Je découvre sur un site consacré aux frères Goncourt un article d'Alain Barbier Sainte Marie* qui analyse les lectures gidiennes des Goncourt par le petit bout de la lorgnette : "André Gide avait lu les Goncourt. Nous avons une liste des livres d'eux par lui possédés grâce au Catalogue de livres et manuscrits, édité par Edouard Champion, en 1925, à l'occasion de la vente à Drouot, les 27 et 28 avril de cette année, de «la bibliothèque de M. André Gide»."
Rien d'étonnant en effet de trouver "seize titres" des Goncourt dans le catalogue de la célèbre vente qui eut lieu à la salle 8 de l'Hôtel Drouot ces 27 et 28 avril 1925. Mais on aurait pu relever des appréciations plus documentées dans le Journal de Gide, de la consternation de Blanche notée le 19 janvier 1902 au conseil tiré du contre-exemple des Goncourt dans les Feuillets de 1921. Et j'en passe...
Surtout on ne peut laisser passer cette assertion : "Pourquoi cette vente par un lecteur aussi exercé et aussi amoureux des belles éditions, comme en témoignent l'abondance et la qualité des ouvrages reliés, livres avec envoi, et sur grand papier ? Parce qu'il avait besoin d'argent, sans aucun doute. Le 14 juillet suivant, il partirait pour le Congo, en compagnie du cinéaste Marc Allégret. [...] Les deux vacations à Drouot ont rapporté une belle somme à Gide : 121 692 fr. en 1925. De quoi faire un beau voyage…"
"André Gide vend ses livres. Cela peut arriver à tout le monde, même – où surtout par le temps qui court – à un homme de lettres. L'homme de lettres est généralement imprévoyant, mauvais administrateur de ses deniers, et d'ailleurs sujet à d'étranges vicissitudes : il peut gagner une fois cent mille francs, ou davantage, et dix-huit cents francs l'année suivante. [...] D'autre part il est souvent fantaisiste, capricieux et pourrait chercher de l'argent tout simplement de l'argent pour acheter autre chose. On en découvrirait même par hasard un ou deux qui appartiennent à la catégorie des bibliophiles spéculateurs [...].
Au surplus, aucun de ces cas n'est celui d'André Gide, qui ne vend qu'une partie de sa bibliothèque, et pour des raisons très particulières, telles qu'on les pouvait attendre de cet esprit subtil." Paul Souday, dans Le Temps du 10 avril 1925, n'épargne pas André Gide : il y a pour lui pire que la cupidité qui n'a rien à voir dans cette affaire...
La question de l'argent nécessaire pour le voyage au Congo n'était en effet pas l'essentiel, ou si elle l'était, elle n'avait nullement besoin de la préface que fit Gide au catalogue de la vente. "L'amitié à l'encan" ou "A. Gide et son vilain geste" titre le Journal Littéraire. Gide qualifie lui même, dans les entretiens avec Jean Amrouche, la première préface de "jeu de massacre". La seconde, qui sera publiée, est donc atténuée.
Gide n'en dit pas moins les raisons qui le poussent à se séparer de quelques-uns de ses livres : c'est que leurs auteurs se sont auparavant séparés de lui. Il ne coupe pas les pages dédicacées pour bien montrer les éloges et témoignages d'amitié de ceux qui aujourd'hui l'ont renié ou le critiquent : Pierre Louÿs, l'ami de jeunesse, Francis Jammes, retourné à la religion, Albert Samain, critique enthousiaste des Nourritures, Maeterlinck...
Aux côtés de l'Anti-Corydon, dédicacé mais non coupé, on trouve aussi quantité de belles éditions, "livres qui ne me font souvenir que d'une crise de bibliomanie, dont je suis fort heureusement guéri", répond Gide à Paul Souday dans le Temps du 17 avril 1925. Il poursuit : "Vous le savez du reste et l'avez dit : l'amour de la littérature n'a que très peu de choses à voir avec celui des livres. Dans l'édition à 1 fr. 20, où je la relis à présent, que j'emporte avec moi en promenade et couvre de coups de crayon, l'Education Sentimentale ne me paraît pas moins admirable que dans cette première édition dont je me sépare et que je crois bien n'avoir jamais ouverte."
Cet esprit de détachement ménalquien s'explique aussi par plusieurs évènements : le Voyage au Congo sera une expédition difficile dont beaucoup ne reviennent pas. Gide a alors 55 ans. Fin 1924, il est opéré de l'appendicite et, convaincu qu'il pourrait ne pas s'en réveiller, rédige son testament par lettre à Roger Martin du Gard qu'il fait exécuteur testamentaire avec Jean Schlumberger. Il prend notamment des dispositions pour Elisabeth et leur fille Catherine. L'opération se passe bien mais sitôt après meurt Jean Rivière et s'en ensuit une tentative de récupération de l'écrivain par les catholiques, menée par sa propre épouse Isabelle Rivière.
Soucieux de sa figure, de ce qui restera de Gide après Gide, la vente de sa bibliothèque est pour lui une manière de "mise au net" : il l'expurge des amis anciens, des ennemis nouveaux, des volumes trop fastueux qui ne lui correspondent plus tout comme des auteurs qui ne correspondent plus à ses lectures actuelles.
On voit bien que le besoin d'argent (Gide n'a jamais eu à proprement parler "besoin d'argent") n'est qu'une motivation mineure de la vente. Il y a fort à parier d'ailleurs qu'une partie de la somme récoltée fut destinée à assurer l'avenir de sa fille Catherine. Avant de partir pour le Congo, Gide cède les droits des Faux-Monnayeurs qu'il vient d'achever à Elisabeth. Il vend à un collectionneur le manuscrit original : 16 000 francs qui serviront à acheter une auto à Elisabeth.
Alors qu'un collectionneur propose de racheter l'ensemble de la bibliothèque d'une seule pièce, Gide doit en faire l'estimation : 125 000 francs. La Petite Dame rapporte : "Elle a rapporté 123 000 francs. C'était vraiment se tromper de bien peu. Il s'était amusé à deviner ce que se vendrait chacun des livres ; c'est ainsi qu'il avait obtenu son total. Il avait estimé certains trop haut et tous les siens trop bas."**
Ce sont en effet les livres de Gide qui vont faire les meilleures enchères avec Leaves of Grass, de Walt Whitman. Faut-il y voir une façon pour Gide de savoir "ce qu'il vaut" ? Une autre motivation souterraine de cette vente ? Ce n'est pas exclu car il y a là une façon d'amusement tout gidien. L'amusement ! Comme souvent la Petite Dame est celle qui, connaissant le mieux son grand homme, aura le dernier mot :
"Il lit encore pour moi la préface au catalogue de le vente de ses livres ; c'est la deuxième version. La première, qu'il lit aussi et que Martin du Gard fit annuler, est un véritable jeu de massacre : à chacun des anciens amis dont il vend les oeuvres, il dit brutalement pourquoi. Evidemment, c'est une agression assez intempestive, qui risquait de le montrer plus rancunier qu'il ne l'est au fond, mais ça avait une allure plus franche, que je préférais peut-être. Peu de choses lui firent plus de tort dans l'opinion que cette vente ; les raisons qu'on veut y voir ne sont pas aisément défendables ; aucune, pourtant, je crois, ne couvre exactement la vérité. "The truth is rarely pure and never simple (Oscar Wilde). Ne jamais oublier, quand on le juge, l'importance pour lui de l'amusement."***
_______________________________________
* paru dans les Cahiers Edmond & Jules de Goncourt, n°5,1997, pp. 79-81.
** Cahiers de la Petite Dame, tome 1, p. 224
*** ibid., p.216
samedi 27 décembre 2008
lundi 15 décembre 2008
Gide et La Bruyère
Comme je reprends ces derniers soirs La Bruyère, je découvre la préface de Jouhandeau qui m'avait totalement échappée... C'est sans doute un trait de la jeunesse que d'aller directement à ce qu'elle croit l'essentiel, en l'occurrence le texte, sans se soucier des prologues. Ainsi longtemps je sautais à pieds joints par-dessus les préfaces. Ainsi bien avant de découvrir André Gide j'ai contourné ses préfaces à Vol de nuit, La dame de pique, Le voyage en Orient ou à La faim.
Dans L'art de la Préface, paru récemment chez Gallimard, Pierre Bergé donne précisément celle aux Caractères aux côtés de celle de Gide aux Essais de Montaigne et celle de Malraux aux Cahiers de la Petite Dame. Bergé, qui a toujours si bien su soutenir le talent des autres, préfère mettre en lumière ces textes oubliés plutôt que de donner les siens, comme si tout avait été dit – pour en revenir à la Bruyère !
Gide était en désaccord profond avec cette pensée qui ouvre Les Caractères selon laquelle "Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent." "Depuis le sortir de l'enfance je me heurte à ce décret de La Bruyère et n'ai cessé de m'élever contre lui", écrit-il dans un Feuillet de 1937 pour soutenir le progrès moral comme technique.
Déjà, le 12 octobre 1921, il expliquait : "Chaque été je relis en partie Les Caractères ; non que j'admire particulièrement La Bruyère ; il est dix auteurs de ce temps que je lui préfère et qui m'étonnent davantage ; mais précisément il n'en est aucun dont l'étoile soit plus rassurante. Très souvent, et principalement dans le premier livre, on se demande si ce qu'il dit valait vraiment la peine d'être dit, tant cela paraît simple et raisonnable ; mais on lui sait gré de le dire pourtant, et si simplement. Il ne cherche ni à étonner ni à plaire ; mais à exprimer raisonnablement ce dont il est sûr."
Et de poursuivre : "Je suis tourmenté par le désir de refaire les caractères, il n'y aurait sans doute aucune immodestie à le tenter ; j'adopterais le plan du livre et chercherais à exprimer avec cette même simplicité les nouveaux aspects de notre époque, et tout ce qu'un "honnête homme" d'aujourd'hui peut penser raisonnablement sur les moeurs, sur la société et les éléments divers qui la composent, sur la littérature, sur la religion et sur les arts. J'y dirais d'aussi simples choses, et aussi simplement que ceci : Il faut sans doute moins de patience et moins d'effort pour mûrir un art qu'il n'en faut pour l'empêcher de se corrompre."
En 1925, une petite plaquette intitulée Caractères* paraît mais Gide qui reprend cette dernière "pensée", même si Gide n'aime pas ce mot. "J'ai deux choses toujours en train, dit-il, pour lesquelles je note tout ce qui me vient : Les Nouvelles Nourritures, auxquelles je n'écris guère que d'inspiration, quand ma plume ne peut aller assez vite pour suivre ma pensée, en métro, dans la rue, n'importe où ; puis, Les Nouveaux Caractères, à la manière de La Bruyère, où le bon sens surtout se fera entendre", confie-t-il à la Petite Dame qui le note le 9 août 1926.
Ce matériau classé sous les initiales N.C. pour Nouveaux Caractères ne donnera pas lieu à une parution à part. Il se répartira finalement entre Divers (voir note), Les Nouvelles Nourritures et le Journal, notamment dans les Feuillets. La simplicité et le bon sens continueront à séduire Gide tout au long de sa vie :
"Je relis les caractères de La Bruyère. Si claire est l'eau de ces bassins, qu'il faut se pencher longtemps au-dessus pour en comprendre la profondeur." (Journal, 26 septembre 1926, à Hammamet)
"Le soir, lu quelques pages de La Bruyère, qui m'ont lavé de toutes les agitations, les tourments, les médiocres et vaines contorsions de ce jour" (Journal, 21 octobre 1929)
A la fréquentation des Caractères, on en vient malgré soi à faire du La Bruyère : Jouhandeau n'a pas tort car si l'on remarque bien, les passages du Journal de Gide qui suivent l'évocation de la lecture des Caractères donnent eux aussi dans cette imitation. Dans la préface de Jouhandeau, on trouvera encore relevés deux traits des Caractères qui n'auront pas manquer de plaire à Gide : la dénonciation des injustices** et la singularité***.
_______________________
* Plaquette parue aux éditions La Porte Etroite en tirage confidentiel, ces textes seront repris en 1931 dans l'édition de Gallimard intitulée Divers.
** "Sans qu'il y ait chez La Bruyère l'intention de fronder, d'attenter à l'ordre établi, son honnêteté absolue et son information éclairée annoncent avec une sorte d'inévitable et inconsciente logique ce qu'il se contente d'appeler un avenir, ce que nous appellerons l'abolition des privilèges et l'échafaud. "Le peuple n'a guère d'esprit et les grands n'ont point d'âme. Je ne balance pas; je veux être peuple."", Marcel Jouhandeau, préface aux Caractères, Gallimard, 1965.
***"Il me semble qu'on n'a pas assez remarqué la liberté avec laquelle La Bruyère envisage parfois une sorte d'individualisme, de no man's land qu'il appelle singularité, où l'on accède par des voies réservées. On dirait qu'il prospecte un domaine réservé, au-delà du bien et du mal, hardiesse particulièrement sympathique chez un psychologue de son milieu et de son époque." Ibid.
Dans L'art de la Préface, paru récemment chez Gallimard, Pierre Bergé donne précisément celle aux Caractères aux côtés de celle de Gide aux Essais de Montaigne et celle de Malraux aux Cahiers de la Petite Dame. Bergé, qui a toujours si bien su soutenir le talent des autres, préfère mettre en lumière ces textes oubliés plutôt que de donner les siens, comme si tout avait été dit – pour en revenir à la Bruyère !
Gide était en désaccord profond avec cette pensée qui ouvre Les Caractères selon laquelle "Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent." "Depuis le sortir de l'enfance je me heurte à ce décret de La Bruyère et n'ai cessé de m'élever contre lui", écrit-il dans un Feuillet de 1937 pour soutenir le progrès moral comme technique.
Déjà, le 12 octobre 1921, il expliquait : "Chaque été je relis en partie Les Caractères ; non que j'admire particulièrement La Bruyère ; il est dix auteurs de ce temps que je lui préfère et qui m'étonnent davantage ; mais précisément il n'en est aucun dont l'étoile soit plus rassurante. Très souvent, et principalement dans le premier livre, on se demande si ce qu'il dit valait vraiment la peine d'être dit, tant cela paraît simple et raisonnable ; mais on lui sait gré de le dire pourtant, et si simplement. Il ne cherche ni à étonner ni à plaire ; mais à exprimer raisonnablement ce dont il est sûr."
Et de poursuivre : "Je suis tourmenté par le désir de refaire les caractères, il n'y aurait sans doute aucune immodestie à le tenter ; j'adopterais le plan du livre et chercherais à exprimer avec cette même simplicité les nouveaux aspects de notre époque, et tout ce qu'un "honnête homme" d'aujourd'hui peut penser raisonnablement sur les moeurs, sur la société et les éléments divers qui la composent, sur la littérature, sur la religion et sur les arts. J'y dirais d'aussi simples choses, et aussi simplement que ceci : Il faut sans doute moins de patience et moins d'effort pour mûrir un art qu'il n'en faut pour l'empêcher de se corrompre."
En 1925, une petite plaquette intitulée Caractères* paraît mais Gide qui reprend cette dernière "pensée", même si Gide n'aime pas ce mot. "J'ai deux choses toujours en train, dit-il, pour lesquelles je note tout ce qui me vient : Les Nouvelles Nourritures, auxquelles je n'écris guère que d'inspiration, quand ma plume ne peut aller assez vite pour suivre ma pensée, en métro, dans la rue, n'importe où ; puis, Les Nouveaux Caractères, à la manière de La Bruyère, où le bon sens surtout se fera entendre", confie-t-il à la Petite Dame qui le note le 9 août 1926.
Ce matériau classé sous les initiales N.C. pour Nouveaux Caractères ne donnera pas lieu à une parution à part. Il se répartira finalement entre Divers (voir note), Les Nouvelles Nourritures et le Journal, notamment dans les Feuillets. La simplicité et le bon sens continueront à séduire Gide tout au long de sa vie :
"Je relis les caractères de La Bruyère. Si claire est l'eau de ces bassins, qu'il faut se pencher longtemps au-dessus pour en comprendre la profondeur." (Journal, 26 septembre 1926, à Hammamet)
"Le soir, lu quelques pages de La Bruyère, qui m'ont lavé de toutes les agitations, les tourments, les médiocres et vaines contorsions de ce jour" (Journal, 21 octobre 1929)
A la fréquentation des Caractères, on en vient malgré soi à faire du La Bruyère : Jouhandeau n'a pas tort car si l'on remarque bien, les passages du Journal de Gide qui suivent l'évocation de la lecture des Caractères donnent eux aussi dans cette imitation. Dans la préface de Jouhandeau, on trouvera encore relevés deux traits des Caractères qui n'auront pas manquer de plaire à Gide : la dénonciation des injustices** et la singularité***.
_______________________
* Plaquette parue aux éditions La Porte Etroite en tirage confidentiel, ces textes seront repris en 1931 dans l'édition de Gallimard intitulée Divers.
** "Sans qu'il y ait chez La Bruyère l'intention de fronder, d'attenter à l'ordre établi, son honnêteté absolue et son information éclairée annoncent avec une sorte d'inévitable et inconsciente logique ce qu'il se contente d'appeler un avenir, ce que nous appellerons l'abolition des privilèges et l'échafaud. "Le peuple n'a guère d'esprit et les grands n'ont point d'âme. Je ne balance pas; je veux être peuple."", Marcel Jouhandeau, préface aux Caractères, Gallimard, 1965.
***"Il me semble qu'on n'a pas assez remarqué la liberté avec laquelle La Bruyère envisage parfois une sorte d'individualisme, de no man's land qu'il appelle singularité, où l'on accède par des voies réservées. On dirait qu'il prospecte un domaine réservé, au-delà du bien et du mal, hardiesse particulièrement sympathique chez un psychologue de son milieu et de son époque." Ibid.
Trois Nobel à Troyes
Vendredi à la salle des ventes Boisseau-Pomez de Troyes, parmi les 540 lots qui passeront aux enchères, sera proposé un recueil des manuscrits des discours de réception du prix Nobel de Martin du Gard (1937), Gide (1947) et Camus (1957) reliés par Paul Bonnet avec un ensemble de documents et lettres qui expliquent comment ces manuscrits sont parvenus entre les mains du collectionneur. L'ouvrage est estimé entre 3500 et 4000 euros.
"Une autre « rareté » avec un dossier du Vieux Colombier, réunissant des pièces manuscrites de Roger Martin du Gard et de Jacques Copeau. Un important recueil, très rare, relié en maroquin vert et doublé de daim rouge, « magnifiquement relié en 1958 dans le célèbre décor « irradiant » de Paul Bonet ». Un recueil qui pourrait atteindre 5 000 à 6 000 €", signale aussi l'Est-Eclair.
Plus rapide et mieux informé que moi, Philippe Brin donne le descriptif et les photos de ces lots sur son blog à RMG consacré.
"Une autre « rareté » avec un dossier du Vieux Colombier, réunissant des pièces manuscrites de Roger Martin du Gard et de Jacques Copeau. Un important recueil, très rare, relié en maroquin vert et doublé de daim rouge, « magnifiquement relié en 1958 dans le célèbre décor « irradiant » de Paul Bonet ». Un recueil qui pourrait atteindre 5 000 à 6 000 €", signale aussi l'Est-Eclair.
Plus rapide et mieux informé que moi, Philippe Brin donne le descriptif et les photos de ces lots sur son blog à RMG consacré.
lundi 1 décembre 2008
Mort de Béatrix Beck
Béatrix Beck est morte dans la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 94 ans. (dépêche AFP)
La presse lui rend hommage évoquant bien entendu Léon Morin, prêtre (Prix Goncourt 1952 porté à l'écran). A noter l'entretien sur l'Express.fr avec la journaliste Valérie Marin La Meslée, qui co-signe le livre de souvenirs de Béatrix Beck intitulé Confidences de gargouille (Grasset, 1998). Le Monde évoquait il y a dix ans cet ouvrage.
La Petite Dame évoque sa rencontre avec Béatrix Beck qui allait peu après devenir la dernière secrétaire d'André Gide :
"Le même jour [6 janvier 1950], nous avons la visite de Béatrix Beck, l'auteur de Barny. A mon âge, on ouvre difficilement sa vie à des êtres nouveaux – à elle, tout de suite quelle sympathique et directe créature !" (Maria van Rysselberghe, Cahiers de la Petite Dame, tome 4, p.166)
Début octobre 1950, la Petite Dame note encore :
"La grande nouvelle, c'est qu'il a engagé Béatrix Beck comme secrétaire. Je le déplore un peu, mais en principe seulement (éviter d'avoir des rapports salariés avec des êtres auxquels on ouvre son amitié), et ravie d'avoir autour de moi un être aussi absolument sympathique et qui m'inspire une confiance entière." (ibid, p. 200)
C'est d'ailleurs Béatrix Beck qui préfacera la nouvelle parution du récit de Maria van Rysselberghe sur Emile Verhaeren "Il y a quarante ans" en 1968.
La presse lui rend hommage évoquant bien entendu Léon Morin, prêtre (Prix Goncourt 1952 porté à l'écran). A noter l'entretien sur l'Express.fr avec la journaliste Valérie Marin La Meslée, qui co-signe le livre de souvenirs de Béatrix Beck intitulé Confidences de gargouille (Grasset, 1998). Le Monde évoquait il y a dix ans cet ouvrage.
La Petite Dame évoque sa rencontre avec Béatrix Beck qui allait peu après devenir la dernière secrétaire d'André Gide :
"Le même jour [6 janvier 1950], nous avons la visite de Béatrix Beck, l'auteur de Barny. A mon âge, on ouvre difficilement sa vie à des êtres nouveaux – à elle, tout de suite quelle sympathique et directe créature !" (Maria van Rysselberghe, Cahiers de la Petite Dame, tome 4, p.166)
Début octobre 1950, la Petite Dame note encore :
"La grande nouvelle, c'est qu'il a engagé Béatrix Beck comme secrétaire. Je le déplore un peu, mais en principe seulement (éviter d'avoir des rapports salariés avec des êtres auxquels on ouvre son amitié), et ravie d'avoir autour de moi un être aussi absolument sympathique et qui m'inspire une confiance entière." (ibid, p. 200)
C'est d'ailleurs Béatrix Beck qui préfacera la nouvelle parution du récit de Maria van Rysselberghe sur Emile Verhaeren "Il y a quarante ans" en 1968.
URSS : dupeurs et dupes
(merci à Philippe Brin)
Transcription :
"Il importait de donner une direction à la marche, et vers un but qui ne fût pas trop éloigné. Je crois que de nombreux chefs aujourd'hui savent que cet oasis vers où l'on se dirigea est un mirage, mais qu'il est bon de laisser ignorer la déconvenue pour ne point décourager trop d'avancer. Mieux vaudrait enseigner aux hommes que ce paradis sera ce qu'il le feront ; qu'il ne peut y en avoir de tout fait ; que tout reste à la mesure de l'homme et que tant vaut l'homme tant vaudra la "constitution".
Mais aujourd'hui, vu cette frime, je ne vois plus, parmi les communistes stalinisés, que dupeurs et dupes. Mais les aveuglés, volontaires ou non, verront la preuve que Staline lutte contre la restauration du capitalisme dans ceci que, ceux qu'il accuse d'abord de la vouloir, cette restauration, il les fusille. Excellente façon tout à la fois de se débarrrasser d'eux et de se couvrir."
Fort aimablement, Philippe Brin m'envoie la reproduction de deux pages de carnets autographes d'André Gide. Outre le plaisir de voir le trait sans rature d'une pensée "au courant de la plume", ce document donne une idée de ce que sont les "Feuillets" qu'on retrouve annexés au Journal en fin de chaque année.
Pour les Oeuvres complètes dont l'édition est confiée en 1931 à Martin-Chauffier, la Petite Dame donne dans ses Cahiers un aperçu de l'ampleur de ce matériau épars : feuilles volantes, pages arrachées à des carnets sur lesquelles Gide traite d'une idée, d'une personne, le plus souvent non datées, et qu'il faut par conjecture verser à la bonne année.
Ces deux pages sont "reprises pour la première fois par Martine Sagaert dans la nouvelle édition du Journal II (Pléiade 1997,p.590)", précise Philippe Brin. Ce qui les place à l'année 1937. On y voit en effet un Gide "Retour d'URSS", bien critique vis-à-vis de l'URSS de Staline. La démonstration et le ton sont ceux des "Retouches à mon Retour d'URSS" dont ces pages sont sans doute des fragments de réflexion.
L'allusion à la "constitution" vise très probablement l'adoption de la nouvelle constitution de l'URSS par le VIIIe Congrès des Soviets le 5 décembre 1936. La fin du texte, le deuxième procès de Moscou de janvier 1937. Gide porte ses Retouches à la NRF en mai 1937. Pour moi, ces feuillets datent donc des premiers mois de cette année 1937.
Il y a bien entendu un avant et un après au voyage que fit Gide en URSS en 36. Il y a aussi une profonde évolution entre les deux textes de critique que sont Retour et Retouches pourtant publiés à huit mois d'intervalle. Gide dira à la Petite Dame avoir regretté de ne publier dans le Retour d'URSS que ses conclusions et que les Retouches constituaient donc les raisonnements qui avaient conduit à ces conclusions.
Malraux voit juste lorsqu'il dit à Gide (et Gide le répète à la Petite Dame qui le consigne dans ses Cahiers, page 37 du tome 3) qu'il a vu dans le Retour le livre d'un homme ému, et dans les Retouches l'oeuvre d'un homme irrité. Irrité parce que jugé sinon calomnieux, mensonger, du moins ingrat. Gide s'emploie alors à expliquer pourquoi il brûle ce qu'il a aimé.
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