De nombreux documents et lettres de
Marc Allégret passent aux enchères mercredi 17 décembre à la
vente Alde de Lettres & Manuscrits Autographes. On trouvera
notamment son projet de film tiré des Faux-monnayeurs, ainsi que de
nombreuses lettres, pour partie d'ordre professionnel, mais aussi
d'ordre privé, ces dernières regroupées en un lot au joli titre : « Plus de 265
lettres de jeunes femmes, la plupart L.A.S., adressées à Marc
Allégret, 1917-1973 ».
Ces documents ne semblent pas avoir été
présentés lors de la vente des Archives Marc Allégret, en décembre
2007.
Lot 6
Marc Allégret (1900-1973) cinéaste.
Manuscrit autographe, Les Faux-Monnayeurs, 1965 ; environ 340 pages
in-4 en feuilles sous chemise dos toilé et étui.
Projet d’adaptation cinématographique
inachevé du célèbre roman d’André Gide, paru en 1925. Roger
Vadim, déjà producteur de plusieurs réalisations d’Allégret,
soutenait ce film. Récit difficile à porter à l’écran,
notamment en raison des différents points de vue et genres
narratifs, le projet fut finalement abandonné vers 1966. Si le
scénario ne présente pas une continuité, et est resté inachevé,
il nous permet néanmoins de constater que la trame narrative du
livre a été conservée, et que Marc Allégret (modèle d’Olivier)
a beaucoup travaillé à cette adaptation. Au manuscrit de premier
jet, abondamment corrigé et augmenté, s’ajoutent des notes de
travail. Les Faux-Monnayeurs, début du scénario (97 p., pag. 1-92
avec ff. ajoutés).
Découpage détaillé, avec dialogues,
indications scéniques, didascalies et voix-off. Le manuscrit est
rédigé au recto de feuillets de papier quadrillé à grands
carreaux perforés, écrit à l’encre noire avec quelques pages au
stylo bleu ou rouge ; de nombreuses corrections sont portées au
stylo rouge. Ce premier jet présente des ratures, des suppressions,
des additions interlinéaires ou dans la marge, des indications pour
la dactylographie. Le scénario s’ouvre à Paris avec (p. 1-12)
l’apparition d’Édouard et sa rencontre avec le jeune Georges,
qu’il surprend en train de voler un ouvrage sur l’étal d’un
bouquiniste. Le journal manuscrit que Georges a laissé tomber
intrigue Édouard, lui-même écrivain. Le jeune homme se trouve être
son neveu, le fils de sa demi-sœur Pauline, chez laquelle il se rend
immédiatement. Il y croise le mari Oscar Molinier, et Olivier, un
autre de ses fils. Le générique intervient après ces premières
séquences. Une scène au Palais de Justice introduit Molinier,
présidant une audience de la Chambre correctionnelle, et le juge
d’instruction Albéric Profitendieu. Il est question d’une
affaire de prostitution de mineurs (p. 13-16)... Le jeune Bernard
Profitendieu, chez lui, écrit une lettre à Albéric, après avoir
découvert que l’homme qui l’élève n’est pas son vrai père.
Il s’enfuit du domicile familial (p. 17-22)... Bernard et Olivier,
camarades de lycée, se retrouvent au Luxembourg, le premier
souhaitant se faire héberger temporairement chez le second (p.
23-24)... Albéric Profitendieu découvre la lettre de son fils
adoptif – introduction de Cécile et Caloub, demi-sœur et
demi-frère de Bernard (p. 25-32).
Olivier, accueille Bernard chez lui le
soir. Les deux jeunes évoquent sa récente découverte et son avenir
hors de son foyer. Ils entendent Vincent, le frère d’Olivier,
sortir et pensent qu’il rejoint une maîtresse (p. 33-40).
Vincent a en fait accepté de donner
des soins au père âgé du comte de Passavant, chez lequel il se
rend. Il apprend que le vieil homme est décédé. Il est également
question d’une soirée que les deux hommes ont passée dans un
cercle de jeux, durant laquelle Vincent a perdu beaucoup d’argent
(p. 41-45).
scène entre Bernard et Olivier. Ce
dernier compte aller chercher à la gare son oncle Édouard, qui
arrive de Londres le lendemain. Il évoque l’affection qu’il
porte à son oncle et leur commune aspiration à écrire (p. 46-48).
Flash back dans le cercle de jeux et
introduction du personnage de Lady Lilian Griffith, riche américaine
(p. 49-56).
Bernard quitte la chambre d’Olivier à
l’aube pour se rendre à la gare (p. 57-60).
On suit le parcours en train d’Édouard,
de la gare maritime de Dieppe à Paris, travaillant à son journal.
Commentaire de l’auteur : Les Faux-Monnayeurs, est-ce un bon titre
? Édouard n’en est pas sûr. C’est le roman auquel il pense sans
cesse et depuis longtemps. Il n’en a pas encore écrit une ligne,
mais il transcrit ses notes, ses réflexions sur ce carnet (p. 61
A-E).
Flash back introduisant Laura. On
comprend que le retour d’Édouard est lié à une lettre qu’il a
reçue (p. A-C).
Gare Saint-Lazare, Olivier retrouve
l’oncle Édouard sur le quai – Bernard assiste discrètement à
la scène, la tension est palpable : Le jeu des acteurs peut mieux
que toute autre chose faire ressortir ces nuances fugitives, ces
gestes amorcés et retenus, les mots qui viennent à la place
d’autres qu’on n’ose pas dire – enfin tout ce qui crée ces
situations tendues faites de touches, d’impressions presque
inexprimables et que le cinéma peut restituer à merveille ...
Tandis que les deux hommes vont prendre un café, Bernard subtilise
la valise d’Édouard à la consigne de la gare (p. 65-73).
Dans le métro, Bernard ouvre la
valise, trouve le journal d’Édouard et en débute la lecture,
captivante. Le journal est lu en voix-off ; Édouard relate son
mariage avec Laura (p. 74-90)... Au fil des dernières pages, la
lecture du scénario est plus chaotique, avec de nombreuses
modifications et parties supprimées. Les Faux-Monnayeurs,
Construction détaillée et dialogues provisoires, 15 août 1965
([2]-6 p. A-F).
Indication : Tous les dialogues sont
là à titre indicatif du sens des scènes. Ils doivent être
réécrits tant pour leur forme que pour leur longueur ... La scène
concernée est celle de la lecture du journal d’Édouard par
Bernard. Les manuscrits de plusieurs scènes, reprises par l’auteur,
sont joints au dossier. La plupart rédigés au stylo bleu ou noir
(titres en rouges), sur papier blanc, ils comportent de nombreuses
corrections, ratures, aaddits. On peut y lire, souvent en première
page, des commentaires d’appréciation de l’auteur ( bon , vu ),
ainsi que des indications relatives à la mise au net ( fait , tapé
, copié et arrangé , pages refaites , à la dactylographie ;
les pages concernées ont pour la plupart été biffées).
Fin (3 p. A-C).
Scène finale entre Olivier et Édouard,
dans l’appartement de ce dernier. Bernard, prévenu par son frère
Caloub que son père adoptif allait mal, vient avec lui chercher sa
valise. S’adressant à Édouard: Vous aviez raison, ma place est
auprès de lui . Olivier à Édouard : Mais alors ce sera un livre
très moral Les Faux Monnayeurs. Je suis sûr que ça t’étonnera
toi-même ... La scène se termine soudainement lorsqu’Édouard se
tourne vers Caloub pour lui demander son nom... Extérieur et
vestibule Molinier (6 p. A-D).
Mort de Bronja – La Machination (9
p.).
Fin La Pérouse Édouard (2 p. A-B).
Bernard passe son bachot – L’ange
(10 p.).
Édouard et Bernard après le bachot
(11 p. ?-?).
Le Banquet (18 p. A-Q).
Gare St Lazare (13 p. A-L).
Flash back journal Édouard (6 p.).
Gare de Dieppe Maritime (6 p.).
Chambre d’hôtel Laura (3 p.).
Chambre d’Olivier Molinier (3 p.).
Notes pour le train Édouard (3 p.).
Avant fin de la lecture du journal
d’Ed. par Bernard (4 p. A-D).
2e partie. Premières notes (29 p.).
3e Partie (103 p.).
Plus un extrait de scène avec
dialogues et indications diverses (7 p.).
Estimation : 1 500 € / 2 000 €
Lot 7
[Marc ALLÉGRET]. Environ 200 lettres
ou pièces, la plupart L.A.S., adressées à Marc Allégret,
1921-1971.
Maurice Aubergé, Arnold Bennett (2,
1927, dont une à propos de ses projets d’écriture, et faisant
allusion au Congo de Gide), Christian Bérard (de Londres lors de la
Cochran’1930 Revue, avec petit dessin), Bernard Blier, Marie
Dormoy, Dominique Drouin (2, parlant de l’oncle André ), Sir John
Ellerman (11, dont une à Gide, plus 7 de son fils John et 8 de sa
fille Annie, dont 6 signées de son nom de plume Bryher ), Bernard
Faÿ (4, avec allusions au voyage au Congo), Emmanuel Faÿ (7), André
Gide (protestation dactyl. contre un livre de Maurice Bedel, avec
addition autographe), Samuel Goldwyn (3, 1946), Daniel Guérin (1926,
vive admiration pour Si le grain ne meurt), Jacqueline Huet (2), Yves
Jamiaque (3), Renaud Lambert, Henry Lemarchand, Édouard Maurel (avec
dessins), Charles de Noailles (4), René de Obaldia, Vladimir Pozner
(5, sur leur collaboration, 1947 et 1960), Hans Wilhelm (de la
Metro-Goldwyn-Mayer, à propos du petit Sébastien Alexandre), etc.
Plus un petit lot de dessins et croquis attribués à Gaston Bonheur,
Édouard Maurel, Roger Vadim, etc.
Estimation : 800 € / 1 000 €
Lot 8
[Marc ALLÉGRET]. Plus de 265 lettres
de jeunes femmes, la plupart L.A.S., adressées à Marc Allégret,
1917-1973.
Correspondances amicales ou amoureuses.
De nombreuses jeunes actrices se tournent vers Marc Allégret pour
obtenir des recommandations ou de petits rôles de figuration, des
conseils sur le métier, parfois des aides matérielles... Seules
quelques-unes d’entre elles feront carrière. Des photographies ont
souvent été jointes aux envois. La plus grande partie des échanges
est constituée de déclarations d’amour de jeunes femmes,
généralement éconduites ou déçues après une brève liaison.
Quelques minutes et réponses de Marc Allégret complètent les
dossiers. Lettres de Sara Breitenstein (10), amie des frères
Allégret, Marc et André, et d’André Gide (fille du pasteur chez
lequel Marc et Gide séjournent lors de leur passage en suisse à
Genève en 1917, elle aurait inspiré le personnage de Sarah Vedel
dans Les Faux-monnayeurs).
Un temps engagée avec André Allégret
(il aurait été question de fiançailles), elle fut un motif de
jalousie entre les deux frères... 13 août 1917. Navrée qu’il ait
pu la croire beaucoup plus liée à André que ce qu’elle n’est
en réalité : Mais je voudrais que nous soyons amis à 3. Et André
n’a pas eu de peine à le comprendre – je crois ... 28 janvier
1918, quelques temps avant l’escapade de Gide et Allégret en
Angleterre : Oh, petit tendre, ne pourras-tu pas venir un jour ou
deux, cet été ou n’importe-quand-bientôt ! Tu ne peux t’imaginer
ce que je me sens loin de vous deux malgré notre grande affection.
Il faut absolument que tu viennes avant d’aller en Angleterre.
C’est impossible que nous restions si longtemps sans nous voir.
Puisqu’André ne peut pas venir, lui, et que toi tu pourrais un peu
plus facilement, il faut que tu viennes. Est-ce que tu t’imagines
partant en Angleterre et puis après au front sans être revenu à
Rosemont ! [...] Et puis, à moins que cela soit indiscret,
j’aimerais tant que tu me parles d’oncle André [Gide] – je le
connais si peu ... – tu crois que mon affection pour A. a
augmenté, elle a diminué pour toi, mais, mon chéri, comme tu te
trompes. Tu es mon petit tendre rien qu’à moi, et toi seul – et
l’affection que j’ai pour toi, elle est toute différente de
celle pour A. et en rien comparable ... Correspondance affectueuse et
amoureuse avec Bronja Perlmutter (maîtresse de Raymond Radiguet,
puis épouse de René Clair) : 36 lettres de Bronja (plus 2 lettres
de sa sœur Tylia), 1922-1924 et s.d., et 21 lettres de Marc Allégret
à Bronja (et 12 négatifs photogr.).
Importante correspondance de Colette
Richard (56 lettres, 1943-1944), qui tourna dans Les Petites du Quai
aux fleurs, Lunegarde, deux films évoqués dans ces lettres, puis
dans Un drôle de dimanche... Si certains courriers sont enjoués
lorsqu’elle reçoit des nouvelles de M. Allégret, la plupart le
réprimandent pour son silence, son indifférence et ses multiples
conquêtes... Vous avez rencontré beaucoup de filles dans votre vie
et vous en rencontrerez encore beaucoup. Mais aucune ne vous aime, ou
ne vous aimera aussi simplement et aussi sincèrement que moi. Je ne
vous aime pas parce que vous êtes Marc Allégret le metteur en
scène, l’homme célèbre et connu, je vous aime pour vous, pour
vous seul, et vous auriez autant compté dans ma vie si vous aviez
été n’importe qui. Et ça me dégoûte quand je pense aux filles
qui vous font des sourires en pensant à un rôle futur [...]. C’est
navrant, mais c’est la vie ... Plus une lettre dactylographiée de
Marc au début de leur relation : Je t’aime beaucoup c’est bien
ennuyeux pour toi mais c’est comme ça il n’y a rien à faire je
t’embrasse très fort encore plus fort moi aussi à perdre haleine
... On trouve également des correspondances d’Yvonne Couve (20,
1926-1928, plus 3 brouillons de réponse de Marc Allégret mettant au
clair les termes de leur relation), Denise David (7, 1943-1944), la
danseuse Roussia Del Vardy (5, 1936-1940, et cahier manuscrit),
Josette Fleitoux (5, et cahier manuscrit), Michèle Galand (8,
1943-1944, évoquant notamment son rôle dans Béatrice devant le
désir, film de Jean de Marguerat), Jacqueline Huet (3), Louisette
Laguilhon (85, 1972-1973), Armelle Lee Hoo (14, février-juin 1944),
Katia Tolstoï (8, janvier-avril 1947, et 1 de 1963 comme Mme Armand
Lanoux), etc. D’autres lettres de femmes dont on ne connaît que le
prénom, telle Joyce, jeune femme rencontrée en Angleterre lors du
séjour avec Gide (12, 1925), Josiane (avec un manuscrit Récit de
Josiane, 1970), Kristobine, Lily, Nicole, Sara, etc.
Estimation : 500 € / 700 €
Mercredi 17 décembre 2014 - 14h
Lettres & Manuscrits Autographes
Salle Rossini - 7, rue Rossini 75009
Paris
Exposition privée chez l'expert
Uniquement sur rendez-vous préalable
Exposition publique
à la Salle Rossini
le mercredi 17 décembre de 10 heures à
midi