dimanche 27 juillet 2008

Le gaillard qui est devenu l'oncle Martin

Amitié, toujours. Celle qui unit Gide à Roger Martin du Gard trouve ses racines dans l'admiration de Martin du Gard pour l'auteur des Nourritures Terrestres et dans l'attrait immédiat de Gide pour l'auteur de Jean Barois. "Celui qui a écrit cela peut n'être pas un artiste, mais c'est un gaillard ! Il faut publier cela", écrit André Gide à Gaston Gallimard pour l'encourager à éditer ce second roman refusé par Grasset.

Ces deux-là se "font l'amitié" bien vite. Le début d'un dialogue qui ne cessera plus. Au Vaneau, au Tertre, par lettres et même un dialogue intérieur comme le confie Martin à son "Cher grand Ami" : "Je pense à vous chaque jour. Plus ou moins précise, votre présence est autour de moi ; et c'est vous l'interlocuteur auquel je m'adresse, même quand je ne songe pas à lui donner votre visage. Et si je suis content d'une heure de travail, c'est vous que j'associe immédiatement à ma joie. Et si je me consulte : ce n'est qu'en apparence, car en réalité c'est vous que je consulte à travers moi. Cela, sans exaltation, comme une habitude heureuse. Vous ne saurez jamais bien tout ce que je vous dois."

Cet extrait d'une lettre du 9 octobre 1922 de Martin du Gard à Gide ne doit pourtant pas laisser penser qu'il s'agissait d'idolâtrie de la part du jeune auteur pour l'écrivain de douze ans son aîné... Loin s'en faut ! Leur amitié autorise à dire bien franchement ce que chacun pense des directions littéraires ou idéologiques prises. Les Cahiers de la Petite Dame montrent bien leurs rapports faits d'estime mutuelle et, au nom de cette estime, les nombreuses mises au point et joutes verbales au cours desquelles ces deux esprits brillaient si bien.

Roger Martin du Gard, qui n'aimait rien tant que des personnages vraisemblables, se servira à de nombreuses reprises de Gide pour modèle, ou tout du moins d'épisodes de sa vie, pour les faire vivre aux personnages de ses livres*. Gide de son côté lui dédiera Les Faux Monnayeurs mais d'une manière générale, son ami Martin influera bien moins sur son oeuvre que sur sa façon de la publier, de la défendre et de la corriger.

Encore une fois, ce blog n'a pour prétention que de donner des pistes de lecture ou de re-lectures par des évocations plutôt que par des commentaires de textes. Il y aurait long et profond à dire sur le lien Gide-Martin, ce qui a été déjà fait en grande partie. Mais le mieux est encore de lire leur volumineuse correspondance, 897 lettres réunies dans deux volumes chez Gallimard.

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* Voir à ce sujet "Reflets littéraires d'une amitié : André Gide dans Les Thibault de Roger Martin du Gard", Harald Emeis, L'Harmattan, 2007

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