Un lecteur anonyme m'a laissé il y a quelques jours le message suivant :
« please, can you make it possible to post and sell an electronic version of "Le voyage au Congo" by Andre Gide so those out of Europe can easily buy ? »
Comme ce visiteur, je n'ai trouvé ni en français ni en anglais de version électronique commerciale et légale disponible. Une rapide recherche sur internet permet toutefois de trouver de larges extraits dans les deux langues et même le texte intégral en français... Voilà qui relance un débat qui s'est tenu il y a quelques temps suite à la demande des éditions Gallimard de retirer du site Wikisource plusieurs auteurs, dont Gide.
A l'époque j'avais essayé d'y voir plus clair dans cette affaire mais les problèmes juridiques ne sont pas mon fort : j'ai cru comprendre qu'on pouvait lire un texte au Canada où il est désormais libre de droits, alors que la loi française le maintien sous copyright en France. J'ai surtout abandonné l'idée d'un billet sur ces arguties parce qu'au fond je suis persuadé que rien ne peut remplacer le livre.
Mais alors que je poursuivais mes recherches pour savoir où en était le dossier qui oppose Google et Wikisource aux éditeurs, j'ai trouvé une alarmante page sur un site consacré à Céline. J'en résume le contenu, mais vous encourage à la lire attentivement. Le responsable du site a reçu une lettre « valant mise en demeure » des éditions Gallimard lui demandant d'en retirer tous les extraits de textes et photographies. Gallimard lui explique en effet :
« Quelles que soient vos motivations, nous attirons votre attention sur l’interdiction qui en résulte de toute représentation, même partielle, de ces œuvres dont les Éditions Gallimard sont cessionnaires des droits. En l’occurrence, leur adaptation et leur représentation sur écrans reliés à des réseaux impliquent tant au titre des droits patrimoniaux que du droit moral, l’autorisation préalable et spécifique de l’éditeur d’une part, de l’Auteur ou de ses Ayants droit d’autre part.
Les mêmes restrictions s’appliquent aux photographies représentées qui ne sont pas non plus de libre accès. »
Ce bien plus modeste blog baigne alors lui aussi dans l'illégalité. Comme des millions d'autres. Et je n'ai pas d'autres réponses à faire que celles du webmestre du site célinien. J'ajouterai tout de même que je ne crois pas l'édition aussi menacée que la presse par l'internet - et que si menace il y a, elle ne vient pas du support, du vaisseau, du médium, mais du contenu et surtout de la perte quasi organisée des lecteurs.
Pour les lecteurs qui restent, proposons vite des versions électroniques (qui sont bien utiles pour retrouver rapidement un passage grâce à la recherche par mot-clé mais me semblent tout de même impossibles à lire et vouées à demeurer des doublons purement techniques) et maintenons la qualité éditoriale, l'esthétique et l'accès facile au livre véritable (il y aurait là aussi bien des choses à dire...).
Extraits, ebooks, blogs ou sites sont des passerelles vers ce livre. Les détruire ne feront que l'isoler. Et rendre encore un peu plus difficile d'accès la connaissance au plus grand nombre. J'ai l'impression d'avoir dit pas mal de banalités... Quitte à enfreindre encore un peu plus la Loi, je préfère laisser la parole à Gide :
« Mais je tiens en fait qu'un jeune étudiant d'aujourd'hui a du mal à vraiment s'instruire. Un pays sérieusement soucieux de ses traditions, de sa culture, comme devrait l'être le nôtre, devrait faire davantage pour l'aider. S'il doit, pour lire un classique, se priver d'un repas, on comprend qu'il y regarde à deux fois. Et lentement, mais sûrement, c'est la barbarie qui triomphe. » (Ainsi soit-il, Gallimard, L'Imaginaire, Gallimard, 2001, p.88)
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