Pierre Masson, professeur émérite à l'Université de Nantes, est ensuite appelé à la barre : « Histoires de portes » nous promet le titre de sa communication. Ou comment naît et évolue un « mythe de la porte » dans l'œuvre d'André Gide. Je songe à cet instant au rêve du narrateur de Paludes que nous venons de quitter (« Ah ! Misère ! Encore une porte fermée... Heureusement qu'elles sont très faciles à ouvrir […] Paf ! Encore une porte fermée. […] Miséricorde ! Ici il n'y a plus de portes du tout. »).
Pierre Masson montre comment la porte est une figure récurrente mais qui évolue tout au long des récits gidiens. Autour de 1900, la figure idéale est : une porte ouvrant sur une chambre à la fenêtre ouverte. « Il y a complémentarité dans le rapport au monde, ouverture sur l'intimité et la liberté à la fois » et toujours plus tard « conjugaison significative porte-chambre ».
Le mythe évolue et dans un deuxième temps la porte devient une ligne de démarcation, avec un moment suspendu sur le pas de la porte. Puis la figure devient antithétique avec clairement une bonne et une mauvaise porte. A la porte d'Alyssa succède celle d'Isabelle, déjà désacralisée. Dans les Caves du Vatican Pierre Masson souligne « trois variations ironiques sur la chambre d'Alyssa » avec celles d'Anthime, de Fleurissoire et de Lafcadio. « Gide s'attaque au mythe qu'il a créé. »
« Il y a même acharnement sur la figure jadis sacrée de la porte dans les Faux Monnayeurs », poursuit-il : Bernard venant gratter à la porte d'Olivier, Laura en pleurs à la porte de Vincent, Bernard à la porte de Laura, Edouard forçant la porte bloquée par le corps d'Olivier, Boris se suicidant devant une porte fermée...
Pierre Masson nous montre la porte comme « foyer intéressant pour l'ensemble de l'œuvre de fiction et de la vie affective et désirante de Gide ». Cette « enfilade de portes gidiennes contient en germe tous les problèmes amoureux avec toutes sortes de variantes d'idéal d'âme jusqu'à la découverte de l'amour pédérastique qui mène au sommet de la joie [Portes de Mohammed et Wilde dans Si le grain ne meurt] en passant par le voyeurisme et l'inceste par procuration [« presque porte » des Faux Monnayeurs, trou dans la cloison de la scène réunissant Sarah, Armand et Bernard] ».
La comédienne Claire Ruppli fait alors remarquer combien la porte est aussi un élément de mise en scène, comparant la porte à la page et rejoignant l'intéressante variation de la relation du Schaudern de la rue de Lecat évoquée également par Pierre Masson. De La Porte étroite à Si le grain ne meurt s'élabore tout un travail de réécriture où Gide « reconstitue l'ambiance de ce qu'il a vu derrière cette porte, comme si le roman devenait la source de l'autobiographie. »
Pour la suite du compte-rendu de ce colloque, c'est par ici...
Lucien Jude donne sur le blog des Septembriseurs un autre résumé de cette matinée du colloque.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire