




" Près de Salerne, quittant la côte, nous avions gagné Ravello. Là, l’air plus vif, l’attrait des rocs pleins de retraits et de surprises, la profondeur inconnue des vallons, aidant à ma force, à ma joie, favorisèrent mon élan." (André Gide, L'Immoraliste, Folio n°229, p.64)
Le "baptême de Ravello" évoqué par Pierre Masson et Emilia Surmonte n'est pas que symbolique :
"Nous demeurâmes à Ravello quinze jours ; chaque matin je retournais vers ces rochers, faisais ma cure. Bientôt l’excès de vêtement dont je me recouvrais encore devint gênant et superflu; mon épiderme tonifié cessa de transpirer sans cesse et sut se protéger par sa propre chaleur.
Le matin d’un des derniers jours (nous étions au milieu d’avril), j’osai plus. Dans une anfractuosité des rochers dont je parle, une source claire coulait. Elle retombait ici même en cascade, assez peu abondante, il est vrai, mais elle avait creusé sous la cascade un bassin plus profond où l’eau très pure s’attardait. Par trois fois j’y étais venu, m’étais penché, m’étais étendu sur la berge, plein de soif et plein de désirs ; j’avais contemplé longuement le fond de roc poli, où l’on ne découvrait pas une salissure, pas une herbe, où le soleil, en vibrant et en se diaprant, pénétrait. Ce quatrième jour, j’avançai, résolu d’avance, jusqu’à l’eau plus claire que jamais, et, sans plus réfléchir, m’y plongeai d’un coup tout entier. Vite transi, je quittai l’eau, m’étendis sur l’herbe, au soleil. Là des menthes croissaient, odorantes ; j’en cueillis, j’en froissai les feuilles, j’en frottai tout mon corps humide, mais brûlant. Je me regardai longuement, sans plus de honte aucune, avec joie. Je me trouvais, non pas robuste encore, mais pouvant l’être, harmonieux, sensuel, presque beau." (André Gide, L'Immoraliste, Folio n°229, pp.67-68)

L’ombre était si dense, sous eux, que je n’osais m’y arrêter après la marche qui me faisait encore transpirer. Pourtant les escaliers ne m’exténuaient plus ; je m’exerçais à les gravir la bouche close; j’espaçais toujours plus mes haltes, me disais : j’irai jusque-là sans faiblir ; puis, arrivé au but, trouvant dans mon orgueil content ma récompense, je respirais longuement, puissamment, et de façon qu’il me semblât sentir l’air pénétrer plus efficacement ma poitrine. Je reportais à tous ces soins du corps mon assiduité de naguère. Je progressais.
Je m’étonnais parfois que ma santé revînt si vite. J’en arrivais à croire que je m’étais d’abord exagéré la gravité de mon état ; à douter que j’eusse été très malade, à rire de mon sang craché, à regretter que ma guérison ne fût pas demeurée plus ardue." (André Gide, L'Immoraliste, pp.64-66)

Il voyage alors à travers l'Italie en compagnie de sa mère, Lily, qui note que son fils retrouve la santé à Ravello et y est "étonnamment et étrangement plus calme". Il y retrouve aussi l'inspiration devant les paysages et se souvient comment The story of a panic est venue à lui : "Je pense que c'est en mai 1902 que j'ai fait une promenade autour de Ravello, je me suis assis dans une vallée à quelques miles du village, et le premier chapitre de l'histoire a foncé dans mon esprit comme s'il m'attendait là. Je l'ai reçu comme une entité et l'ai écrit d'un trait aussitôt de retour à l'hôtel." (E.M. Forster : a life, de Nicola Beauman, Knopf, 1994)
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