en complément de l'exposition André Gide : un album de famille au Musée Georges Borias (qui elle se poursuit jusqu'au 25 septembre). Au programme :

André Gide, un petit air de famille, de Jean-Pierre Prévost (42') : Portrait de Catherine Gide, la fille de l'écrivain. Film sélectionné au Festival de Biarritz 2009.

André Gide chez François Mauriac, de Jean-Pierre Prévost (53') L'unique séjour de Gide chez Mauriac à Malagar, près de Bordeaux en juillet 1939. Les liens entre les deux hommes, leurs différences, leur vision du monde à la veille de la guerre, leur goût commun pour la musique (Chopin pour l'un, Mozart pour l'autre).

Voyage au Congo (75') : Nouvelle version sonorisée du célèbre film muet de Marc Allégret (1927), avec une musique de Pierre Thilloy et des textes d'André Gide.





Emile Henriot sur la Correspondance Gide-Jammes


"Entre Gide et Jammes le désaccord était dans l'œuf, dès la naissance 
de leur amitié; et c'est un désaccord religieux, dont l'espèce ne pardonne pas." 
Emile Henriot sur la Correspondance Gide - Jammes  
(photo-montage e-gide)



Dans un précédent billet nous avions laissé Gide, à la parution de son Anthologie de la Poésie française, aux prises avec un vers de Francis Jammes. Reprenant aujourd'hui la publication des articles d'Emile Henriot inédits en ligne, je vous propose justement celui paru un an plus tôt dans La vie littéraire du journal Le Monde sur la Correspondance Gide-Jammes.



« JAMMES ET GIDE

A QUOI tient la tristesse ou plutôt la sorte de malaise qu'inspire la lecture de la Correspondance de Francis Jammes et André Gide (1) ? Est-ce le regret d'un temps où la vie littéraire était plus généreuse que la nôtre et plus pourvue des loisirs favorables à l'entretien de soi-même et des amitiés, à la poursuite de la seule œuvre d'art ? Est-ce de se trouver replongé dans ce passé déjà qu'est l'histoire littéraire appliquée à des contemporains, à la jeunesse de contemporains admirés de loin et dont l'intimité, révélée soudain, déconcerte ? On était heureux d'assister aux débuts charmants d'une amitié affectueuse et fraternelle, longtemps prolongée, et voilà que de lettre en lettre elle se rompt à petites secousses sous nos yeux... Du moins la rupture de Jammes et de Gide, après une si belle liaison d'âmes poétiques, sans avoir été jamais tout à fait consommée, car elle eut ses retours et ses repentirs, repose-t-elle sur des raisons nobles : il s'agit d'un dissentiment religieux.

Voilà pour simplifier les choses, puisqu'il faut conclure. Mais les choses sont autrement fines, délicates, sensibles, nuancées, au cours de cette Correspondance de quarante-cinq ans (1893-1938). Jamais hommes ne furent, au fond, plus différents que ces deux-là, et c'est merveille même d'imaginer qu'ils aient pu s'entendre un instant, tirés tous deux comme ils étaient, par leurs natures, en sens contraire. Francis Jammes est uniquement un poète, procédant d'images et de sensations du moment, totalement dépourvu d'esprit critique, quoiqu'il ne manquât du tout de malice; un provincial en outre et un paysan, avec l'isolement de l'un et la ténacité têtue de l'autre; naïf et méfiant, plein d'orgueil, parlant de son génie et irrité du moindre soupçon à l'égard de qui non seulement ne lui en reconnaîtrait pas mais oserait formuler une réserve ou préférerait dans son œuvre tel livre, tel poème à tel autre. Nous avons vu le doux Francis Jammes, à la fin de sa vie, ulcéré et outré du complot dont il se croyait avec sincérité la victime de la part des gens de Paris, et j'ai mis dans mon exemplaire de l'Angélus de l'aube une lettre touchante du poète, écrite peu avant sa mort, pour me remercier avec effusion d'un article où j'avais bien parlé de lui et cherché à le dissuader du souci qu'il se faisait, l'assurant que sa gloire était grande, qu'il n'y avait aucune cabale contre lui, et que nous demeurions nombreux à l'admirer et à l'aimer fidèlement. Jammes s'était émerveillé de ce témoignage, reçu comme une pluie bienfaisante sur une terre desséchée. Joignez qu'il avait l'âme religieuse et qu'il était intransigeant et combattif sur ses croyances, comme il arrive aux plus pieux... En face de lui André Gide, inquiéteur inquiet, esprit dévoré, dévorant aussi, de critique; toujours en quête et jamais fixé, ayant horreur d'être fixé, de se fixer; pesant les mots, les idées et les sentiments avec un infini tourment d'exactitude; merveilleux de lucidité, aimant le trouble; carrefour ouvert par système à tous vents; nomade, immoraliste et professeur d'immoralisme, tenant qu'il n'y a pas d'autre vertu que le bonheur. Et je ne dis rien du corydonisme, dont il n'est pas une seule fois question dans la correspondance entre les deux amis, laquelle d'ailleurs n'est pas complète du fait de quelques lettres réservées, comme le reconnaît avec prudence M. Robert Mallet, l'éditeur et l'annotateur excellent de ces textes. Orthodoxe sur ce point aussi, on peut croire que l'ami de Clara d'Ellébeuse ne devait guère s'entendre à ce propos avec l'auteur de Si le grain ne meurt.

Et pourtant ils se sont entendus, d'enthousiasme l'un pour l'autre, dès le début de leurs relations, qui ont été d'abord épistolaires, tutoiement inclus, bien avant la première rencontre. Ce commencement d'une amitité [sic] est délicieux. Elle naît d'un commun amour de la poésie, dans un temps où la poésie, dans son expression la plus moderne, au lieu de les diviser, pouvait unir des jeunes gens. C'était en 1893, où déferla la deuxième vague symboliste, amenant au rivage ces nouveaux venus, Jammes, Gide, Louys [sic], Valéry. Gide aura été le premier, je crois, à parler de ces harmoniques où s'accordèrent leurs âmes si facilement, Gide n'étant encore que poète, épris comme Jammes d'angélisme, de nature, de pure émotivité; mais aussi se préoccupant, dans les proses du Voyage d'Urien et de Paludes, de ces démarches analytiques d'un esprit soucieux de sa liberté. Jammes est déjà lui-même, et l'auteur de ces vers tremblants, boiteux exprès, mais chantants et d'une naïveté très voulue dans leur apparente absence d'art, qu'on trouve dans ses premières plaquettes. Gide, avec une ferveur généreuse, fit les frais de l'édition d'Un jour, que Jammes était trop pauvre pour assurer lui-même; d'ailleurs incapable, vivant loin de Paris, d'action sur les éditeurs et dans les jeunes revues, dont Gide et Henri de Régnier lui facilitèrent l'accueil. Toute une partie de la Correspondance a trait aux services rendus, dans cet ordre, par l'ami parisien au provincial, et on a plaisir à enregistrer que M. André Gide a toujours montré, avec une délicatesse attentive, la plus grande prévenance et même une exemplaire patience à rendre ces services et à répondre aux sollicitations de Jammes, exigeant et souvent pointu malgré la drôlerie, la gentillesse et la verve. Car Francis Jammes avait de l'humour et de l'esprit, et ses lettres sont souvent plaisantes à lire, farcies de gais propos et même d'amusants pastiches de Régnier, de Mallarmé ou de Heredia qui attestent la connaissance la plus aiguë des techniques d'autrui, et l'art même de les y égaler. Il ne faut pas non plus se méprendre et oublier qu'avant les Sonnets à la Vierge et l'Eglise habillée de feuilles, Francis Jammes a fait quelque peu figure de faune, et que c'est ainsi qu'il s'appelait lui-même et que l'appelait Gide quand celui-ci n'était que « le pâtre des berges », en souvenir de son Ménalque et de Paludes. Cette première partie des enfances d'une amitié, entre poètes de vingt à vingt-cinq ans, est jolie, sur un fond un peu flou de doléances, de brumes et de langueur symboliste. Mais, la personnalité de chacun s'affirmant aux premiers rayons de la gloire, les pointes commencent à percer, et sans que ce soit au mépris de la poésie, où Francis Jammes a cet avantage de se renforcer en lui-même et dans son talent, il faut bien le dire, c'est au moment aussi où, la maturité venue, Gide devient plus intelligent et, selon sa nature, plus libre.

Ils continueront l'un et l'autre à s'aimer et à s'admirer. Un jour viendra où Jammes écrira même à son ami que si le cinquième livre des Confessions n'existait pas c'est la Porte étroite qu'il aurait voulu avoir écrit. L'amitié subsistera toujours, et même après les divergences et les piques il suffira de son souvenir, ne serait-ce que par fidélité à soi-même, pour ramener et faire se retrouver d'un élan de cœur les amis que leur esprit a momentanément séparés. Une dépêche clôt un litige, efface aussitôt le désaccord. Un article élogieux répare tout, et ne voyez pas là une pointe : Gide parlant de Jammes, Jammes parlant de Gide, c'est toujours très bien, et il ne s'agit pas d'échange de casse et de séné entre ces deux esprits honnêtes et intransigeants sur ce qu'ils croient. Impossible pourtant de celer que dans leurs lettres, à mesure que les divergences s'accentuent, c'est Jammes qui paraît le plus susceptible, le plus chatouilleux, le moins compréhensif; et Gide, qui domine nettement, attentif à expliquer, à panser, à remettre au point, affectueusement, patiemment — quitte d'ailleurs à confier à son Journal, où il nous les a fait lire en le publiant, ses impatiences rentrées, ses jugements sévères et ses trop lucides constats du changement qu'il voyait s'opérer dans son ami. M. Robert Mallet, annotant ces lettres, en a judicieusement éclairé les dessous de quelques citations pertinentes empruntées au Journal de Gide. On l'y voit noter que Jammes, vieillissant en orgueil et en amertume, « n'a plus de nez que pour l'encens », et que son orgueil effréné l'empêche, l'a toujours rendu incapable de pratiquer cette sincérité élémentaire qui consiste à « tâcher à voir vrai » en soi-même comme dans les autres. Et il conclura tristement que leur amitié s'est défaite, corrompue par « de la littérature froissée ». Ce qui en effet est très triste. Mais encore une fois, ayant à juger de beaux écrivains sur leurs lettres, je ne voudrais pas que ces discriminations nécessaires parussent condamner ou accabler Jammes : poète exquis, profondément original, dont la sensibilité si vive commandait le talent; et donc plus qu'aucun autre vulnérable dans son éloignement et son isolement d'Orthez. Il se croyait toujours persécuté ou oublié, ce qui pour un poète est toujours la pire des persécutions. Toute proportion gardée il y a en lui du Jean-Jacques Rousseau, comme lui si enclin à voir des cabales partout. Le mot de Ligne sur ce dernier pourrait bien, à grand homme près, lui être appliqué : « Malheureux grand homme, ravissant et impatientant. »

Entre Gide et Jammes le désaccord était dans l'œuf, dès la naissance de leur amitié; et c'est un désaccord religieux, dont l'espèce ne pardonne pas. Ils s'étaient entendus d'abord sur ce point qu'ils étaient tous deux d'essence religieuse, l'un catholique et l'autre huguenot. Je n'ai pas qualité pour décider en ces matières, mais point n'est besoin d'y être grand clerc pour discerner dans André Gide une préoccupation religieuse, et d'autant plus propre aux contestations qu'il s'agit, avec lui, d'un cas très nettement apparent de huguenotisme éclaté, c'est-à-dire qui laisse des traces après l'éclatement. Toute la démarche de Gide, depuis André Walter, Paludes, Urien, Ménalque, est d'un homme qui cherche à se libérer des plus sévères interdits. Celle de Jammes, si l'on peut parler de démarche à propos d'une absence de démarche justement, est un repliement sur la foi héritée, un contentement dans l'immobilité, une adhésion totale au bon Dieu un peu sulpicien de sa mère et de son enfance — « le seul Dieu qui le satisfasse », dira-t-il. A quoi André Gide pourra répondre qu'il a lui aussi « le seul Dieu qui le satisfasse », auquel il ne faut pas toucher. Rien à ajouter à cela, on ne peut plus s'entendre. Mais Jammes avait l'esprit de prosélytisme, et, voulant le sauver malgré lui, il se désolait, avec une pieuse et insistante indiscrétion, des égarements de son ami, de ses sophismes, de ses pernicieuses doctrines et de ses propos scandaleux. Gide au fond était tel pour lui depuis les Nourritures terrestres, et il le retrouvait aggravé dans le « blasphème » terminal des Nouvelles nourritures : « Ne sacrifie pas aux idoles. » La page relue, on peut se demander si Francis Jammes l'avait bien comprise. Ce n'est pas à Dieu qu'en a Gide, mais aux hommes, « responsables de presque tous les maux de la vie ». Et c'est contre eux qu'il a écrit : « Cesse de croire que la sagesse est dans la résignation... n'accepte pas. »
Cette correspondance est à lire, émouvant dialogue entre deux personnalités dont l'une, la plus faible et aussi la plus agressive, voudrait emprisonner l'autre, et l'autre, la plus forte, s'échappe en glissades. Le document d'histoire littéraire aussi a son intérêt, mais au second plan ; l'anecdote y est assez mince, derrière ce débat d'amitié aux prises entre la critique et la foi.
1948.


1. Francis JAMMES et André GIDE, Correspondance (1893-1938), préface et notes de M. Robert Mallet, un vol., Gallimard. »


(Emile Henriot, Courrier littéraire XIXe-XXe siècles
Maîtres d'hier et contemporains, Albin Michel, 1956)

jeudi 28 juillet 2011

Champions pour une question



Gide a fait l'objet d'une "Question pour un champion"



Emission de jeu « Question pour un champion » du mardi 26 juillet 2011 sur France 3. Lors du questionnaire opposant les deux candidats finalistes (dont l'un était un pasteur !), il faut retrouver la phrase célèbre qui se prolonge par « volets clos; portes refermées; possession jalouses du bonheur » et dont l'auteur « né en 1869 est d'origine protestante par son père et catholique par sa mère »...

Il faut dire que le sponsor de l'émission, les éditions Larousse, a mis du temps à rectifier les notices de ses dictionnaires et encyclopédies. Aujourd'hui encore, ce passage de l'encyclopédie en ligne Larousse n'est pas des plus clairs (ni des plus empathiques, ni des plus exacts...) et la phrase précisant que « les deux parents sont protestants » semble intercalée comme un mauvais correctif :

« Le père, Paul Gide (1832-1880), Languedocien, professeur de droit, apporte tendresse et gaieté. La mère, née Juliette Rondeaux, d'une famille de riches industriels rouennais et catholiques, est une femme de devoir, dévouée et bonne, mais austère. Les deux parents sont protestants. Ils possèdent des biens sous le soleil, plusieurs propriétés - Uzès dans le Midi, La Roque et Cuverville en Normandie - et un bel appartement à Paris, rue de Tournon. Dans ces racines contradictoires, Gide a voulu voir l'origine de son déchirement : en réalité, l'hérédité puritaine et normande pèse lourd dans la balance. » (source)

A moins que la question n'ait été rédigée d'après le recueil de Sélection du Reader's Digest signalé dans le dernier BAAG par Alain Goulet :

« Petite promenade au dernier Salon du Livre de Paris, où je tombe par hasard sur le stand de Sélection du Reader's Digest, où mon œil est attiré par le titre : Littérature française, un recueil d'extraits d'œuvres, de Jean Froissart à J.M.G. Le Clézio, ouvrage préfacé par Patrick Poivre d'Arvor qui ne paraît pas la meilleure référence en la matière (623 pp., 2010). Je le saisis, le feuillette, et constate que Gide est représenté par un extrait des Caves du Vatican curieusement découpé dans les chapitres 1 et 2 du Livre V, c'est-à-dire l'épisode du crime de Lafcadio, sans que jamais la référence ni le découpage ne soient indiqués. Cet extrait est précédé, p. 465, d'une brève notice de présentation de l'auteur, non signée, où l'on peut lire des affirmations fausses et inexactes, tant de fois combattues, telles que : « Fils d'un Cévenol protestant, érudit et tolérant, et d'une Normande au catholicisme austère [...] La Nouvelle Revue Française, mensuel littéraire qu'il fonde en 1908. Devenu le pape des lettres, il publie plusieurs ouvrages retentissants, parmi lesquels Les Caves du Vatican (1914), Corydon (1923) [...] Considéré comme « le contemporain capital » par Malraux [...]» On frémit en imaginant la somme d'erreurs et d'assertions fantaisistes que peut véhiculer un tel ouvrage ! » (Alain Goulet, BAAG n°171, juillet 2011, p. 425)

Petite précision : personne n'a trouvé la bonne réponse à la question posée par Julien Lepers.

mercredi 27 juillet 2011

Confection d'une Anthologie


Dans son article saluant la parution de l'Anthologie de la Poésie française présentée et préfacée par André Gide, Emile Henriot faisait remarquer que le choix de Gide se présentait « un peu comme un testament. » La confection – osons ce mot puisqu'elle se veut un remède littéraire au dosage quasi pharmaceutique – de l'Anthologie s'étale entre 1937 et 1949. « D'un bout à l'autre de ces douze ans les goûts poétiques de Gide sont restés les mêmes, mais le regard qu'il porte sur la littérature et sur le monde a changé : le livre est presque d'outre-tombe », note pour sa part Michel Murat dans Les anthologies de la poésie française d'André Gide et Marcel Arland.

On peut suivre cette difficile confection au travers de la correspondance de Gide mais surtout de son Journal et des Cahiers de la Petite Dame. C'est en novembre 1937 que Maria Van Rysselberghe nous apprend que « Schiffrin veut faire, dans la collection de la Pléiade qu'il dirige, une anthologie de poètes et qu'il lui a demandé de la composer et d'en écrire la préface. » C'est à ce moment-là une chose encore assez neuve si l'on en croit Michel Murat : « L'idée de rassembler en un volume la totalité de la production nationale, en y incluant les contemporains, et donc en confrontant ceux-ci aux classiques, ne semble avoir tenté ni les éditeurs, ni les écrivains : on la voit poindre à la fin des années 1930, et s'imposer presque brusquement au lendemain de la débâcle. »

Le 26 avril 38, quelques jours après la mort de Madeleine, Maria Van Rysselberghe encourage Gide à aller se reposer au foyer de Pontigny, où la bibliothèque l'aiderait à composer son Anthologie. Le 25 mai elle note qu'il veut faire appel à Jean Schlumberger pour piocher dans Villon à qui il veut faire « une part de roi ». Gide commence à dresser les grandes lignes, les grandes lignées qui seront le squelette du livre. Le même soir il déclare à Schlumberger :

« J'ai été ébloui par les beautés qu'il y a dans Malherbe; j'accorde qu'elles sont peu nombreuses, mais de quelle qualité ! Et tellement significatives pour le génie français : c'est la ligné Mallarmé, Valéry – tandis que Ronsard, c'est la lignée Hugo. »

Une première version de l'Anthologie s'élabore assez facilement si l'on en juge par cette autre entrée des Cahiers de la Petite Dame datée du 30 mai 1938 : « Le soir il a travaillé à son anthologie, s'y est lavé l'esprit comme il dit. » Mais la guerre vient interrompre tous les projets. En 1940, dans le Midi, il reprend l'écriture de la préface comme l'indique le Journal à la date du 26 août 1940 :

« Comment tout à la fois, les journées me paraissent-elles si tragiquement courtes et ne sais-je comment les emplir ? N'est-ce pas à cela surtout qu'il faut reconnaître que je vieillis ? Si seulement je pouvais m'atteler à quelque long travail... ! J'ai tâché de me remettre à la préface de l'Anthologie ; mais j 'ai tant de mal à formuler la moindre pensée, qu'il me semble que je ne sais plus écrire. Tout ce que j'éprouve à présent est trop loin des mots; je piétine dans les sables mouvants de l'indicible. »

Et l'achève, dans cette première version tout du moins. Fin août - début septembre 40, la préface fait partie des lectures à haute voix du soir à La Messuguière, chez Loup Mayrisch, où se trouve également Alexis Curvers. Mais le choix de textes n'est pas encore terminé puisque, toujours selon les notes de Maria Van Rysselberghe, Gide envisage en mai 41 un aller-retour à Paris avec Catherine, pour lui montrer la ville occupée, et avec Henri Thomas qui pourrait l'aider dans ses recherches pour l'Anthologie. Le 7 octobre dans le Journal, on retrouve Gide dans une chambre de l'Hôtel Adriatic de Nice. Une chambre agréable - « j'y travaille, ce qui me fait accepter qu'elle coûte un peu cher » - où il écrit deux « visites de l'interviewer » au courant de la plume et espère pouvoir se remettre à la préface de l'Anthologie.

Elle est toujours dans ses bagages lorsqu'il embarque en mai 42 pour l'Afrique du Nord. Le Journal en donne l'évolution : le 7 février 1943 Gide est en proie à un gros rhume... et à Victor, mais « Malgré moi, je me sens en assez bonne humeur de travail, que j'occupe à la préface de mon Anthologie ; mais j'en suis trop souvent distrait, et, au surplus, me fatigue vite. » Le 19 février il préfère se replonger dans la préface plutôt que de faire la queue devant un magasin pour la crème de datte qu'il aime tant. Sidi-bou-Saïd, Alger, Tunis, Fez, Gao, à nouveau Alger où la Petite Dame vient le retrouver en avril 45, puis le retour en France et de nouveau des voyages, Italie, Egypte, Liban, Allemagne, Autriche, et enfin la Suisse où le 28 décembre 46 une note lapidaire du Journal annonce :

« A Genève : Préface à l'Anthologie
Scénario d'Isabelle »

C'est la seconde partie de la préface qui vient d'être achevée, celle dont la Petite Dame dira, le
15 mai 47 dans ses Cahiers : « Gide nous lit la fin de sa préface de son Anthologie, intéressante et désespérée, et d'autant plus intéressante que rien ne la laissait prévoir. » Oui, l'Histoire est venue se faufiler entre temps dans l'histoire littéraire, et si sur le fond Gide ne concède rien de ses vues esthétiques, il ajoute quelques concessions politiques à ses choix et le fait savoir. Mais ce choix n'est toujours pas arrêté définitivement puisqu'en juillet 47 il rappelle à Maria Van Rysselberghe qu'il attend toujours la présélection qu'elle doit opérer dans Verhaeren et Laforgue. « Pierre [Herbart] et moi repêchons Tristan Corbière », ajoute-t-elle.

Fin février 1948 une première liste est proposée qui s'avère trop maigre pour un volume de la Pléiade : il faut la rallonger ! Jean Lambert, qui a épousé Catherine deux ans plus tôt, l'aide à « revoir les épreuves, compléter certains choix, en changer d'autres, etc. Jean s'ingénie à le décharger de toutes les corvées, et leur collaboration paraît aisée, harmonieuse », lit-on encore dans les Cahiers de la Petite Dame. Le Journal confirme cette bonne entente et annonce, le 11 juin 1948 « mis la dernière main à l'Anthologie », dernière main ou presque puisqu'en septembre 48 ont encore lieux quelques « derniers arrangements » avec Lambert.

L'entrée du 27 mai 49 du Journal de Gide proclame enfin la parution de l'Anthologie. Il faut la citer entièrement parce qu'elle explique aussi, en partie, comment Gide a fait ses choix en dépit de, malgré lui, ou malgré l'auteur. Auteur qui en l'occurrence est Jammes, moqué pour sa piété naïve jusqu'à l'impiété, selon Gide...

« L'Anthologie tant attendue a enfin paru. Grosso modo, très satisfait; et surtout, peut-être, de n'avoir pas trop fait prévaloir, me semble-t-il, mon goût personnel. J'espère avoir produit au jour nombre de menues pièces exquises, qui méritaient d'être connues et que je ne voyais citées nulle part.
Ce matin je m'achoppe au poème de Jammes particulièrement réussi : « II va neiger dans quelques jours... » Qu'est-ce que veut dire, qu'est-ce que peut bien vouloir dire :

Et les nombres
Qui prouvent que les belles comètes dans l'ombre
Passeront, ne les forceront pas à passer.

Oui; c'est exquis, charmant, et d'autant plus idiot que cela vous prend un air de profondeur. Mais tout Jammes est là; toute l'absurdité de sa croyance. Ces « nombres » mêmes sont de l'ordre de Dieu; sont Dieu. Cela signifie, indistinctement, que Dieu (le Dieu de Jammes) est toujours à même de faire un miracle, de ne pas se sentir atteint par les lois qu'il a proprement instituées. C'est Josué, Dieu aidant, capable d'arrêter le soleil. Un tel propos me paraît d'une outrageante impiété; n'est sauvé que par son inconsciente incongruité poétique. Le bon Dieu de Jammes serait libre de faire que tel triangle n'ait pas ses angles égaux à deux droits ?... Absurde! Absurde! Attentoirement absurde. Inutile d'insister. Ce petit poème n'en reste pas moins l'un des meilleurs de Jammes. »

lundi 25 juillet 2011

Emile Henriot sur l'Anthologie de la poésie française


Les gidianArchives proposent déjà à la consultation huit articles de l'écrivain critique et académicien Emile Henriot sur les œuvres de Gide : six parus dans le journal Le Temps entre 1919 à 1933 et deux parus dans Le Monde sur les Interviews imaginaires le 27 décembre 44 et sur le Journal 1939-1942 le 12 septembre 46. Ces deux derniers sont repris dans le second volume du recueil d'articles d'Emile Henriot intitulé Courrier littéraire XIXe-XXe siècles Maîtres d'hier et contemporains, paru en 1956 chez Albin Michel.

Quatre autres articles plus récents, et donc parus dans Le Monde, prolongent dans ce recueil le chapitre à Gide consacré et ne sont pas encore repris dans les gidianArchives, à commencer par cette critique parue à l'occasion de la publication de L'Anthologie de la Poésie française (NRF, 1949, puis Bibliothèque de la Pléiade, 1949). Elle a bien été versée au dossier de presse des BAAG (n° 114/115, avril-juillet 1997, pp. 299-303) mais demeurait inédite en ligne.


L'ANTHOLOGIE DE LA POÉSIE FRANÇAISE D'ANDRÉ GIDE

ANDRÉ GIDE vient enfin de publier cette Anthologie de la poésie française (1) des origines à nos jours, dont il préparait l'édition depuis longtemps. Cet événement constitue un acte de courage de sa part, car, sans contenter tout le monde, voilà M. André Gide irrémédiablement compromis aux yeux des tenants exclusifs de la poésie invertébrée pour trouver encore admirable la poésie régulière et traditionnelle dont il propose en quelque huit cents pages l'échantillon selon son goût.
Son choix est, comme on s'y attendait, d'un lettré savant et raffiné; mais il se présente un peu comme un testament. Ayant opté pour la perfection de l'art le plus rigoureux à lui-même, on voit dans sa préface M. Gide prendre tristement son parti d'aller pour une fois à contre-courant, au risque de n'être plus suivi sur ce terrain par tous ces jeunes dont il a toujours passionnément souhaité et recherché l'adhésion, et à qui leur « inconfiance » en l'avenir ne laisse plus, dit-il, d'intérêt possible que pour l'immédiat et le présent. « Seuls sont dès lors goûtés les émois de choc, de surprise. Les liens qui nous rattachaient au passé, qui peuvent espérer de rattacher à nous le futur, sont-ils rompus? Du coup c'en sera fait de notre culture et de cette tradition que nous avons tant lutté pour maintenir. L'art ne peut revenir en arrière... » Et M. André Gide, qui a quelquefois le conditionnel inquiet, conclut en nous mettant son livre entre les mains : « Cette anthologie ne représenterait donc plus que le désuet bréviaire d'une génération qui s'en va. »
Au nom du très vaste public, jeunes compris, que ne contente pas la poésie moderne en ses recherches de laboratoire, il faut de toutes ses forces protester contre ce défaitisme, d'autant plus démoralisant que M. Gide par avance a coupé les ponts en disant qu'il n'y aura pas d'appel à cette condamnation. C'est faire vraiment bon marché de l'objection capitale qu'il a lui-même évoquée contre cette vue désespérée : à savoir que les éclipses sont toujours provisoires en littérature, que Ronsard, méprisé deux siècles, a depuis retrouvé sa place au premier rang, et que Racine, autour de qui les Jeune-France dansaient il y a cent ans la danse du scalp, est aujourd'hui remis aussi justement en honneur. L'injustice, l'oubli et le dédain momentané ne prouvent rien; et M. Gide n'a pas à s'excuser comme un vieillard d'admirer des gloires abolies et de louer un art passé, alors qu'en véritable connaisseur il admire et il loue très bien ce qui n'a pas cessé de plaire au plus grand nombre.
Mais pourquoi faut-il toujours qu'il s'appuie sur autrui, fût-ce pour contredire, et ne peut-il donc affirmer sans que ce soit par objection? Justifiant dans sa préface l'idée qu'il a eue de composer cette anthologie, il rapporte que c'est à la suite d'un propos à lui tenu il y a trente ans par un poète anglais, qui lui aurait demandé : « Comment expliquez-vous, monsieur Gide, qu'il n'y ait pas de poésie française? L'Angleterre a sa poésie, l'Allemagne a sa poésie, l'Italie a sa poésie. La France n'a pas de poésie... » Du moins l'Anglais en question se refusait à voir la moindre poésie dans nos poèmes, où il ne distinguait que des discours rimés, pour n'y trouver que de l'esprit, de l'éloquence ou du pathos. Sur quoi, interloqué, André Gide repartit en interrogeant à son tour : « Mais qu'est-ce que la poésie ? », pour s'aviser d'ailleurs aussitôt qu'il est impossible d'y répondre, la poésie échappant par essence aux définitions. Cependant on peut discerner les éléments qui la composent, qui, sans parler des choses dites, tiennent à la façon dont on les dit, c'est-à-dire à l'art et à la musique, l'art étant de l'arrangement et la musique de la langue; de ces deux éléments constitutifs résultant cet effet de magie et d'incantation qu'à force de sévérité nos modernistes ne voudraient plus tirer que du mot et de ses juxtapositions les plus inattendues, les plus surprenantes, sans que le sentiment et la raison y soient pour rien. Mais avant d'en être arrivé à cette exigence ou à cette impasse il est bien certain que notre poésie française, qui a bel et bien existé malgré l'incroyable Anglais allégué, a toujours fait état de cet art d'arrangement et de cette musique verbale. J'ai idée que ledit Anglais, n'en apercevant que la rhétorique, ne savait probablement pas assez notre langue pour apprécier cette réussite musicale par quoi la poésie française existe en soi, comme toute autre poésie, selon les moyens matériels de la langue où elle s'exprime. On peut admettre que le français, logique, analytique et sans accentuation, a moins de ressources musicales que l'anglais, l'allemand ou l'italien; ce qui ne lui interdit pourtant ni la cadence, ni le timbre, ni ce jeu de pédale presque indiscernable à une oreille étrangère, notamment dans l'emploi subtil de l'e muet, qui déjà échappe à beaucoup d'oreilles françaises elles-mêmes, dans l'indifférence générale, l'art étant en train de se perdre. M. André Gide, répondant à son Anglais ignare et méprisant, spécifie fort bien ce que, en récompense de ce pouvoir d'effusion et de spontanéité qui lui manque, la rigueur des règles prosodiques a donné à notre poésie, par le fait de l'art, grâce auquel la poésie trouve ses moyens de maîtrise et de condensation. Résistance au laisser-aller rhétorique, refus des facilités de l'inspiration et du jaillissement sans contrôle, ce serait le service rendu par Baudelaire à l'art poétique de son temps; en quoi souvent d'ailleurs il donne à penser à Boileau, comme M. André Gide le rappelle par des exemples pertinents, déjà connus.
Le mérite essentiel de la poésie régulière ainsi fondé sur la rigueur de l'art, à l'exclusion de tout son contenu discursif ou sentimental, M. Gide tient que c'est à l'effort de concentration formelle, à la difficulté vaincue (jusque dans le choix imprévisible de la rime), que la diction poétique doit ses plus beaux effets de surprise et d'incantation. Il ne consent pas qu'il y ait une poésie suffisante dans l'idée ou le sentiment exprimés, et c'est pourquoi il se montre sévère aussi bien à la poésie didactique (il a raison) qu'aux « flasques » effusions du romantisme : d'où ses réserves sur Lamartine et sa condamnation presque totale de Musset, l'un et l'autre à ses yeux trop indifférents à la fermeté de la forme, l'un et l'autre affectés des mêmes défauts qu'il trouve à la poésie féminine, et particulièrement à celle de la comtesse de Noailles, rejetée en bloc (c'est très injuste) à cause de « la déplorable inconsistance de ses vers » et de « son complaisant abandon aux plus faciles pâmoisons », ce qui est souvent malheureusement vrai, encore que parmi son déchet il y ait à sauver de très belles pages... Comme tout ce qu'énonce M. Gide est, à sa coutume, très attentivement pesé, nuancé et touché à la plus sensible pierre d'épreuve, il y a lieu de faire état de ses observations, même si l'on a la faiblesse d'aimer malgré tout ce qu'il n'aime pas; et il y a à cela une raison qui pourrait être suffisante, aux yeux mêmes de cet émotif, dans le fait qu'on reste fidèle à ce qui vous a ému, quitte à regretter que la forme n'en soit pas absolument parfaite. Et l'on voit d'ailleurs M. Gide résister à des poètes très parfaits, comme Gérard de Nerval et Gautier, qu'il n'aime pas, comme l'on sait, mais pour des causes différentes : Nerval parce qu'il estime sa perfection trop voulue; Gautier sans doute parce qu'il est trop extérieur. Mais Gautier a parfois devancé Baudelaire, qui lui a rendu un juste hommage, et cela aurait dû retenir un instant au moins M. Gide. Je le dis en passant, chacun restant libre de ses préférences, en poésie surtout, où ce n'est pas seulement la raison qui dicte et commande nos choix, même quand nous les voulons raisonnables.
C'est donc l'art et la qualité qui ont principalement déterminé celui de M. André Gide dans la composition de son Anthologie. Elle pouvait avoir utilement deux cents pages de plus, ce qui eût permis à son collecteur de lui donner un aspect de tableau mieux équilibré, plus complet : celui qu'un autre rassembleur, de grand et délicat savoir, M. Marcel Arland, a si bien réussi dans un florilège analogue (2), sans d'ailleurs aucune concession. Telle quelle pourtant, l'Anthologie d'André Gide mérite l'éloge par l'esprit de revision auquel il a d'abord soumis son propre goût : notamment sur le romantisme. Il n'en aime guère les défauts, l'effusion facile, l'exagération, la redondance rhétoricienne; et toutefois il en prend, avec une intelligence clairvoyante, la défense pour marquer ce qui manquait à la poésie stérilisée de l'école classique quand le romantisme est venu renflouer d'un flot torrentueux le lyrisme; pour marquer aussi ce qui manquerait à la poésie française si, pour satisfaire à l'exigence des iconoclastes, on supprimait l'immense effort de ce romantisme, comme le proposent certains partisans de l'élagage à la Toinette qui préconisait de se couper un bras pour que l'autre devienne plus fort. Je me réjouis beaucoup du grand scandale que M. Gide va causer, et par ce qu'il dit de Victor Hugo dans sa préface, et par la place considérable qu'il lui a donnée dans son choix, où les extraits du vieux maître occupent à eux seuls cinquante-quatre pages. On ne sacrifiera pas le veau gras pour cela : l'enfant prodigue n'est pas venu à résipiscence, et le « Victor Hugo, hélas ! » qui fit jadis tant de tapage, M. Gide ne l'efface pas : il se contente de le nuancer. Il sait tous les péchés de Hugo, sa vie en représentation, son verbalisme, ses outrances; mais, au-dessus de ses faiblesses, il met justement aujourd'hui son génie lyrique, sa maîtrise, son abondance en fait de rythmes, sa richesse d'invention technique et la sûreté de son art... Je m'étonne seulement qu'au lieu de les prélever directement dans l'œuvre immense du poète M. Gide n'ait choisi ses extraits que dans l'édition des Morceaux choisis de chez Delagrave, comme nous l'apprend une note, ce qui limite à la fois la curiosité et la découverte(3). Pour les poètes anciens, Rutebœuf, Villon, Ronsard (celui-ci largement), Desportes, d'Aubigné, Malherbe, sont honorés avec bonheur par des reproductions excellentes, où M. Gide, comme c'est son droit, a fait quelquefois des coupures. Il met notre La Fontaine au premier plan, considérant ses fables comme des poèmes; il va même jusqu'à réimprimer un de ses contes, le Faucon, dont l'élocution est en effet une merveille d'élégance, mais j'aurais préféré une des admirables Elégies, si peu connues. Baudelaire, Mallarmé, Verlaine, Corbière, Rimbaud, Jammes, Toulet et Valéry sont très bien représentés, quoique de ce dernier ne figurent pas dans ce livre ces courts chefs-d'œuvre que sont Sinistre, le Sylphe ou Vin perdu. Les extraits d'Henri de Régnier et de Moréas ne sont pas des meilleurs, ce qui s'explique peut-être par une certaine incompatibilité d'humeur, dont il eût été beau que se fût défait le survivant; et Pierre Louys aussi est scandaleusement absent, dont la remarquable Psyché méritait la citation. Le choix d'Apollinaire est discutable, qui exclut le Pont Mirabeau et la Jolie Rousse : — et Gide ne reproduit pas un vers de Péguy : celui-ci, dit-il en substance, n'ayant pas lui-même choisi dans son système de répétition innombrable... Faut-il signaler d'autres manques ? L'inexplicable absence, par exemple, de la Belle vieille de Maynard ?... Le lecteur en regrettera d'autres. M. Gide ne nous a livré que son choix. Mais à cheval donné on ne regarde pas la bride. Et voilà tout de même un beau livre à recommander : huit cents pages de grands vers français. Dans le présent marasme de la poésie, c'est un vrai cadeau.
1949.

 
1. André GIDE, Anthologie de la poésie française, un vol., Bibliothèque de la Pléiade. (Gallimard.)
2. Anthologie de la poésie française, choix et commentaires de Marcel Arland, un vol., Stock. — Cf. : Sonnets du temps jadis, présentés par Fernand Gregh, un vol., Tiranty ; et Anthologie des poètes français, de Ferdinand Duviard (XVe-XVIe et XVIIIe siècles), Larousse.
3. André Gide, ayant lu cette phrase, m'a écrit que l'indication des Morceaux choisis de Delagrave, comme source de ses références à Hugo, était le fait de son éditeur, auquel il avait négligemment laissé le soin de préciser l'origine de ses citations. Dont acte.
 (Emile Henriot, Courrier Littéraire, XIXe-XXe siècles
Maîtres d'hier et contemporains, t.2, Albin Michel, 1956, Paris)

vendredi 22 juillet 2011

La bibliothèque Gide à Rouen

  (cliquer pour agrandir)

Dans le dernier numéro de Texto, revue d'information des bibliothèques de Rouen, on apprend que le 22 janvier dernier, la seconde partie de la bibliothèque d'André Gide, acquise auprès de Catherine Gide et de sa Fondation, a rejoint la bibliothèque Villon. Voilà qui en fait le second fonds gidien le plus important, après celui de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet. On en attend le catalogue, annoncé dans l'article qui suit, avec impatience...


Cette bibliothèque, quoique légèrement différente de celle qu'André Gide a laissée pour de nombreuses raisons (prêts pour expositions, à des amis, nombreux déménagements), reflète la personnalité de l'écrivain et son rôle central dans les milieux littéraires de la première moitié du 20e siècle. Y figurent en effet de nombreux livres d'auteurs contemporains, envois autographes et éditions originales, parfois émaillés d'une lettre ou d'une facture, certains livres comportant des notes de lecture. Cette bibliothèque comporte par ailleurs la collection complète de la Nouvelle revue française en partie reliée. Gide possédait aussi la collection publiée aux éditions NRF, sur grand papier et numérotée hors commerce, des partitions pour piano, son instrument favori, et des éditons étrangères (anglaises, allemandes, etc.). La bibliothèque contient environ 5000 volumes et apparaît clairement comme sa bibliothèque d'usage. André Gide avait procède en 1925 a une vente de ses livres les plus précieux et avait justifié son choix dans une préface au catalogue de vente. Il y explique : "le goût de la propriété n'a, chez moi, jamais été bien vif". Il ajoute : "Au surplus, peu soigneux, j'ai sans cesse la crainte que les objets que je détiens ainsi ne s'abiment davantage encore si, partant en voyage, je les abandonne longtemps. Projetant une longue absence, j'ai donc pris le parti de me séparer de livres acquis en un temps où j'étais moins sage, que je ne conservais que par faste ; d'autres enfin qui me sont demeures chers entre tous aussi longtemps qu'ils n'éveillaient en moi que des souvenirs d'amitié. J'y ajoute les exemplaires que je m'étais réservés de mes premiers livres, dont les éditions originales sont devenues rares." Ce sont ces livres que l'on peut parfois retrouver en vente dans les réseaux spécialisés. Contrairement à ce que Gide laisse entendre, il prenait soin de sa collection de livres et entretenait une relation privilégiée avec divers relieurs : Champs, Stroobans, Léon Gruel. La publication du catalogue de la bibliothèque suscitera des études qui permettront d'en apprendre davantage sur l'écrivain.

(Texto, n°7, avril, mai, juin 2011)

Il s'agit de la bibliothèque du Vaneau, arrivée à Cabris chez Catherine Gide au terme d'un déménagement difficile (140 caisses) dans une pièce spécialement construite pour l'héberger, et qu'on peut voir dans le film André Gide. Un petit air de famille de Jean-Pierre Prévost (DVD accompagnant le livre André Gide : un album de famille, chez Gallimard). Catherine Gide en tire quelques ouvrages pour la caméra : le Dictionnaire de l'architecture française de Viollet-le-Duc, un exemplaire dédicacé des Jeunes filles, des Essais de Suarès, ou des Songes et les Sorts.



 Catherine Gide et la bibliothèque du Vaneau
(image du film André Gide. Un petit air de famille
de Jean-Pierre Prévost, Gallimard, 2010)

mercredi 20 juillet 2011

A Uzès : exeunt les étiquettes !

Après l'article dans le Canard enchaîné du 6 juillet dernier, le site du Nouvel Obs, sous la plume de Fanny Espargillière, faisait redoubler l'attention autour des tombes Gide à Uzès dans un article reprenant la chronologie des faits et mis en ligne le 16 juillet :




D'écho en écho, le site ActuaLitté reprenait les informations du Canard et du Nouvel Obs dans un autre article paru le 18 juillet :




Tout ce battage médiatique ne semble pas avoir été vain puisque le Midi Libre nous apprend aujourd'hui que non seulement les étiquettes signifiant la procédure de reprise ont enfin été enlevées, mais que d'autres descendants d'Elisabeth, Jean Joseph, Clémence et Tancrède Gide se sont manifestés :




Nous nous réjouissons bien entendu de voir enfin un élu uzétien, en la personne de l'adjoint chargé du patrimoine Thierry de Seguins-Cohorn, prendre conscience du problème d'image donnée par cette affaire et communiquer de façon positive. Nous restons bien entendu mobilisés en attendant de voir ces premières annonces se traduire dans des actes. Et, par dessus tout, pour veiller à ce que la  « restructuration » annoncée du cimetière ne soit pas synonyme de défiguration.


mardi 12 juillet 2011

262 liens

Thèses, études, livres électroniques et articles de revues : ce sont 27 nouveaux documents qui viennent d'être ajoutés à la liste des ressources en ligne, 17 en langue française et 10 en langue anglaise. Voilà qui porte à 262 au total le nombre de liens recensés. Parmi ces nouveaux ajouts citons : Les Deux Patries et La Querelle du peuplier dans l'édition électronique de Maurras.net et l'Association des Amis de la Maison du Chemin de Paradis, l'André Gide de Paul Souday, ou d'intéressants rapprochements d'Olivia Gunn dans un article intitulé «Je ne suis pas de la famille» : Queerness as Exception in Gide's L 'immoraliste and Genet's Journal du Voleur.

lundi 11 juillet 2011

Le conseil municipal d'Uzès ne s'est pas prononcé


Il n'a pas non plus demandé à ce qu'on retire les étiquettes signifiant la procédure de reprise en cours pour les tombes de la famille Gide dans le carré protestant du cimetière d'Uzès. C'est ce qu'on apprend dans l'édition du 6 juillet dernier du Canard Enchaîné :



Dans un article de la semaine dernière, 
Le Canard Enchaîné relance l'affaire des tombes d'Uzès


"Les Gide expulsés d'Uzès ?

A Uzès, il y a un lycée Charles-Gide, une salle du musée baptisée André-Gide, une belle exposition de photos inédites retraçant la vie de la famille Gide commentées par Catherine, la fille d'André, et il y a même un parking Gide. C'est dire si la ville tient à ses Gide. Tancrède, d'abord, qui fut président du tribunal et que son petit-fils André vénérait. Sa grand-mère lui parlait souvent de ce « huguenot austère, entier, très grand, très fort, anguleux, scrupuleux à l'excès, inflexible et poussant la confiance en Dieu jusqu'au sublime ». Et l'oncle d'André, Charles Gide, économiste, fondateur et théoricien du mouvement coopératif en France. « Pour André comme pour Charles, et pour tous les Gide, Uzès fut un refuge spirituel, un haut lieu de l'âme, le Désert enfin, comme le nomment les protestants cévenols », note Daniel Moutote dans « Gide et Uzès » (« Baag », n° 34). Oui, c'est dire si Uzès...
Hélas, dernièrement, un promeneur, Jean-Gabriel Blanc, passant voir sa famille au cimetière protestant, découvre un horrible petit carré de plastique apposé sur trois tombes de la famille Gide, dont celles de Charles et de Tancrède : « Cette tombe fait l'objet d'une procédure de reprise. Merci de contacter la mairie d'urgence. » C'est la procédure qui frappe les tombes à l'abandon, prélude à l'expulsion des cercueils et à la casse. Pourtant, entourées de cyprès, les pierres simples et grises, dépouillées, dans le pur style huguenot, ont tout au plus besoin d'un léger coup de chiffon. Tout
retourné, l'homme fait aussitôt part de ce « sacrilège » aux autorités. Alertée, l'Association des amis d'André Gide tente de faire classer les tombes. En vain. Et, interrogé par « Le Canard », le maire UMP confirme : « En effet, une société privée a été mandatée pour faire le bilan du cimetière et a posé ce papier dessus. »
Et si la mairie entretenait elle-même les tombes ? « Le conseil municipal ne s'est pas encore prononcé », dit l'élu. Son adjoint à la culture, Thierry De Seguins, est plus rassurant : « Nous sommes prêts à envisager le maintien, il est exclu qu'elles soient à l'abandon, j'en fais un cas particulier. » Bravo. Mais, en attendant, on peut toujours admirer les tombes familiales ornées de leur petite pancarte lugubre...
D.S"

(Canard Enchaîné du 6 juillet 2011)


Le Canard commet toutefois deux erreurs :

- la tombe de Charles Gide se trouve à Nîmes et non à Uzès où ce sont les tombes de Tancrède, Clémence son épouse, et de Jean Joseph Etienne Théophile Gide qui sont concernées ;
- ce n'est pas l'Association des Amis d'André Gide qui a demandé le classement des tombes mais elle a été la première à alerter le maire et à proposer d'aider à l'entretien des tombes avec la Fondation Catherine Gide – la procédure de classement a été lancée par le Ministère de la Culture qui a transmis mon courrier d'alerte à la DRAC du Languedoc-Roussillon.

Le refus de protection de la DRAC a été clairement notifié par le conservateur régional des monuments historiques  : « faiblesse de l'intérêt patrimonial et grand nombre de lieux de mémoire de niveau comparable ». A son niveau, une DRAC ne peut prendre une décision qui créerait un précédent et entraînerait pléthore de demandes. Seule une procédure exceptionnelle comme l'intervention directe du ministre de la culture peut être envisagée.

C'est très exactement ce qui s'est passé en 2008 lorsque Christine Albanel a pris une telle décision (et avec quelle rapidité !) pour les tombes de la famille Hugo-Vacquerie dans le petit cimetière normand de Villequier. Avec, il est vrai, le soutien total du maire du village bien conscient, lui, de la richesse de ce patrimoine funéraire et du lien qu'il maintient entre l'œuvre d'Hugo et la commune. A Uzès, doit-on rappeler que ces tombes sont le seul et dernier lien entre André Gide et la ville ?

Revenons maintenant sur le « faible intérêt patrimonial »... Tancrède Gide a joué un rôle non négligeable dans l'histoire locale : juge de paix à Uzès en 1830, puis juge, et à partir de 1839 jusqu'à sa mort en 1867, président du Tribunal d'Uzès. « Au point de vue intellectuel et même au point de vue moral, c'est ton grand-père seul qui nous a fait ce que nous sommes » écrit Charles Gide à son neveu André le 14 janvier 1894.

A ses côtés repose Clémence-Aglaé Granier, épousée le 7 mai 1831 à Nîmes, elle-même issue d'une vieille famille de protestants cévenols qui a donné plusieurs pasteurs dont son neveu, biographe de l'amiral de Coligny. Dans leur maison de la rue Saint-Etienne puis dans leur appartement de l'hôtel de Trinquelague, les Gide recevaient leurs amis : le pasteur Doumergue, directeur de la chaire d'Uzès, le juge Abauzit, parent du philosophe genevois ami de son père, le juge Lavondès...

Et Jean Joseph Etienne Théophile Gide, enterré à leurs côtés ? L'inscription sur la pierre sobre dit : « Ici repose Jean Joseph Théophile Etienne Gide décédé à Uzès le 15 février 1857 dans sa 82e année ». Il est le cousin de Tancrède. Né à Uzès le 22 décembre 1775 où il est également notaire, il épouse le 21 janvier 1797 Magdeleine Tur. Leur fille épousera en secondes noces le baron Adrien-Victor de Feuchères, général de division et député du Gard. Elle est la baronne de Feuchère, la cousine aux fruits confits, qu'André évoque dans Si le grain ne meurt.

Mais Jean Joseph Etienne Théophile Gide relie aussi par ses ascendants Uzès à ses pages d'histoire les plus mouvementées : il est le fils de Joseph Etienne Théophile Gide (grand-oncle de Charles, arrière-grand-oncle d'André, vous suivez ?), que nous appellerons Théophile puisque c'est sous ce prénom qu'il a laissé son empreinte en tant que notaire royal puis président du tribunal d'Uzès lui aussi. Né à Lussan en 1750 il participa à la Révolution à la rédaction des cahiers de doléances en tant que secrétaire de Jean-Paul Rabeau Saint-Etienne, guillotiné en 1793. C'est lui qu'on voit sur le tableau de David aux côtés de Dom Gerle et de l'abbé Grégoire.

Théophile sera lui aussi inquiété par les Jacobins : il part se cacher pendant 18 mois dans une grotte des Concluses, à Lussan, connue aujourd'hui encore sous le nom de « grotte Gide ». Il en ressort avec la chute de Robespierre. On le voit président du directoire départemental de 1795 à 1799, puis président du tribunal d'Uzès sous le Consulat, après avoir cédé sa charge notariale à son fils, Jean Joseph Etienne Théophile Gide. C'est également Théophile qui en 1796 rachète le château de Fan, à Lussan.

Puisque la tombe des parents d'un des économistes français les plus célèbres et remis par l'actualité au devant de la scène pour ses théories sur la coopération, et grands-parents d'un prix Nobel de littérature mondialement connu et étudié n'était pas d'un intérêt culturel et économique suffisant, il faut espérer que cette brève évocation d'une histoire riche et passionnante contribuera à revoir à la hausse le « faible intérêt patrimonial » des tombes Gide d'Uzès.


Tombe de Jean Joseph Etienne Théophile Gide à Uzès

samedi 9 juillet 2011

BAAG n°171

Le Bulletin des Amis d'André Gide, quarante-quatrième année, vol. XXXIX, n° 171 de juillet 2011 vient de paraître. Au sommaire :

André Gide - Edith Wharton : Correspondance (1915-1923) présentée par Jacques Cotnam
Une vingtaine de lettres échangées de 1915 et 1923 entre Gide et l'auteur du best-seller américain The House of Mirth (Chez les heureux du monde, traduit par Charles du Bos pour La Revue de Paris en 1907 et préfacé par Paul Bourget dans l'édition de Plon en 1908). Mais c'est la guerre qui les fera se rencontrer avec la création quasi simultanée de l'American Hostels for Refugees par Edith Wharton et du Foyer Franco-Belge par Du Bos, Gide et la Petite Dame... (J'en profite pour ajouter le lien vers le site consacré à Edith Wharton et à son « Mont » dans la liste « Gide et... ».)

André Gide : « Avoir 80 ans » (retour à l'original)
V.O. retrouvée de l'article « Reflections on being 80 » paru le 3 mars 1951 dans Picture Post, traduit en anglais par Dorothy Bussy. (Une version re-traduite depuis l'anglais par Nicole Ameille avait été donnée dans le BAAG de janvier dernier.)

Pierre Masson : Les Faux-Monnayeurs ou la quête de l'autre
De ce foisonnant roman qui est comme le feu d'artifice de tous les thèmes gidiens, Pierre Masson tire le fil de l'amitié (ce mot y est utilisé 20 fois et plus de 130 fois les mots « ami(e)(s) » nous apprend Pierre Masson). Cet important autrui qui apparaît à la fin des Nourritures ne cessera de prendre de la place dans la vie de Gide, adoptant des formes fluctuantes, de l'ami à l'amant en passant par le faux-ami, le faux-monnayeur... Dans cette première partie étudiant « Gide et l'amitié » et « L'amitié dans l'œuvre de Gide », on trouve aussi des réponses aux malentendus, aux anachronismes moraux que Frank Lestringant sème dans sa biographie.

Justine Legrand : Bien-pensants et mal-pensants dans Le treizième arbre

Robert Levesque : Journal (novembre 1950 – mars 1951)

Les dossiers de presse des livres d'André Gide :
La Symphonie pastorale, VIII (Gaston Sauvebois) — Le Roi Candaule, VI (Lucien Muhlfeld) — Les Caves du Vatican, farce, II (Luc Estang, Raymond Cogniat)

Lecture de A Naples, par Giovanella Fusco Girard

Chronique bibliographique et Varia



Le BAAG est disponible par abonnement et envoyé aux membres de l'Association des Amis d'André Gide.

Abonnement au Bulletin seul (4 numéros/an) : 28€ (abonné étranger : 36€ )
Cotisation annuelle (4 bulletins + cahier annuel) : 39€ (adhérent étranger : 46€)
Plus d'informations sur cette page de Gidiana.

jeudi 7 juillet 2011

Deux balades estivales

Si cet été vos pas vous conduisent dans le nord-ouest de la France, sachez que les propriétaires du manoir de Cuverville ouvrent leurs portes sur rendez-vous. C'est même la première des 10 idées de balades conseillées par le magazine du Conseil général de Seine-Maritime de juillet 2011 :




« Dans La Porte étroite (1909), André Gide a décrit sa maison de Cuvervillle dont les portes ouvrent l'été au public.
Romanesque. Du passage d'André Gide en Normandie, il ne reste que peu de choses. « Mais si vous allez au musée d'Uzès, vous y verrez le bureau de Cuverville ». Propriétaire des lieux depuis quinze ans, Nicolas Chaîne est le gardien de la mémoire de l'écrivain. « Cuverville, située à proximité d'Etretat, était la maison de l'onde maternel, dont hérita la fille Madeleine Rondeaux, cousine et épouse de Gide ». Ce dernier venait régulièrement séjourner ici, rencontrer ses neveux, ses amis, Paul Valéry, Jacques Rivière, et bien sûr écrire. Voilà pourquoi les amateurs de Gide ne manqueront pas d'y faire étape « mais attention, nous ouvrons seulement l'été sur rendez-vous et aux journées du patrimoine ! », précise Nicolas Chaîne. A l'intérieur, aucun mobilier de l'époque de l'écrivain ne subsiste, l'ensemble ayant été dispersé au décès de son épouse En revanche, la maison de 1730 est restée telle qu'elle était; une « grande bâtisse blanche ouvrant une vingtaine de grandes fenêtres » selon les mots de l'écrivain, avec son salon tapissé de boiseries, son bel escalier en fer forgé et son jardin qu'on imagine autrefois plein de vie. Sans oublier tout au fond, découpée dans le mur... la fameuse porte étroite. » (Seine-Maritime Magazine, juillet 2011)

Contrairement à ce que dit cet article, il reste un peu plus que cela à découvrir à Cuverville et dans ses environs. A commencer par les tombes de Madeleine et André Gide, dans le petit cimetière au chevet de l'église du village, puis de là, par les petites routes, la campagne de bois et de champs qui sépare Cuverville d'Etretat.

Mais si vous avez choisi le sud pour passer l'été, c'est en effet à Uzès, au musée Georges Borias, que vous pourrez voir le bureau surélevé que Gide avait fait fabriquer pour pouvoir écrire debout devant la fenêtre du manoir de Cuverville... Le très riche fonds Gide comprend de nombreux portraits, documents, livres et objets. Et même les assiettes de Cuverville !



Sans oublier que jusqu'au 25 septembre, le musée d'Uzès accueille en outre l'exposition « André Gide, un album de famille », de Jean-Pierre Prévost avec le soutien de la Fondation Catherine Gide. La médiathèque se joint à cette manifestation avec la projection de films sur André Gide, du 19 au 30 juillet. Le samedi 3 septembre, elle accueille également une conférence de Jean-Pierre Prévost.

mercredi 6 juillet 2011

Notes sur Chopin, de Pierre Thilloy

Le Festival des Nuits de l'Enclave des Papes qui se déroule du 8 juillet au 15 août à Valréas accueille le compositeur Pierre Thilloy pour une Nuit Musicale le lundi 11 juillet à 21h30 à l'Espace Jean-Baptiste Niel. Déjà à l'occasion du centenaire de la NRF, la Fondation Catherine Gide avait soutenu le jeune compositeur en lui commandant une partition intitulée «Ainsi soit-il ». Toujours soutenu par la Fondation Catherine Gide, il a cette fois composé un quatuor à cordes avec récitant inspiré des Notes sur Chopin, créé le 13 mai 2010 au Grand Théâtre de Bordeaux lors du Festival International « Quatuors à Bordeaux ». C'est cette pièce, entre autres, qu'il donnera lundi à Valréas. 

Programme : 

* Frédéric CHOPIN (1810-1849) Mélodies opus 74 posthume
Extraits (4 mélodies sur 19)
(Version arrangée avec quatuor à cordes par P. Thilloy) ca. 12’00’’
Nul aspect de la production de Frédéric Chopin n’est plus méconnu que ses dix-neuf mélodies pour voix et piano. Il est vrai que Chopin n’avait pas pour dessein de publier ces ouvrages, d’où l’édition posthume par Julien Fontana en 1859 de « 17 chants polonais de l’ami disparu ».
Il est à noter que Chopin n’écrivit que sur des textes d’auteurs de même nationalité que lui.
Ces mélodies furent composées entre 1829 et 1847.

* Pierre THILLOY (1970) « Notes sur Chopin »
Quatuor à cordes n°8 opus 174
Pour quatuor à cordes avec récitant. 27’00’’
~ Commande de la Fondation Catherine Gide ~
Créée le 13 mai 2010 au Grand Théâtre de Bordeaux lors du Festival International « Quatuors à Bordeaux ».
Je ferais un pendant entre cet ouvrage de Gide et celui de Romain Rolland sur Beethoven. Aussi je ne peux que recommander avec toute mon ardeur la lecture des Notes sur Chopin qui m’ont fait découvrir un autre Gide et un autre Frédéric Chopin, bien loin de cette image clinquante que tant en donnent avec une conviction si déroutante…

* Pierre THILLOY (1970) KSIEGI
Pour soprano & quatuor à cordes 12’00’’
~ Commande de son Excellence Monsieur l'Ambassadeur de France en Azerbaïdjan, Monsieur Roland Blatmann ~
En trois mouvements, KSIEGI - Opus 152 respecte pour chacun de ses mouvements une forme en arche, procédant chacune de leur propre structure architecturale mais étant chacune partie d’une macro structure (un pont lui-même constitué de plusieurs ponts en quelques sortes).
Chaque mouvement exprime un élément distinct, émanant directement des poèmes de Mickiewicz et de la volonté de ce dernier d’aborder la notion du « livre » comme la thèse d’un ouvrage universel où chacun pourrait y retrouver sa vérité propre.
C’est cette démarche d’universalité qui retint mon attention, tant dans la base de l’écriture que dans son rendu. Il était nécessaire alors pour moi que cette œuvre soit à la fois un lien entre hier, aujourd’hui et demain, une œuvre où la notion de futur devait s’épanouir uniquement dans celle du respect des traditions… Une utopie en quelque sorte.
Autre difficulté et non des moindres, écrire sur des poèmes en polonais… langue que je ne maîtrise pas, mais il fallait écrire de la même manière que si cette langue était ma langue, voir mieux encore, par respect de cette incursion.
Aussi, le parti pris fût celui d’une certaine simplicité, aussi bien dans la construction que dans l’élocution de l’œuvre. Et si Bach m’a toujours soutenu devant une feuille blanche, Schönberg n’est pas très éloigné, pas plus que les grands modèles polonais tels Szymanowsky ou Lutoslawsky.


Concert de Pierre Thilloy
Lundi 11 juillet - 21h30
Espace Jean-Baptiste Niel à Valréas
Plein tarif : 19 €
Tarif réduit : 16 €
Tarif jeune : 10 €

vendredi 1 juillet 2011

Sur le front éditorial




Les Editions Honoré Champion – dont Jean Pruvost nous racontait l'histoire sur Canal Académie – ont publié le 25 mai dernier les actes du colloque de 2008 du Centre de Recherche Textes et Francophonies de l'Université de Cergy-Pontoise : Écrivains et intellectuels français face au monde arabe, sous la direction de Catherine Mayaux. On y retrouve l'une des deux communications données ce jour-là sur Gide : « André Gide : un itinéraire arabe, de l'immoralisme à la sagesse », par Luc Barbulesco (la seconde était une « Lecture postcoloniale de L'Immoraliste d'André Gide », par Guillaume Bridet).





Catherine Mayaux est également directrice de la collection Littératures de langue française des Editions Peter Lang où vient de paraître le quatorzième volume intitulé L'anthologie d'écrivain comme histoire littéraire. Sous la direction de Didier Alexandre, professeur de littérature française à l'Université Paris Sorbonne, ce recueil s'ouvre par une étude de Michel Murat sur « Les anthologies de la poésie française d'André Gide et de Marcel Arland ».





Sous la couverture des Cahiers Rouges de Grasset reparaissaient en avril dernier les Cahiers 1918-1937 de Harry Kessler (parus en 1972 déjà chez Grasset sous le titre Cahiers du Comte Kessler). L'Express.fr en donnait une critique il y a quelques jours. Présentation de l'éditeur :

Publiés pour la première fois en Allemagne en 1961, Les Cahiers du comte Kessler débutent en 1918 et s’achèvent en 1937. Œuvre d’un diplomate et d’un grand amateur d’art, cet ouvrage constitue un document exceptionnel de l’histoire politique et intellectuelle de l’Allemagne de l’entre-deux guerres. Témoin des dernières heures de la guerre de 1914 et des balbutiements du Reich, fin commentateur politique, Kessler rend également compte de plusieurs de ses entretiens avec nombre d’artistes et de scientifiques célèbres. Ainsi rencontre-t-on Cocteau et Radiguet à Paris lors d’un déjeuner au Bœuf sur le toit, Hofmannsthal à Weimar, Thomas Mann, André Gide et Albert Einstein à Berlin.
A la faveur de ces Carnets, on assiste également aux confessions de Kessler lorsqu’il apprend le décès de la célèbre danseuse Isadora Duncan, ou encore après la mort de son vieil ami Hofmannsthal. Commentateur politique et artistique, Kessler se fait aussi le rapporteur d’anecdotes passionnantes qui ont le charme de l’intimité des grands hommes : Albert Einstein expliquant les raisons qui le poussent à croire en l’existence de dieu lors d’un diner chez Kessler, le désespoir de Stresemann face à la candidature de Hindenburg.
Les Cahiers de celui dont Julien Green disait qu’il avait été cet « allemand d’autrefois, courtois et instruit » révèlent l’horreur et le merveilleux de cette période de l’Histoire où les pires brutes entreprennent la destruction de l’intelligence européenne.

Plusieurs œuvres de Giono reparaissent sous une nouvelle présentation
ou dans une nouvelle édition dans la collection des Cahiers Rouges Grasset


Toujours dans la collection des Cahiers Rouges reparaissent également plusieurs livres de Jean Giono : Que ma joie demeure (nouvelle édition), Un de Baumugnes et Regain (nouvelles présentations), et Le Serpent d’étoiles (nouvelle édition). A cette occasion Grasset publie également un recueil de contes inédits : quatre courts textes sous le titre Le noyau d'abricot et autres contes, dans une veine orientale et chantournée, avec une préface de Mireille Sacotte.