"Dans cette pièce , qui ne fut jamais achevée, quelques beaux meubles, d'autres quelconques; sur le piano à queue encombré de musiques et de discours, il y a trois chapeaux; sur les tables et les fauteuils, un amoncellement de livres, de papiers, de revues; par terre, devant la grande fenêtre, un vase de prix en vieux chêne est calé dans une position oblique par des rayons de bibliothèque et des boites de cigarettes vides, et recueille l'eau qui s'échappe d'un tuyau de chauffage détérioré. Plus loin, devant la fresque de Piot qui décore la cheminée, le couvercle de la machine à écrire, et deux grandes corbeilles à papier bondées de papiers déchirés; un peu partout, des photographies de parents, d'amis, de grands hommes, de paysages d'Algérie, sèchent en se recroquevillant, sauvetage récent d'une inondation qui s'est produite dans son cabinet de travail; elles voisinent avec des fonds de tiroirs mis au jour, etc., et sur le dossier de chaque siège il y a un manteau"
Description par Maria van Rysselberghe du salon de la maison de la Villa Montmorency le 20 avril 1922.
Gide habita cette maison qu'il fit construire sur les plans de Louis Bonnier, architecte en chef de la ville de Paris au 18 bis, avenue des Sycomores, de la mi-février 1906 au début d'août 1928. Il avait vendu en 1900 le château maternel de La Roque-Baignard et le bénéfice de cette vente permit d'acquérir le terrain de l'avenue des Sycomores. Les travaux de construction débutèrent en 1904.
"Cette singulière maison de la Villa Montmorency, dont il condamnait véhémentement l'architecte pour son a-conception de l'éclairage et du chauffage. (...) C'était une simili-forteresse, percée de meurtrières, où l'on découvrait un singulier entrelacs de petites pièces et de couloirs autour de l'immense salle des gardes qu'était la bibliothèque."
Jean Loisy, Souvenirs et notes sur André Gide, Bulletin des Amis d'André Gide n°39, juillet 1978.
"On allait le voir le plus souvent à Auteuil, dans sa "villa" de l'avenue des Sycomores, bâtisse baroque, en style 1900, avec des fenêtres hublots étagées le long de la façade.
Une vieille bonne, un peu infirme, que Gide gardait par bonté, ouvrait la porte. On attendait dans un hall nu, en pierre, d'où partait un escalier de bois avec une rampe rouge. Dans l'ombre une très vaste composition de Maurice Denis : Hommage à Cézanne, dont Gide a fait don tout récemment au Luxembourg.
Un claquement de pupitre mettait fin à un morceau de piano. Des portes se fermaient. Dans le lointain, on entendait la voix perçante de Gide. Il apparaissait, avec un tricot dont les manches "dépassaient" et des mitaines aux mains :
— Je vous attendais, disait-il...
On avait aussitôt l'impression qu'il se réjouissait de vous retrouver, que son temps était à vous ; et la conversation s'engageait sur un ton familier et charmant.
La "villa" était si vaste qu'il fallait, pour se chauffer, s'approcher d'une grande cheminée sans trappe. Tout le reste de la pièce était sombre, triste, presque noir. Sur une petite table, une lampe de bureau, seule clarté. On se réfugiait avec Gide dans ce coin de chaleur et de lumière. Assis de biais, tournant presque le dos à l'interlocuteur, il se penchait en avant sur lui-même, ou se balançait, le genou dans ses mains. De temps à autre, il ajoutait une bûche et tisonnait le feu avec des pincettes."
Léon Pierre-Quint, André Gide L'homme sa vie - son oeuvre Entretiens avec Gide et ses contemporains, 1952, Stock
Victor Hugo habita la Villa Montmorency, au 5 de l'avenue des Sycomores, d'août à octobre 1873.
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