vendredi 20 avril 2012

Préface aux souvenirs sur Wilde


Oscar Wilde. In Memoriam (souvenirs). Le « De Profundis », André Gide
 Editions La Centaine, 1944, Paris


« Notice

J'en préviens aussitôt le lecteur : ceci n'est ni une biographie d'Oscar Wilde, ni une étude sur ses œuvres, c'est la simple réunion de deux esquisses qui n'ont pas même le mérite de l'inédit, mais que le public, de plus en plus nombreux pour s'intéresser au grand poète irlandais, ne savait où trouver, l'une restant enfouie dans un volumes de critiques diverses (1), l'autre n'étant pas encore sortie du numéro de l'Ermitage où je la publiai en août 1905.

Incapable de ne rien récrire, je les redonne toutes deux sans changer un mot à leur texte, bien que, sur un point tout au moins, mon opinion se soit profondément modifiée : Il me paraît aujourd'hui que dans mon premier essai j'ai parlé de l’œuvre d'Oscar Wilde, et en particulier de son théâtre, avec une injuste sévérité. Les Anglais aussi bien que les Français m'y invitaient, et Wilde lui-même montrait parfois pour ses comédies un amusant dédain auquel je m'étais laissé prendre. J'avoue que longtemps je crus donc qu'il ne fallait voir dans un Mari idéal ou dans une Femme sans importance, que des amusements dramatiques « of no importance » eux aussi. Certes je ne suis pas venu à considérer ces pièces comme des œuvres parfaites ; mais elles m'apparaissent, aujourd'hui que j'ai appris à les connaître mieux, comme des plus curieuses, des plus significatives, et, quoi qu'on en ait dit, des plus neuves du théâtre contemporain. Si déjà la critique française s'est étonnée de l'intérêt qu'elle put prendre à la récente représentation de Lady Windemere's fan, que n'eût-elle pensée des deux autres pièces !

Enfin, à qui sait habilement écouter, le Mari idéal et la Femme sans importance en racontent long sur leur auteur - ainsi du reste que chacune de ses œuvres. L'on peut presque dure que la valeur littéraire de celles-ci est en raison directe de leur importance confidentielle ; et j'admire encore de combien peu de surprise l'évènement était capable, dans une vie si étrangement consciente où le fortuit même semblait délibéré.

(1) Prétextes (Mercure de France) »

5 commentaires:

Quanmeme a dit…

Merci, Fabrice, de nous restituer cette "notice" qui n'a pas été reprise dans les Essais Critiques de La Pleiade (projet pourtant exhaustif).
Elle figurait dans une réedition du Mercure, sortie à la fin des années 80. Jean Dutourd en fit un compte-rendu élogieux dans Le Point (repris dans "Domaine Public"), tout à son honneur car il était tout sauf "gidien".
Voici le début de cet article :
- "Gide rencontrant Oscar Wilde fait penser à une chaisière face à face avec Bacchus ou le Grand Pan. Mais Gide n'était pas une chaisière ordinaire. Il était aussi intelligent qu'on peut l'être, très artiste malgré son éducation protestante, et surtout travaillé par un démon secret. Wilde l'a à la fois épouvanté et fasciné"
Et la conclusion, la dernière phrase :
- " Wilde est l'un des plus admirables héros de la littérature universelle. Le petit livre de Gide est sûrement ce qui a été écrit de mieux sur lui, et de plus sensible".
Amitiés, Marc.

Fabrice a dit…

Oui, cher Marc, il me semblait utile de fixer quelque part dans ces pages cette préface, qui est d'ailleurs davantage un addendum.
Si vous avez l'occasion de scanner ou faire une photographie de cet article de Dutourd, je suis preneur !

Quanmeme a dit…

Cher Fabrice, votre curiosité me touche. Je suis malheureusement incapable de la satisfaire, étant infirme dans ces techniques.
Je ne peux que vous donner la référence du recueil :
"Domaine Public", Flammarion, 1994.
Je saisis surtout l'occasion pour vous redire tout le plaisir que procure chacun de vos "billets", instructifs et plein d'attraits.

Fabrice a dit…

Mais il va falloir vous désinfirmer ! C'est d'ailleurs beaucoup plus simple que ça n'en a l'air. En attendant votre rééducation, je vais essayer de me procurer ces "Splendeur et misère d'Oscar".
Merci... Quanmeme, si vous me permettez ce jeu de mots, et merci surtout pour votre encourageante fidélité.

Quanmeme a dit…

Je veux bien croire, cher Fabrice, que ces choses, soient simples, surtout pour vous, mais faudrait-il que je m'éduque, certes, mais aussi que je m'équipe : je n'ai pas d'ordinateur mais un simple IPhone (et suis dans une zone de très mauvaise réception). Je vous devais cet énorme aveu.
Votre papier sur Gérin est, comme toujours, dense et renseigné. Il ouvre des sujets d'études. J'en retiens celui sur l'histoire des clubs de livres : on n'en a jamais mesuré la juste importance, bien plus réelle à mon sens que celle du Livre de Poche.