mercredi 21 août 2013

Valensin, encore


Au détour d'une lecture, je croise à nouveau Valensin et Gide, qui reviennent cette fois sous la plume de Pierre de Boisdeffre dans ses mémoires intitulées Contre le vent majeur (Grasset, 1994). Mémoires qui nuancent un peu celles du Père Valensin...

« Quelques jours plus tard, André Gide, que je n'avais fait qu'entrevoir chez le père Valensin, recevait le prix Nobel. C'était justice ! Il avait soixante-dix-huit ans. Il était « le contemporain capital ». Ici au moins, la France restait en tête : Gide était le huitième écrivain français et le septième Français tout court, puisqu'il y avait eu Maeterlinck à récolter le prix Nobel de littérature. Les communistes grognaient, l'Humanité parlait de « prix Nobel de la servilité », c'était bon signe !

Que pensait le père Valensin ? Lorsque j'allai le voir, il tournait sa plume dans son encrier en se demandant s'il devait féliciter l'auteur des Caves du Vatican. « C'est un bon écrivain, il a le sens, et le goût de la langue, dit-il comme à regret, vous pourriez, vous en inspirer. Mais quel piètre moraliste ! Claudel a sans doute raison. Le plaisir de corrompre est encore plus fort chez Gide que le besoin d'admirer. Que de jeunes hommes il aura pervertis ! C'est pourquoi je ne veux pas vous présenter. C'est bien assez qu'il ait rencontré, en sortant d'ici, votre ami Claude ! »

J'étais déçu. C'était bien la peine que j'aille pousser la porte du père si c'était pour me voir interdire de rencontrer Gide ou Martin du Gard !

Valensin parlait de Dieu comme d'un ami, accessible et compatissant, moins terrible que ne le peignaient mes éducateurs de Stanislas, mais pour la morale il restait implacable ! »


4 commentaires:

Jean-Claude Féray a dit…

D’A. Valensin à l’écrivain Renaud Icard, qui partageait les goûts de Gide :
« Pour moi, quoi que vous me réserviez, vous resterez celui auquel j’ai donné en connaissance de cause mon affection et mon estime ; vous pouvez me mettre à la porte de votre confiance, vous ne pouvez pas sortir de mon amitié. »
Cf. mon édition d’Olmetta d’Icard

Fabrice a dit…

Merci pour cette référence. Il serait intéressant de comparer avec ce que le Père Valensin disait d'Icard à d'autres témoins.

Et merci pour votre visite !

FP

VS a dit…

Il faut peut-être faire intervenir les dates. Dans ce que j'ai lu, j'ai eu l'impression que le père Valensin avait peut-être espéré amener Gide à la conversion. Valensin a baptisé bien des gens, son don était la conversion.

J'ai été frappé par son catégorique:
— Mais Gide croit-il en Dieu?
— Il y a cru. Aujourd'hui, je pense que c'est fini…

Remarquez que ce qu'il dit "je ne jugerai pas l'homme, je connais ses mérites, etc" est dit publiquement: en d'autres termes, il se met de son côté contre d'éventuels accusateurs.

Les réserves sont exprimées quand il s'agit pour lui de ne pas prendre la responsabilité de "corrompre" un jeune homme.

Il me semble que c'est cohérent, même si cela peut décevoir.
(Imaginons qu'il s'agisse d'une jeune fille et d'un "homme à femmes": il paraîtrait logique, au moins à l'époque, de ne pas les présenter l'un à l'autre, de ne pas les laisser seuls ensemble.)

Jean-Claude Féray a dit…

La fenêtre de ce blogue n’autorise que des messages ne dépassant pas 300 caractères, aussi ne puis-je que me contenter de la précision suivante : Renaud Icard parle dans son journal inédit (Fantoches), en qq lignes, des relations Gide-Valensin.

J’essaierai de placer ces lignes sur la Toile en septembre dans le Bulletin mensuel gratuit de septembre (sur mon site : www.quintes.feuilles.com)