Dix ans après la mort de Gide, la
Gazette de Lausanne interrogeait quatre écrivains quant à
l'influence de Gide sur leur œuvre et sur la jeunesse et la
littérature de 1961. Philippe Sollers était l'un d'eux. Ces
réponses de 1961 sont à comparer avec celles de 1969 dans La Quinzaine Littéraire : entre temps, mai 68 était passé par là
et non seulement la girouette littéraire indiquait d'où venaient
les vents nouveaux, mais elle avait encore changé de toit.
PHILIPPE SOLLERS
« A la revue « Tel-Quel »
Gide est presque unanimement apprécié »
Talence, le 11 février,1. J'ai commencé par être injuste avec Gide, dont les Nourritures m'agaçaient. A dix-huit ans, je lui préférais, je lui préfère encore, Valéry, Proust, ou Larbaud. Mais je suis en partie revenu sur cette opinion et relis souvent Paludes, Amyntas, Prétextes, Incidences (son meilleur livre, sans doute), le Journal, avec beaucoup d'admiration. Cela dit, je crois que, comme écrivain, il ne m'a nullement influencé.2. L'influence de Gide sur la jeunesse actuelle m'est totalement inconnue. Je sais seulement que dans le groupe de jeunes écrivains que nous formons autour de la revue « Tel-Quel », Gide, quoiqu'un peu au second plan, est presque unanimement apprécié. C'est le critique, en lui, que nous plaçons très haut. Son action littéraire menée le plus souvent avec un maximum de netteté, de liberté, de justesse. Son ambiguïté, sa souplesse, son ironie. Son intelligence morale. Je crois que si sa vigilance nous manque, en effet, en un temps où la vraie littérature est si difficile à défendre, la parution d'un admirable livre comme le Voyage d'Hiver de Jacques Coudol (Ed. du Seuil), prouve, en certains passages, que Gide, pour quelques-uns parmi les meilleurs, est toujours vivant, et qu'il est permis d'espérer.
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