samedi 11 juin 2016

Tapuscrit de Arden of Feversham

Une vente Ferraton, le 17 juin à Bruxelles, verra passer le tapuscrit de 110 feuillets anopistographes de la traduction par Gide de la pièce Arden of Feversham. La traduction occupa Gide pendant toute sa vie, tantôt sous forme d'exercice social, collégial, tantôt en labeur solitaire et souvent au long cours. Ce projet de traduction de la pièce classée parmi les apocryphes de Shakespeare, appartient plutôt à la seconde catégorie.

L'idée de cette traduction apparaît dès septembre 1932, après la rencontre de Gide avec Artaud, comme le relate la Petite Dame dans un passage des Cahiers au cours duquel Gide revient sur son attirance-répulsion pour le théâtre :

« Il est longuement question entre Bypeed et Martin d'un certain manifeste sur le théâtre, d'Artaud, qui va paraître dans La N.R.F. (numéro d'octobre 1932), et d'un projet de nouveau théâtre. « On dit, fait Martin, qu'il va se réclamer de votre appui; ça tombe mal, juste au moment où Copeau s'ingénie à reconstituer un théâtre ! » Gide s'explique : ce jeune Artaud est venu le trouver et son désarroi lui a fait pitié; cependant, il lui a bien déclaré qu'il ne comprenait rien à son manifeste, qu'il était donc très éloigné d'y souscrire, et qu'en conséquence il lui interdisait de faire usage de son nom, mais qu'il voulait bien l'aider : il a attiré son attention sur une pièce apocryphe de Shakespeare, Arden of Feversham, assez curieuse, qu'il veut bien traduire. « Mais vous comprenez, mon vieux, je fais cela en m'amusant, je dicte ma traduction, ça vaut ce que ça vaut. Le théâtre ne m'intéresse pas assez pour que je me donne vraiment de la peine, je l'ai dit et redit. Je n'y crois pas, cela ne m'amuse que si c'est une farce, quand le public prend parti et fait du chahut. Le genre Taciturne et Œdipe, comme spectacle je trouve ça barbant. Cette pièce ce n'est pas sérieux, c'est un drame bourgeois informe, malgré certaines beautés réelles et qui peut être très curieux à la fois par la terreur et par le ridicule, et il faut lui laisser son caractère. Si je la donne à Copeau, ça prend une tout autre importance, il faudra la retravailler, la mettre en scène soigneusement, et ça ne m'amuse plus du tout. Je m'en expliquerai du reste très bien avec Copeau, à qui par contre je donnerais volontiers ma traduction d'Hamlet que j'ai tout à fait l'intention de terminer. »

Gide entame la traduction et en donne un premier fragment en 1933 dans le numéro 154 des  Cahiers du Sud, consacré au théâtre élizabéthain. En 1937, la troupe de Marcel Herrand, un ami de Marc Allégret, et Jean Marchat, troupe baptisée le Rideau de Paris — qui se fera une spécialité des pièces de Gide, de Philoctète à Amal, en passant par le Retour de l'enfant prodigue — en donnera une « représentation partielle » au Théâtre des Champs-Elysées.

A la fin de sa vie, Gide reprend la traduction où il l'avait laissée lors d'un séjour à Neufchâtel avec Richard Heyd, ce dernier envisageant déjà une publication aux Ides et Calendes. Le 25 février 1950, la Petite Dame note :

« Ne pouvant avoir Pierre, retenu par son travail, il se rabat, avec joie, du reste, sur Elisabeth avec qui il souhaite revoir, finir la traduction, commencée à Neuchâtel, d'Arden of Feversham, d'autant que Barrault, emballé par la pièce, songe à la monter, perspective stimulante. »
La partie de la traduction donnée dans les Cahiers du Sud y occupant une dizaine de pages, il pourrait être intéressant de la comparer avec cette centaine de feuillets qui doivent donc être en grande partie inédits.


Lot 360
GIDE.- Arden de Feversham. Traduction d'André Gide. Tapuscrit resté inédit qui avait paru (en partie ?) en préoriginale (11 p.) dans le numéro spécial consacré au « Théâtre élizabéthain » des « Cahiers du Sud » en 1933. Composé de 110 feuillets 4° anopistographes (22, 74 et 5 f. insérés entre les f. 12 et 13).
Cart. à la Bradel pleine moire bleu ciel, tête dorée, non rogné. Plusieurs annotations qui semblent bien de la main de Gide. Inspirée de faits réels, cette pièce appartient à ce genre particulier connu sous le nom de « tragédie domestique ». La paternité de l’œuvre, probablement écrite à plusieurs mains, est discutée ; Thomas Kyd, Christopher Marlowe et William Shakespeare étant les auteurs potentiels les plus fréquemment cités par la critique.

Estimation : 100 € / 150 €

Vente vendredi 17 juin 2016 à 13 h
Exposition du vendredi 10 juin 2016 au samedi 11 juin 2016 de 10h à 19h, du mardi 14 juin 2016 au mercredi 15 juin 2016 de 10h à 19h, jeudi 16 juin 2016 de 10 h à 18 h

Plus d'infos sur le site d'Alain Ferraton

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