mercredi 3 septembre 2008

Lieux gidiens : le Sud

Le Sud attire Gide, toute sa vie. Né à Paris, en terrain neutre, il a pour moitié dans ses veines l'humide Normandie maternelle et pour moitié le lumineux Languedoc paternel, comme il aime d'ailleurs à le rappeler pour expliquer ses contradictions. Les voyages en Afrique du Nord ont d'ailleurs ce but "thérapeutique", à la manière de la médecine chinoise, de "réchauffer" les humeurs gidiennes, jusqu'à les embraser...

Gide passera aussi beaucoup de temps dans le Sud de la France, toujours au motif de fuir le froid et les maladies. Au motif aussi d'y rejoindre ses amis, d'y travailler dans un climat meilleur. D'ailleurs à la naissance de sa fille Catherine, il apprécie pouvoir se rendre auprès de l'enfant et de sa mère, Elisabeth van Rysselberghe, installées à la Bastide Franco, à Brignoles dans le Var : le climat est une raison suffisante "aux yeux de Cuverville" (i.e. Madeleine, son épouse de la brumeuse Normandie) pour justifier le voyage.

Nombreux sont les proches qui lui offrent refuge dans le Sud de la France dont les van Rysselberghe à Saint-Clair au Lavandou où le peintre Théo pose son chevalet en 1911, Elisabeth à la Bastide Franco dont la direction lui a été confiée par Emile Mayrisch et aux Audides à Cabris. Ou encore les Mayrisch eux-mêmes à la villa La Malbuisson à Bormes-les-Mimosas, construite en 1915, puis à la Messuguière à Cabris où Aline Mayrisch retrouve son amie de toujours Maria van Rysselberghe.

Ou encore à Hyères à la Villa Noailles : "Gymnastique, natation dans une assez vaste piscine, jeux nouveaux, dont je ne sais les noms, avec volants, balles, ballons de toutes tailles – un surtout, que nous jouons à quatre (le très agréable professeur de gymnastique, Noailles, Marc et moi) avec un ballon de médiocre grosseur qu'il s'agit de point laisser retomber en deça d'un filet haut tendu qui départage les deux camps. On joue à peu près nus, puis, en moiteur, on court se plonger dans l'eau tiède de la piscine."

Ce Gide en sueur, presque nu, jouant au volley-ball à soixante-et-un ans (nous sommes le 3 janvier 1930), c'est celui du Sud. Et il s'en faudrait de quelques degrés de latitude sud supplémentaire pour jouer à d'autres jeux : "Je voudrais oublier tout; vivre un long temps parmi des nègres nus, des gens dont je ne saurais pas la langue et qui ne sauraient pas qui je suis; et forniquer sauvagement, silencieusement, la nuit, avec n'importe qui sur le sable...", implore-t-il le 13 mai 1937 à Cuverville.

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