"Là, j'ai dû relire mes livres, il y avait si longtemps... Parmi eux, il y en a un qui est bien, c'est Pintades. Il se place dans la tradition de la littérature. C'est un épigone de Paludes mais il est honorable.C'est très beau Paludes et d'une modernité! Pintades a paru à l'époque où on avait un ministre de la police qui s'appelait Marcellin. Il mettait tout le monde sur écoute. Moi, il me fallait sept mille balles, j'ai décidé de faire comme lui. J'avais relu Paludes peu de temps auparavant et j'ai réalisé que le livre n'existait plus. J'ai branché un magnétophone sur le téléphone et j'ai appelé tous mes copains pour leur demander s'ils connaissaient Paludes, Angelo Rinaldi, etc.. Je ne les nommais pas parce qu'ils disaient des conneries énormes sur un livre qu'ils ignoraient. J'ai simplement retranscrit les âneries. Évidemment on ne peut pas parler de Paludes quand nos propres contemporains sont des trous du cul.
À qui pensez-vous?
À tous les types de ma génération qui croient avoir inventé quelque chose. C'est pour ça qu'ils rejettent les anciens dans le passé en les déclarant archaïques. Il faut bien décider que les autres sont archaïques pour avoir la possibilité de penser qu'il y a un peu de modernité dans nos propres écrits. La vieille Gide avait tout découvert. Il respirait instinctivement la littérature. Ça vient de sa vie très rigoureuse. Ce qui n'est pas le cas de la nôtre."
René-Nicolas Ehni, article du Matricule des Anges n°030 mars-mai 2000, entretien avec Eric Dussert
Pintades, 1974, Christian Bourgeois Editeur
Quatrième de couverture :
"Au Zanzibar de la rue Broca à Paris, la gauloise aux lèvres, un oeil vague sur Libération, il attend silencieux : On se connaît ? Le tutoiement facile et l'ardoise pleine, René Ehni a l'air d'un écrivain, n'est-ce pas merveilleusement rare ? Pour l'auteur de ce petit livre grave, hymne d'amour pur à l'oeuvre de Gide, hymne d'humour féroce à la condition de l'homme de lettres, sa démarche mérite une certaine explication : Je ne sais pas moi-même si j'ai lu Paludes un jour. Ce que j'affirme c'est que quelqu'un comme Gide me paraît tout à fait exceptionnel dans le sens où il a été le premier à nous dire sans ambiguïté et sans brouiller les cartes que nous ne sommes jamais maîtres de notre corps. Maintenant, si tout au long de mon livre, je me complais à interroger les gens pour savoir si oui ou non ils ont lu Paludes, c'est surtout parce que j'ai tenté de faire une caricature de ces gens que je rencontre à Paris au cours de dîners en ville et qui ont la sensation de parler culture quand ils s'interrogent eux-mêmes pour savoir s'ils ont vu tel ou tel film, telle ou telle pièce. Tout cela me dégoûte, car leur seul souci est de rester à la mode.
Jean-Marc Roberts, Le Quotidien de Paris (1974)"
1 commentaire:
Ce livre m'a l'air excellent ! Je vais tâcher de me le procurer très vite… Merci !
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