lundi 27 juillet 2009

... vu par Robert Mallet

" Gide était ambigu comme l'est la vie. Et – en ce sens – bien fou en effet qui se fie à elle ; c'était la sagesse même que de répondre à l'ambiguïté de l'existence par une manière ambiguë d'exister. Miser sans broncher sur l'absurdité ou sur la raison divine n'exigeait pas plus de courage. [...]
Le vieillard Gide réfugié dans la sympathie se sentait émancipé. Mais le Gide juvénile affirmait que la sympathie était la faiblesse, le remède de ceux qui, ayant cru pouvoir s'affranchir de la loi, n'avaient pu se suffire à eux-mêmes. Il laissait entendre, ce Gide-là, que l'autre n'était pas forcément parvenu à la vraie émancipation. Les deux affirmations, qui se faisaient écho d'une bout à l'autre de la pensée et de la vie de Gide, fusionnaient à leur point de rencontre sonore dans une ultime ambiguïté.
Vie ambiguë. Mort ambiguë. Mais sincérité sans détour, conscience sans compromission. Gide, en reconnaissant que l'homme (et pourquoi pas lui-même ?) n'était pas encore mûr pour pouvoir se passer de Dieu, donnait peut-être l'exemple d'un homme qui avait su s'en passer.
(Robert Mallet*, Une mort ambiguë, Gallimard, 1955)

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* Robert Mallet, auteur d'une thèse sur Francis Jammes, a établi la correspondance Gide-Jammes parue en 1948. Il entre en 1949 chez Gallimard où il participe à l'édition des œuvres complètes de Paul Claudel et de Paul Valéry. Il édite les premières éditions de la correspondance Gide-Claudel (1948) et Gide-Valéry (1955). Il est aussi l'initiateur des Entretiens avec Paul Léautaud (voir ce billet). Une mort ambiguë est un essai, "récit et méditation sur les morts de Gide, Claudel et Léautaud".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est en 1955, et non pas en 1950, que Robert Mallet a édité la Correspondance Gide-Valéry.

Fabrice a dit…

Exact. Ma pensée a emprunté un vilain raccourci. Merci de me permettre de le corriger et merci de votre visite.