"Il y a eu le jour où Gide m’a téléphoné en me disant d’accourir : « J’ai là un professeur de yoyo absolument merveilleux, il faut que vous veniez le voir. »
Je suis arrivé et j’ai trouvé un superbe jeune Philippin en train de jongler d’une manière ravissante. Quant à Gide, il s’envoyait le yoyo dans l’œil ou sur les pieds mais il était enchanté et parlait déjà d’écrire un traité sur le yoyo."
Cette anecdote racontée par Louis Martin-Chauffier dans son témoignage au Figaro doit se situer à la fin de l'année 1932. C'est à cette époque que Gide lui confie la première édition de ses oeuvres complètes mêlant aux récits les pages du journal. Et c'est en octobre 1932 que la Petite Dame relève la récente passion pour le yoyo :
"J'ai oublié de dire que depuis son retour [de Cuverville] il a toujours un yo-yo dans sa poche et se met à en jouer à chaque instant. Il trouve ce jouet nouveau, brusquement à la mode, exquis de simplicité, d'ingéniosité, il en a déjà distribué beaucoup et rêve d'initier Elisabeth et Pierre." (CPD, tome 2, page 255)
Presque chaque soir, Gide appréciait jouer à la crapette avec la Petite Dame et plus encore avec Elisabeth. Il affectionnait également les échecs et avait dans ses poches toujours quelques petits casse-tête. La Petite Dame nous apprend que ces jouets qu'il gardait dans ses poches lui servaient à attirer les enfants... Lambert note aussi que les jeux, échecs, cartes, étaient un moyen d'aborder les gens qu'ils voulaient rencontrer...
Relations sociales et quêtes sensuelles passaient entre autres par le jeu : jeux pour le divertissement pur ou jeux dangereux, on songe aussi aux conversations avec Roger Martin du Gard qui tenaient de la joute oratoire. Jeux de langue enfin dans son oeuvre où les personnages sont tantôt des jouets, tantôt des manipulateurs. La vie, un jeu ? C'est ce que semble confirmer son dernier livre, "Ainsi soit-il", sous-titré "Les jeux sont faits".
Il ne semble rester aujourd'hui d'André Gide que la figure hiératique du grand homme, du grand écrivain, du "contemporain capital". C'est fort dommage car derrière ce paravent on découvre un homme profondément joueur, amusant – y compris à ses dépends – et une oeuvre pleine d'humour et ludique.
A lire à ce sujet : Bertrand Fillaudeau, L'univers ludique d'André Gide : les soties. Préface d'Alain Goulet, éditions José Corti, 1985
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