J'évoquais tout récemment les tribulations éditoriales de L'Art bitraire, ce court texte de Gide, plein comme un œuf (de perruche) des thèmes gidiens dans ce château périgourdin où « mûrissait et grossissait le drame ». Dans les mémoires de Jean-Jacques Pauvert, La Traversée du livre (Editions Viviane Hamy, 2004), on retrouve un Gide plus hésitant que ne le laisse entendre la notice des Romans et récits de la Pléiade quant au titre à donner pour l'édition de 1947 dans la collection Les tirés à part du Palimugre :
« J'édite encore un peu, pourtant. Par exemple, en 47, année du Nobel de Gide, je publie un petit texte de lui, L'Arbitraire. Très court texte paru dans Combat sous le titre « L'Art bitraire ». Ma visite chez lui s'était très bien passée, il était curieux de voir paraître la plaquette. Cauteleux, méfiant, avec le souci de paraître confiant, précautionneux. Enveloppé de son écharpe, caché derrière ses lunettes.
A mesure que la fabrication avançait, il avait commencé à changer d'avis chaque matin : ne vaudrait-il pas mieux mettre en titre simplement L'Arbitraire ? N'est-ce pas, on va penser que je m'attarde sur un pauvre jeu de mots, ne croyez-vous pas ? Le lendemain : Ah ! tout compte fait, j'aime assez cet Art bitraire, qui intrigue, ne croyez-vous pas ?
Finalement, je l'avais envoyé promener, et j'avais sorti le texte avec le titre L'Arbitraire (alors que je préférais l'autre) parce que au dernier coup de téléphone il m'avait semblé que c'était son dernier choix. Peut-être pas, après tout. Je devenais irritable, et d'ailleurs j'avais oublié de faire imprimer la dédicace à Pierre Herbart. Je m'étais un peu énervé...
Gide se contenta de m'envoyer une lettre et de me dédicacer un exemplaire, « Avec mes regrets cordiaux. » » Jean-Jacques Pauvert, La Traversée du Livre, éditions Viviane Hamy, 2004
Dans cette passionnante Traversée du livre, on trouve reproduites nombre des belles couvertures sous lesquelles Jean-Jacques Pauvert publia Montherlant, Sade, Bataille, Breton, Ernst ou bien sûr Pauline Réage. On trouve également des fac-similés des lettres reçues par l'éditeur dilettante des débuts, dont celle de Gide :
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