mardi 30 novembre 2010

Maurice de Gandillac à Pontigny

Restons encore un peu à Pontigny avec ces deux pages de l'Yonne Mag signées Nathalie Hadrbolec qui recueillait les souvenirs de Maurice de Gandillac à l'occasion de l'exposition "De Pontigny à Cerisy : un siècle de rencontres intellectuelles" de 2002.



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lundi 29 novembre 2010

Gide-Desjardins : une relation sous-estimée (AG de l'AAG 3/3)

Tout comme la correspondance Gide-Blum, celle échangée entre Gide et Paul Desjardins a été saisie par les Allemands, lorsqu'ils firent main basse sur les archives de l'abbaye de Pontigny. A partir d'une vingtaine de lettres rescapées Pierre Masson proposera l'année prochaine une Correspondance Gide-Desjardins, qui fera l'objet du cahier annuel des Amis d'André Gide à paraître fin 2011.

La correspondance à proprement parler occupera un tiers du livre, et les deux autres tiers seront consacrés plus généralement à la relation de Gide avec Paul Desjardins (et avec les Heurgon qui prolongeront le dialogue). « Une relation qu'on a sous-estimée : il y a une partie « immergée » d'avant les Décades de Pontigny », souligne Pierre Masson. « Né dix ans jour pour jour avant Gide, Desjardins était un aîné proche, un repère intellectuel possible. »

Un exemplaire dédicacé des Cahiers d'André Walter, conservé par la famille Heurgon, témoigne de ce côté « grand-frère en réflexion » que Desjardins aurait pu être pour Gide. Mais dans Le voyage d'Urien le narrateur jette à la rivière Le devoir présent : par ce petit coup de griffe, Gide défend surtout Baudelaire que Desjardins juge dans ce livre d'un effet néfaste, « négatif » sur la société, contre les écrivains « positifs » au rang desquels Sully Prudhomme...

« Dans un deuxième temps, aux environs de 1906, Gide a mûri et est à la recherche d'un classicisme. Des textes de Desjardins comme Sur Poussin et Sur la méthode des classiques
vont marquer le retour de Gide qui lui enverra un tiré à part de son Prodigue et son Dostoïevski », poursuit Pierre Masson. Un « point commun mince » autour duquel s'articule désormais une relation faite d'ententes, de conflits, de méprise parfois.

« Pour Desjardins, l'œuvre doit être moralement impeccable parce qu'elle témoigne d'une vie elle-même impeccable : il va ainsi totalement se méprendre sur La Porte étroite. Et alors qu'il fait figure de représentant de la morale religieuse, Desjardins passe pour un laïc aux yeux des catholiques. Avec Gide il collabore à l'Union pour la Vérité et créé les décades de Pontigny. » C'est en 1906 qu'il a acheté, un an après la séparation de l'Etat et de l'Eglise, l'abbaye cistercienne, et c'est à partir de 1910 qu'il y organise les décades. « En 1911, la droite catholique attaque Desjardins au motif qu'il détourne les biens de l'église ! »

« Avec Desjardins rien n'est jamais simple, son comportement est agaçant car il donne l'impression d'être toujours en représentation », ajoute Pierre Masson. Desjardins doit « faire tourner » l'abbaye. « Il raisonne en hôtelier autant qu'en intellectuel. Il n'a pas de fortune personnelle et doit assurer la rentabilité de Pontigny. » Ainsi à la parution de Corydon, Desjardins est moins effarouché que soucieux de ne pas perdre sa clientèle. Des échanges diplomatiques fort amusants s'engagent : Desjardins voudrait que Gide ne participe qu'à la décade politique et non à celle concernant la morale et la religion...




Pierre Masson a donné un avant-goût de l'étude des rapports
Gide-Desjardins qui paraîtra l'an prochain

jeudi 25 novembre 2010

Signatures de l'album de famille


(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)


Jean-Pierre Prévost sera le jeudi 2 décembre à 19h30 à la Librairie Gallimard du Boulevard Raspail pour une rencontre avec signature autour de André Gide : un album de famille et le vendredi 10 décembre à 18h30 à la librairie L'Arbre à Lettres, toujours pour présenter et dédicacer ce superbe livre accompagné d'un DVD autour des souvenirs de Catherine Gide.

A signaler que Jean-Pierre Prévost a en préparation un prochain film, actuellement au stade du montage, intitulé "Gide chez Mauriac" et qui fait suite au colloque qui s'est tenu à Malagar en octobre dernier. Le film raconte la fameuse visite de Gide à Mauriac en juillet 1939, avec la participation de Jean-Claude Ragot, Pierre Thilloy, Jean Touzot, Martine Sagaert, Peter Schnyder...

Musique, Peinture, Littérature autour d’André Gide



Musique, Peinture, Littérature autour d’André Gide

Journée d’étude organisée par le Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (EA 1002)
le 7 décembre 2010 à la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Salle 218, 29 boulevard Gergovia, Clermont-Ferrand.

Programme : 

9h00 : Accueil des participants

9h15 – Président : Peter Schnyder : 
Éric Lysøe, En guise d’introduction

9h30 : Jean Bollack, Gide, une dialectique dans l’écriture

10h30 – Président : Jean Bollack
Peter Schnyder, Gide et ses peintres
Franck Lestringant, Gide, collectionneur de Walter Sickert

14h00 – Président : Franck Lestringant
Joachim Sistig, La Topographie esthétique de l’univers musical gidien
Yvonne Heckmann, Musiques lues, musiques entendues – facettes du fait musical dans l’œuvre critique et littéraire d’André Gide

15h45 – Président : Joachim Sistig
Aliocha Wald-Lasowski, Gide au piano : le rythme chez Schumann et Chopin
Anne-Sophie Angelo, Le Roman des Faux-monnayeurs : des personnages en mode fugué

mercredi 24 novembre 2010

Gide-Blum : les lettres retrouvées (AG de l'AAAG 2/3)

C'est à la suite de l'assemblée générale des Amis d'André Gide le 20 novembre 2010 à l'Ecole Alsacienne que Pierre Lachasse a donné un aperçu de la prochaine édition de la Correspondance Gide-Blum. Une nouvelle édition alors que la précédente (Léon Blum - André Gide, Correspondance 1890-1951, édition établie, présentée et annotée par Pierre Lachasse, PUL, 2008) date d'il y a deux ans seulement ? Oui, et qui s'explique par de récentes lettres retrouvées...

« En 1940 les Allemands pillent l'appartement de Léon Blum au 25, quai de Bourbon à Paris et ses archives disparaissent. Puis Blum sera arrêté et déporté à Buchenwald. En 1945 l'Armée Rouge prend les archives de Berlin et les rapporte à Moscou. Les lettres de Gide seront retrouvées plus tard par l'un de ses biographes,et transférées en 1996 au Fonds Blum de la Fondation Nationale des Sciences Politiques », rappelle Pierre Lachasse. Ce qui lui a permis de publier dans la précédente édition 57 lettres, 33 de Blum et 24 de Gide, plus le résumé conjectural de 14 lettres fantômes.

« En septembre dernier les Russes ont envoyé de nouveaux documents aux services historiques du Ministère de la Défense, parmi lesquels on a retrouvé de nouvelles lettres qui ont rejoint le Fonds Blum. » La prochaine édition sera enrichie de 29 nouvelles lettres de Gide, soit au total 86 lettres plus 10 conjecturées. Des lettres retrouvées parmi lesquelles Pierre Lachasse donne quatre exemples :

- une lettre de voyage, datée du 7 mars 1896 à Tunis où le couple Gide est en voyage de noces et qui illustre pour Pierre Lachasse la porosité entre les genres de la lettre privée, de la page de journal et du récit de voyage à la façon des Nourritures ;

- une lettre datée du 8 janvier 1898 qui illustre l'amitié Gide-Blum, Gide écrit de Nice et déplore de n'avoir pu y trouver les Blum ;

- une lettre à teneur politique du 14 janvier 1898 dans laquelle Gide s'excuse de n'avoir pas signé une première pétition en faveur de Dreyfus. « Il me déplaisait, protestant, de faire bande avec des protestants », plaide Gide qui assure désormais son ami de son soutien au vu de la tournure des évènements de l'Affaire ;

- une lettre illustrant le Gide critique, datée du 1er mars 1908, dans laquelle Gide demande à Blum de le remplacer dans la critique du roman de Boylesve, Mon amour, au motif que celui fait l'éloge de la monogamie pour la femme et que Blum a traité du sujet avec une bien plus grande libéralité des mœurs dans Du mariage. Gide aime Boylesve mais se refuse comme toujours à faire une critique idéologique et préfère avoir le plaisir de lire ce que Blum dira de Mon amour.

« Ces nouvelles lettres de Gide à Blum, écrites avant la guerre de 14 pour la plupart, permettent de réfléchir à la frontière des genres, à la question complexe des motivations qui poussent Gide à intervenir, au problème de l'intervention chez Gide et au degré d'intimité de Gide avec ses différents correspondants », conclut Pierre Lachasse. La nouvelle mouture de la correspondance Gide-Blum devrait paraître avant l'été 2011 aux Presses Universitaires de Lyon.



Pierre Lachasse reprend la correspondance Gide-Blum
augmentée de 29 lettres rendues en septembre par la Russie



Archives de Moscou vs Caves du Vatican

Le mystère des « archives de Moscou » est également au cœur de la discussion qui suit la présentation de Pierre Lachasse lorsque Michel Drouin fait remarquer : « L'état de conservation de cette correspondance retrouvée est remarquable. D'ailleurs le degré de conservation des archives russes est inouï et il y a de fortes probabilités qu'elles contiennent encore le gros « dossier Gide » constitué lors de son voyage en URSS de 1936. »
« Il y a tout lieu de croire que ce dossier a existé : j'avais fait il y a quelques années une demande à l'attaché culturel, demande qui n'a reçu que des réponses diluées... Il y faudrait du temps et surtout de l'argent, mais c'est une des choses les plus passionnantes qui restent à explorer dans l'univers gidien. »

lundi 22 novembre 2010

A paraître en 2011 (AG de l'AAAG 1/3)

« Le public était peu nombreux, et l’excellence des amis faisait de cette cérémonie banale une cérémonie touchante. »

Pierre Masson ouvre par une allusion au second chapitre de L'Immoraliste l'assemblée générale des Amis d'André Gide. En ce samedi 20 novembre, ils sont une vingtaine seulement dans cette petite salle de l'Ecole Alsacienne autour d'un auteur à l'actualité plus brûlante que le radiateur qui ronronne pour la frime.

Enjambons les bilans, moral par le président Pierre Masson et financier par le trésorier Jean Claude, ils sont bons, et tournons-nous vers l'avenir : « L'actualité gidienne a été prolongée au-delà du centenaire de la NRF, ponctuée d'émissions de radio, de manifestations et de publications. Le centenaire de Gallimard va-t-il prolonger cette actualité ? », s'interroge Pierre Masson.

La liste des titres annoncés pour 2011 laisse croire que Gide sera encore très présent, même sans cela :

- Le Dictionnaire Gide, projet lancé il y a deux ans par Pierre Masson et Jean-Michel Wittman, devrait paraître au second trimestre 2011 chez Garnier. Un « gros livre » de 580 notices !

- De Jean-Michel Wittman toujours, un Gide politique, à partir des Faux-monnayeurs, est attendu chez Garnier.

- Alain Goulet prépare un livre sur Corydon.

- Une biographie de Gide (en deux volumes, le premier serait à paraître au printemps 2011 chez Flammarion) par Franck Lestringant. Ajout du 29/11 : Franck Lestringant co-organise également un colloque "Musique, peinture, littérature autour d'André Gide" le 7 décembre à Clermont-Ferrand, voici ici.

- Une nouvelle édition de la Correspondance Gide-Blum est aussi prévue puisque, comme son auteur Pierre Lachasse l'expliquera après l'assemblée générale, 29 nouvelles lettres de Gide ont été rendues par les autorités russes (L'intervention de Pierre Lachasse est résumée ici).

- Le cahier 2011 des Amis d'André Gide sera quant à lui consacré aux relations entre Gide et Paul Desjardins. C'est Pierre Masson qui en est l'auteur et l'annonce « pour un tiers consacré à leur correspondance, très lacunaire puisque les archives de Pontigny ont été prises par les Allemands, et pour deux tiers aux relations de Gide avec Paul Desjardins, sa fille Anne et son mari Jacques Heurgon » (Le résumé de cette intervention est disponible ici).

Un documentaire autour du Voyage au Congo serait également en préparation, tandis qu'on attend toujours la diffusion des Faux-monnayeurs de Benoît Jacquot sur France 2. Dans une récente déclaration, le réalisateur l'annonçait pour le début 2011. Ajout du 29/11 : Jean-Pierre Prévost annonce également un "Gide chez Mauriac" actuellement au montage, voir ici.

lundi 15 novembre 2010

BAAG n°168

Le Bulletin des Amis d'André Gide d'octobre 2010 vient d'arriver, avec le cahier annuel consacré à la Correspondance Gide-Amrouche (établie par Pierre Masson et Guy Dugas, aux Presses Universitaires de Lyon).

Le BAAG est disponible par abonnement et envoyé aux membres de l'Association des Amis d'André Gide.
Abonnement au Bulletin seul (4 numéros/an) : 28€ (abonné étranger : 36€ )
Cotisation annuelle (4 bulletins + cahier annuel) : 39€ (adhérent étranger : 46€)
Plus d'informations sur cette page de Gidiana.



Au sommaire de ce BAAG n°168 :

- André Gide, être en dialogue. Le corps de l'écriture dans sa permanente résurrection, de Carmen Saggiomo.

- Gide 43-44 ou Du danger de publier son Journal en temps de guerre, de Pierre Masson.
Petit complément qui aide à situer la correspondance Gide-Amrouche, publiée par le même Pierre Masson et Guy Dugas aux PUL : opérations littéraires sur le front intellectuel et manœuvres gidiennes depuis l'Afrique du Nord, agrémentées de lettres inédites.

- La famille Gide n'a pas dit son dernier mot, de Yvonne Gide.
Récit de sa rencontre avec André Gide, avec une introduction généalogique d'Alain Goulet. Yvonne Gide compare très drôlement Gide à Michel Onfray qui dans ses récents livres sur la psychanalyse freudienne et non-freudienne oublie tout de même de citer l'avant-propos de Paludes.

- Une lettre.
Lettre reçue par Catherine Gide qui témoigne de l'importance d'André Gide dans la vie d'un de ses lecteurs.

- Robert Levesque : Journal (septembre - novembre 1949)

- Les Dossiers de presse des livres d'André Gide : La Symphonie pastorale, VII (Serge Demidoff, Harry Morton, Les Treize, Louis-Raymond Lefèvre, Fernand Vandérem, Jean-Jacques Brousson, René Gillouin, Berthelot Brunet, Jacques Patin)

- Chronique bibliographique, chronique de la visite des Amis d'André Gide à La Roque-Baignard en juin 2010, par Pierre Lachasse.

Gide et la musique sur France Culture

L'émission de France Culture "Je l'entends comme je l'aime" recevait hier Eric Marty et Michel Drouin pour évoquer Gide musicien et mélomane, amateur de Chopin, bien entendu... On peut encore écouter l'émission ici.

Présentation du site de France Culture :

"Si André Gide nous semble aujourd'hui comme un monument bien sage de l'histoire littéraire, on oublie qu'il fut la grande référence intellectuelle de la première moitié du XXe siècle. On oublie aussi les multiples dimensions de cette personnalité qui dérangea bien des conformismes littéraires, politiques et sexuels. Parmi ses facettes, le goût pour la musique fut une constante. Gide a été un excellent pianiste et ses réflexions musicologiques mêlent une grande culture aux émotions et elles définissent un certain idéal esthétique. Plus qu'aucun autre compositeur, c'est Chopin qu'il a joué et commenté tout au long de sa vie. Entendre Gide musicien permet de découvrir l'ambition musicale de son œuvre.

Michel Drouin, historien, et petit neveu d'André Gide
Eric Marty, professeur de littérature française à l'université de Paris 7, éditeur du Journal de Gide (La Pléiade) et auteur de Gide, qui êtes-vous?

Vous pourrez entendre au cours de l'émission :

- Prélude n°1 en ut majeur op 28 de Frédéric Chopin, interprété par Alexandre Tharaud
- Choral de César Franck, interprété par Aldo Ciccolini
- Iberia d'Isaac Albeniz, interprété par Alicia de Larrocha
- 1er nocturne de Gabriel Fauré, interprété en studio par Agnès Olier
- Le clavier bien tempéré BWV 848 de Jean-Sébastien Bach, interprété par Sviatoslav Richter"

Emmanuel Carrère n'est pas sûr...

Télérama n° 3174, du 10 novembre 2010, publie un dossier sur le phénomène Houellebecq. Catherine Millet est invitée à donner son avis sur le récipiendaire du prix Goncourt, comme Emmanuel Carrère qui le verrait bien jouer le rôle de "contemporain capital" comme on le disait pour... qui ça déjà ?

dimanche 14 novembre 2010

Camus philosophe




Albert Camus philosophe
: c'est le titre d'une très prometteuse conférence qu'organise l'association "Mai pourquoi ?" le vendredi 19 novembre à 18h30 à Nogent-le-Rotrou, en Eure-et-Loir, avec Eugène Kouchkine, de l'Université d'Amiens et membre de la Société des Etudes Camusiennes. Je vous renvoie au blog de l'association pour plus d'informations.

Albert Camus philosophe, c'est également le sujet sur lequel travaille actuellement Michel Onfray, qui est précisément évoqué dans le BAAG n°68 d'octobre sur lequel je reviendrai demain... Je vous invite aussi à consulter cet ancien billet sur Jules Bloy qui évoque Camus et cet autre à partir du livre Les mythes dans l'œuvre de Camus de Monique Crochet.

Les ressources en ligne (onglet en haut de cette page sous le titre du blog) vous fourniront quant à elles un lien vers une étude de Raymond Gay-Crosier intitulée André Gide et Albert Camus : Rencontres, parue dans Études littéraires, vol. 2, n° 3, 1969, p. 335-346.

samedi 13 novembre 2010

Gay Icon Project à Sheffield

Le Gay Icon Project de l'Université de Sheffield, et qui s'y déroule en novembre et décembre, accueille le professeur David Walker pour une soirée consacrée à André Gide le 8 décembre prochain (la précédente est consacrée à Oscar Wilde). On remarquera que les organisateurs n'ont pas classé la manifestation dans la catégorie « littérature » mais dans « impact social ». 


mardi 9 novembre 2010

Fruits of the Earth

Alan Sheridan (André Gide : a life in présent), et Patrick Pollard (André Gide, Homosexual Moralist) évoquent Les Nourritures terrestres dans l'émission Centurions de BBC Radio 7 diffusée le 4 novembre dernier. Plus que deux jours pour écouter ici leur échange...

vendredi 5 novembre 2010

The Vatican Cellars : un groupe pop anglais

Un flyer très amusant pour la sortie de l'album
"The Same Crooked Worm"

Le nom de ce groupe anglais aura bien entendu retenu notre attention... Ainsi que leur très amusant flyer qui reprend la couverture du "Penguin Modern Classics" de Straight is the gate et The Vatican Cellars dans la traduction anglaise de Dorothy Bussy.

Un album très agréable à écouter, d'une "pop" anglaise très classique, aux arrangements soignés, aux textes plutôt pas bêtes, une voix et un style entre une nonchalance à la Morissey et des échos de Divine Comedy. On peut écouter quelques morceaux sur le Myspace du groupe et télécharger deux titres sur le site wiaiwya.


Lecture à Angers

La bibliothèque municipale d'Angers fête actuellement le bicentenaire de Chopin. Et samedi 27 novembre de 16h15 à 17h15, le comédien Philippe Mathé du Bibliothéâtre lira les premières pages d'une œuvre de Gide (l'œuvre surprise choisie est annoncée à chaque début de l'heure). Je vous recommande d'une façon plus générale les lectures, spectacles grand format et spectacles de poche de cette compagnie.

mercredi 3 novembre 2010

Vente de livres le 9 novembre

Une jolie vente de livres a lieu le mardi 9 novembre à 14h à la salle Rossini, 7, rue Rossini, Paris 9e (exposition le 8 novembre de 10h45 à 18h et le 9 novembre de 10h45 à 12h). Beaucoup de belles éditions bien illustrées et quelques éditions originales dont celle des Faux monnayeurs. Le catalogue complet est disponible ici, d'où je tire quelques descriptifs de lots alléchants :

André GIDE
Les Faux-monnayeurs
(Paris, NRF, 1925).
In-4 - Broché.
Edition originale.
Un des 121 exemplaires réimposés sur papier vergé Lafuma Navarre.
Minimes piqûres à quelques feuillets.


Paul VALERY - [Gio COLUCCI]
Cimetière marin
Editions A l'enseigne de la Trirème - 1945.
In-4 - En feuilles, tirage limité à 160 exemplaires, 1/150 sur pur chiffon non numéroté, chemise, étui, dédicacé pour monsieur Cabrol par l'illustrateur.
Ouvrage illustré de 15 pochoirs en couleurs

Paul VALERY - [Maurice Elie SARTHOU]
Regards sur la mer
Editions Vialetay - Paris, 1966.
In-folio, en feuilles, chemise.
Tirage 151 exemplaires, I / XXV (n° I) sur japon nacré réservé aux collaborateurs.
18 lithographies originales en double page.
Joint deux cartes écrites par Dora Sarthou relatives à l'ouvrage et adressées à Jacques et Jacqueline Vialetay et une grande composition en double page à l'aquarelle et gouache non retenue pour cet ouvrage.
Provenance bibliothèque Vialetay.

LOUYS (Pierre).
Aphrodite, Moeurs antiques.
Paris, A. et F. Ferroud - 1909.
In-4 - Maroquin parme, sur le premier plat encadrement mosaïqué orné de roses, miroir, collier, et peigne décoré, dos orné d'un paon doré, guirlande de fleurs et papillons mosaïqués au second plat, encadrement intérieur avec filet et fleur de lotus aux angles, doublure et gardes de soie brochée
(Flammarion-Vaillant).
43 compositions de Raphaël Colin, dont 5 hors texte, gravées sur bois en couleurs par Ernest Florian.
Tirage à 497 exemplaires, celui-ci sur Japon impérial.
Jolie reliure mosaïquée.

Stéphane MALLARME - [Albert AYME]
L'Après-midi d'un faune.
Aux dépens d'un amateur - 1966.
In-folio, en feuilles, dans son emboîtage d'éditeur orné et signé par Albert Aymé.
Tirage à 60 exemplaires numérotés sur papier pur chiffon.
25 aquarelles et texte en sérigraphie 4 couleurs, 5 gravures originales en relie

mardi 2 novembre 2010

"Edmond m'apporte une paire de sabots neufs"


Il y a quelques semaines Jean-Claude Guédon nous signalait un problème de cahier manquant dans une ancienne édition des Romans et récits de la Pléiade. Ce professeur de littérature comparée à l'Université de Montréal et grand défenseur de la libre diffusion des connaissances scientifiques sur le web se trouve être également l'arrière-petit-fils d'Edmond Guédon, jardinier de Gide à Cuverville.

Jean-Claude Guédon a accepté de partager avec nous une lettre autographe de Gide, adressée à son arrière-grand-mère, épouse d'Edmond Guédon, à l'occasion de la mort de celui-ci. Je le remercie très chaleureusement pour son autorisation de publier cette lettre émouvante, ses encouragements et son combat pour le partage du savoir !

Voici aussi l'occasion de faire revivre cette belle figure au travers du Journal de Gide, et qui donne lieu presque à chaque fois à de remarquables entrées de ce Journal – la taille des espaliers me semble notamment une intéressante parabole botanique dont Gide a le secret et l'épisode du prisonnier Allemand à ranger avec ce que Roger Stéphane nomme « la course à la preuve » du Foyer Franco-Belge dans l'évolution du patriotisme gidien...



 Lettre autographe d'André Gide à la veuve d'Edmond Guédon
(Archives familiales de Jean-Claude Guédon, encore merci à lui !)



« Edmond m'apporte une paire de sabots neufs. Travaillé avec lui à la taille des pruniers. » (Journal, 3 mars 1916)

Edmond, c'est Edmond Guédon, jardinier au château de Cuverville. Une figure qui apparaît à plusieurs reprises dans le Journal, tout comme Louis Mius contre qui Gide peste ce même mois de mars 1916 :

« La taille de nos arbres fruitiers est terriblement en retard; la sève presse. Je m'y suis mis activement et chaque jour y ai passé près de quatre heures. Il me prend contre Mius de grandes rages à découvrir l'absurde disposition des espaliers. Comme il sacrifie tout à l'aspect et que le moindre vide le désoblige, il s'arrange de manière à ramener de n'importe où un rameau, pour suppléer à celui qui manque, et qu'il aurait dû savoir obtenir. Rien ne dira à quelles contorsions acrobatiques, à quelles saugrenues dispositions mes arbres se voyaient obligés par ce pauvre cerveau. Son rêve aurait été d'écrire son nom partout avec des branches; je retrouve sur les espaliers les formes de toutes les lettres de l'alphabet. Et, pour réobtenir aujourd'hui des dispositions un peu rationnelles, il faut oser de vrais saccages, dont les arbres ne se remettront pas de longtemps. » (Journal, 19 mars 1916)

Comment ne pas songer avec cet art de conduire les arbres à l'art qui consiste à amener les esprits à donner ce qu'ils ont de meilleur, quitte à élaguer, à couper dans le vif ? Dans son Anatomie d'André Gide, Roger Bastide l'exprime bien : « André Gide est plus jardinier qu’herboriste, et quand il soigne ses fleurs, c'est encore aux hommes qu’il pense et à la culture des âmes. »

« Il recommence à neiger. Continué néanmoins la taille des arbres, avec Edmond. Je prends à ce travail un intérêt toujours plus vif, à mesure que je sens que je le fais mieux. Je reviens même à certains arbres dont la taille me semblait, à la revoir, insuffisante. Avec quelle attention je vais suivre la pousse du printemps. » (Journal, 26 mars 1916)

Gide a une affection particulière pour Edmond Guédon. Au détour de l'évocation de « D. », un « homme de peine », Gide explique ainsi : « J'avais pour lui cette sorte d'amitié que je n'ai plus, dans tout le pays, que pour notre vieil Edmond […]. » (Journal, 1er août 1930). Il note aussi l'été 1930 :

« J'ai plaisir à causer avec Edmond, notre jardinier; mais il vieillit; il se plaint de douleurs, de démangeaisons, d'insomnies.
– L'appétit ?
Oh ! Ça, l'appétit tient toujours. C'est ce que je répétais au docteur : « Quand je serai mort, je mangerai encore. – Vieux gredin ! » qu'il m'a dit. » (Journal, 21 juillet 1930)

On sait aussi que Madeleine était très attentive aux nombreux jardiniers, hommes de peine, domestiques et fermiers de Cuverville. Edmond l'appelait-il « Madame Gilles » comme Gide s'en amuse parfois chez les autres habitants des environs ? Elle essaie en tout cas de lui remonter le moral :

« Edmond, notre jardinier, a depuis quelque temps mauvais sommeil. Les rhumatismes le font souffrir et on ne sait quelle inquiétude nerveuse, quasi morale, le tient éveillé. Ses nombreux enfants sont pourtant tous en bonne santé, heureux; leurs nouvelles familles prospèrent, lui-même a toujours fait de son mieux; mais cette âme simple et honnête craint toujours d'être au-dessous de sa tâche, d'avoir oublié quelque chose, d'être en reste. Et lorsqu'il s'endort aussitôt, fatigué par sa journée de travail, il se réveille dès avant l'aube, beaucoup trop tôt, se lève, se recouche, s'agite.
– C'est aussi les oiseaux qui me réveillent quand ils commencent à crier, dit-il à ma femme. Celle-ci proteste :
– Mais, Edmond, les oiseaux ne crient pas, les oiseaux chantent. Puis elle ajoute : Et vous ne trouvez pas beau qu'ils soient toujours de bonne humeur ? Alors, lui, l'air bougon :
– Eh bien ! On peut dire qu'ils en ont de la chance, ceux-là ! » (Journal, 1er août 1930)

Toute l'humanité d'Edmond se retrouve dans le fameux épisode du prisonnier allemand qui travaille à Cuverville en octobre 1916. Le sourire d'Edmond et le sourire du prisonnier semblent jeter un pont entre les peuples, un pont par-dessus l'incompréhension de Valentine et toutes les incompréhensions que Gide tâchera plus tard de lever :

« La pluie tombe avec abondance et les gouttières sont encombrées de feuilles mortes. Mais, pour dresser la grande échelle, Edmond avait besoin d'un coup de main. On se décide à appeler à la rescousse le prisonnier unique qui travaille à côté, dans la cour des Freger. Je n'avais fait que l'entrevoir, perché sur un pommier dont il gaulait les pommes. Son aspect et l'expression de son visage m'avaient retenu de lui parler. C'est un Saxon, court et râblé, de 32 ans. Nous apprenons par Valentine, qui a engagé conversation, qu'il est cultivateur et père de trois jeunes garçons.
« Des futurs soldats », m'a-t-il dit tout de suite », ajoutait-elle avec indignation en rapportant ce mot qui semblait sorti de l'histoire romaine. Elle ajoutait : « Jamais un Français n'aurait dit ça. » — Tant pis !
Valentine cherche toujours beaucoup plus à se passionner qu'à s'instruire. Quand on lui demande de quels termes le soldat s'est servi, elle hésite; elle ne sait plus, on en vient à se demander si elle a bien compris.
Donc nous avons été chercher cet homme; qui, dans cette manœuvre difficile et même un peu périlleuse, car l'échelle n'en finit plus, se montre remarquablement adroit et fort. Edmond ne cache pas son épatement. Edmond a cinq fils sous les drapeaux, mais on voit bien tout de même que cet «ennemi» ne lui est nullement antipathique; il me l'exprime dans son langage hésitant, maladroit, confus; on voit qu'il a peur de dire des bêtises, peur de s'exprimer mal; mais pourtant, mis en confiance :
« II est tellement rapide ! Il allait trop vite, même... C'est un cultivateur, à ce qu'on dit... (Un long silence.) Oui; enfin, un homme comme nous. (Nouveau silence; puis, doucement, en souriant, mais tristement et comme tendrement :) Ces gens-là, ils ne demandent pas non plus à mourir... »
Dans la crainte alors qu'Edmond ne s'attendrisse à l'excès, je lui rapporte le mot du Saxon à Valentine; que d'abord il ne comprend pas. J'explique :
« Oui, de futurs soldats. Il veut dire : moi, je suis prisonnier; mais j'ai fait de la graine; j'en ai laissé trois là-bas, qui plus tard pourront me remplacer, me venger. »
Mais, tout en expliquant, je songe au sourire qu'avait cet Allemand tout à l'heure, en nous rendant service, à son regard — un sourire si enfantin, un regard si limpide — que je doute décidément si Valentine l'a bien compris. » (Journal, 28 octobre 1916)

En 1949, alors que Cuverville est désormais bien loin, Gide continue d'adresser ses vœux à la famille Guédon (le Robert mentionné dans la lettre est l'un des fils d'Edmond). Il apprend en ce début janvier la mort de son vieux jardinier et adresse à sa veuve le billet suivant (transcription de l'image plus haut)  :

«                                    12 janvier 49,

Les souhaits et les vœux que j'envoyais 
hier à Robert vont donc arriver trop tard :
le triste faire-part que je reçois ce matin
me l'apprend. La mort d'Edmond Guedon
m'émeut profondément : l'estime et 
l'affection que j'avais pour lui depuis 
ma première enfance n'avaient fait que
grandir avec l'âge et c'est de tout
cœur que je m'associe à votre deuil.
Avec mes sentiments fidèles 
et du fond du passé

                                       André Gide. »