Victoria Reid est maître de conférences en littérature française à l’Université de Glasgow et l'auteur des articles «André Gide and James Hogg : Elective Affinities» (Studies in Hogg and his World, nº 18, 2007) et «Gide et Rembrandt : la leçon d’anatomie» (Bulletin des amis d’André Gide, nº 154, avril 2007). Spécialiste de la réception de l'œuvre de Wilde*, on lui doit aussi un chapitre de The Reception of Oscar Wilde in Europe (Continuum, 2008) sur les relations de Gide-Wilde. Ou encore ce très bon «Gide et Wilde» publié par le Bulletin de la Société Oscar Wilde (n°16, 2008).
Editions Rodopi, coll. "Faux Titre" n°340,
Amsterdam,New York, 2009, 322 p.
La couverture de André Gide and Curiosity montre un flambé et un lézard vert**. Illustrations judicieuses qui renvoient bien sûr à la passion de Gide pour l'observation zoologique mais aussi au combat du lézard et du serpent dans Voyage au Congo : comme le lézard, Gide est prêt à abandonner une partie de lui, à se renier, si sa curiosité vient à être déçue. Herbart l'a bien montré. Mais n'est-ce pas aussi en lézard repartant plus léger après le combat que Mauriac peignait Gide ?
On songe encore à la nouvelle du lézard mort annoncée par Catherine à sa grand-mère : Catherine, les mains dans le dos, demande à la Petite Dame de choisir une main. La première est vide. L'autre, vide aussi. Et Catherine dit : «Le lézard est mort». Plus tard, Catherine explique : «Mais tu sais, il y avait quand même quelque chose dans ma main : l'annonce de la mort du lézard». Une façon de susciter la curiosité tellement gidienne !
On songe enfin au célèbre «La chenille qui chercherait à se connaître ne deviendrait jamais papillon.» Affirmation étonnante d'une défiance envers le «connais-toi toi-même» : l'égocentrisme gidien était en quelque sorte centripète. Victoria Reid le montre bien dans son analyse d'une curiosité de soi non pas pour soi mais pour tous les prolongements possibles d'aventures, d'écritures de soi et d'apports à la fiction.
Certes la curiosité de Gide, pour forte qu'elle fût, était très ciblée, ainsi que le souligne Victoria Reid qui la range sous trois grand thèmes-chapitres eux-mêmes rétrécis à la part vraiment gidienne : curiosité sexuelle, curiosité scientifique et curiosité littéraire. Rien de bien nouveau sur Gide - l'auteur rappelle d'ailleurs que le sujet a déjà été abordé, lié notamment à la pédagogie, mais trouve avec la nouvelle édition des Romans et récits dans la Pléiade de nouveaux champs d'étude - et l'ouvrage prend davantage prétexte de Gide pour analyser les mécanismes de la curiosité et leurs prolongements littéraires.
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* André Gide and Curiosity comporte d'ailleurs un passage sur les relations entre Gide et Alfred Douglas (Bosie) qui montre bien comment de la curiosité sexuelle Gide passe à la curiosité littéraire.
** Bestiaire gidien auquel l'auteur ajoute la serine de Si le grain ne meurt : «The canary episode illustrates three key aspects of curiosity in its perfect state : first, the desire for novelty as a prelude to curious investigation; second, the important role of disponibilité, magnetism and contagion in the transmission of curiosity (so André, the passively curious object of the canary's curiosity becomes André, post-epiphany, charged with active curiosity, wich he directs towards the external world); and third, the double meaning of curiosity wich can designate a passive object or an active subject.» (André Gide and Curiosity, p. 16)
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