Le toujours intéressant blog de "Madame de Véhesse", alias VS, nous apprend qu'une partie de la correspondance Gide – Jammes est détenue par la Société des Manuscrits des Assureurs Français, la SMAF : "139 lettres , billets et autographes signés" de Gide au poète Francis Jammes achetés en 1981 à Drouot et demeurés inédits.
Décrite comme "très importante"*, cette correspondance s'étale entre 1895 et 1938, année de la mort du poète : "Gide et Jammes, tous deux âgés de vingt-cinq ans, devinrent amis en 1893 mais ne se rencontreront pour la première fois qu'en avril 1896 à Alger ; ils ne s'étaient vus auparavant qu'en photographies mais se tutoyaient déjà. Leur longue amitié subira des périodes de troubles et des ruptures, notamment vers 1916 lorsque Jammes eut connaissance des mœurs scandaleuses de Gide, qui heurtaient profondément ses convictions chrétiennes, et en 1925 lorsque Gide vendit à Drouot sa bibliothèque**, y compris des manuscrits de Jammes que celui-ci lui avait dédicacés"***.
"J'aime Francis Jammes ; mais je préfère la vérité", écrit Gide dans les Notes pour une étude sur Francis Jammes des Feuillets rangés à la suite de l'année 1921 du Journal. Dans ces mêmes notes, Gide déplore la barbe postiche que Jammes accroche "au menton du Bon Dieu". Toujours dans le Journal (10 septembre 1922) :
"Dans les Mémoires de Francis Jammes, apparaît surtout son extraordinaire défaut de sympathie. C'est à cela, plus qu'à son peu d'intelligence, qu'il faut attribuer son incompréhension d'autrui. [...] Il est curieux que chez les trois artistes convertis que j'ai connus le mieux, Ghéon, Claudel et Jammes, le catholicisime n'ait apporté qu'un encouragement à l'orgueil. La communion les infatue."
La correspondance Gide – Jammes, sans les lettres de la SMAF, est parue en 1948, du vivant de Gide, tout comme celle avec Claudel l'année suivante. Encore une façon de montrer les divergences entre Gide et "eux", ainsi qu'il désignait désormais les catholiques. Des "sincérités divergentes" comme les appelle d'ailleurs Robert Mallet : "Francis Jammes, André Gide, deux noms qui, par leur seul énoncé, proposent [...] des résonances disparates. [...] Mais si les sincérités divergentes qui se rencontrent ne fusionnent jamais, elles aboutissent néanmoins à l'harmonie, car les accords dissonants existent comme les autres".
Robert Mallet, dont la voix nous est familière au travers des entretiens avec Paul Léautaud, a dédié son doctorat à Jammes, avant d'établir la correspondance Gide – Jammes en 1948 et de consacrer une étude sur Jammes en 1950. C'est lui qui a également établi la première édition de la correspondance Gide – Valéry, reprise en grande partie dans la nouvelle édition qui vient de paraître, augmentée de 176 lettres.
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* Ce qui à la vue des nouvelles lettres de la correspondance avec Valéry reste à démontrer. Mais c'est un sujet sur lequel j'espère revenir bientôt...
* Sur ce que Valéry nomma la "vente vendetta", voir ce précédent billet.
** Admirons au passage le jugement de l'auteur du catalogue de la SMAF sur les "moeurs scandaleuses" de Gide et les "convictions chrétiennes" de Jammes le sensuel devenu l'auteur de poésie catholique dogmatique...
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