"Tout à l'heure, je rangeais des notes et je me suis mis à rire. "Qu'est-ce qui te fait rire ?" demande Robert. "Je pense au rhinocéros de Gide". Il y a quelques années, j'étais allé voir Gide qui revenait d'Afrique. Curtius était là. Gide nous parle un peu de son voyage, mais brièvement, et jugeant sans doute que cela nous amusera plus qu'un récit et des descriptions, il nous montre un magnifique insecte conservé dans un petit bocal. Nous admirons le gros scarabée noir dont la tête est armée d'une corne, ce qui me fait dire qu'il ressemble à un rhinocéros. "Ce n'est pas un rhinocéros, dit Gide, c'est un..." (Ici un nom grec dont je ne me souviens plus) "Je le vois bien, dis-je alors. Mais avec cette corne, vous ne trouvez pas qu'il a un air de famille avec le rhinocéros ?" Gide et Curtius se regardent tous deux. "Cher ami, dit Gide avec une nuance d'étonnement dans la voix, je vous assure que ce n'est pas un rhinocéros. - Le doute n'est pas permis, ajoute Curtius. - En effet, dis-je alors. Je ne songe pas à vous contredire." Et je me tais, non sans me dire que si Gide n'était pas né en France, il eût mérité de naître en Ecosse où pas une parole ne se profère qui ne soit prise au pied de la lettre. S'imagine-t-il vraiment que j'ai cru avoir un rhinocéros sous les yeux, un rhinocéros dans un bocal ?
Des mois s'écoulent après cette conversation étonnante et l'on m'apprend un jour qu'il existe, en effet, un scarabée géant dont le nom est rhinocéros. Cela m'a soulagé." (Julien Green, Derniers beaux jours, journal 1935-1939, 16 mai 1935)
"A chasser les insectes, je retrouve des joies d'enfant. Je ne me suis pas encore consolé d'avoir laissé échapper un beau longicorne vert pré, aux élytres damasquinés, zébrés, couverts de vermicules plus foncées ou plus pâles ; de la dimension d'un buperstre, la tête très large, armée de mandibules-tenailles." (André Gide, Voyage au Congo, août 1925)
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