Editeur de textes rares et de plaquettes de bibliophilie, les Editions du Clown Lyrique livrent "Votre affectueuse insistance", une correspondance entre Jean Royère et André Gide. Cinquante-trois lettres, dont dix-huit de Gide, échangées entre 1907 et 1934. Lettres réunies, annotées et présentées par Vincent Gogibu, spécialiste de la littérature de la fin du XIXe siècle et qui dirige l'édition de la correspondance de Remy de Gourmont. L'évocation de Remy de Gourmont et de Jean Royère nous replonge dans l'univers des revues littéraires...
Jean Royère est né en 1871 à Aix-en-Provence. De 1887 à 1893, il dirige avec René Ghil les Ecrits pour l’art, où collaboraient des poètes tels que John-Antoine Nau et F.T. Marinetti, le fondateur du futurisme. Mallarméen en diable, cet ancien professeur en Roumanie puis fonctionnaire au service des eaux cultivait le goût pour le symbolisme et ce qu'il appellera, avec l'abbé Bremond, le musicisme. "Ma poésie est obscure comme un lys", aimait à dire Royère, défendant l'Art pour l'Art contre l'invasion des préoccupations sociales en poésie.
En 1906 Jean Royère fonde La Phalange qui sera publiée, avec l'aide financière du "Cubain devenu poète français" Armand Godoy, jusqu'en 1914. Y collaborent Albert Thibaudet, André du Fresnois, Léon Werth, Edouard Schneider, Henri Franck, Louis de Gonzague Frick, John-Antoine Nau, Robert Randau, Riciotto Canudo, Ernest Tisserand, Tristan Klingsor, Paul Drouot, Julien Ochsé, Louis Chadourne, André Spire... Mais aussi Guillaume Apollinaire, Gustave Kahn, Emile Verhaeren, André Gide, Henri de Régnier, Remy de Gourmont, Jules Romains, Moréas...
En mai 1926, Royère lance une nouvelle revue : Le Manuscrit autographe, qui comme son nom l'indique, reproduira de nombreux fac-similés de manuscrits de poètes et cela jusqu'en 1933, le temps de trente-quatre numéros. André Gide y donnera sa "Préface inédite pour une nouvelle édition des Nourritures terrestres" en septembre 1926, un "Rilke" en mai 1927, "Cogitations" en juillet 1929, "Confidence" en mars 1930 et une "Lettre à Armand Godoy" en janvier 1933. Armand Godoy dont Royère devint après-guerre le collaborateur et conseiller, avant de sombrer dans l'oubli et de mourir en 1956.
A noter ce site qui rend hommage à Royère (et à Vincent Gogibu) et donne une tentative de bibliographie. Le site des Amis de Remy de Gourmont consacre aussi une page à La Phalange ici.
On trouvait Royère pédant et sans humour. Il n'en manque pourtant pas quand, fidèle à son Art et sa tenue, il raille la NRF "revue de cons" très "potache distingué". Ou quand il donne du "maître illustre" à André Gide qu'il considère parfois comme un "vieux forban"... Jean Royère – André Gide, Lettres (1907-1934) "Votre affectueuse insistance", Paris, Editions du Clown Lyrique, 2008, 16 €.
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